La force de la photographie est de pouvoir capter ce qui nous entoure. Le photographe est un documentariste hors pair car en une seule image, il arrive à raconter une histoire, une émotion. En couleurs ou en noir & blanc, il y a des instants en effet à saisir au vol.

Nancy-Wengue Moussissa fait partie de ses conteurs du visuel. Passionnée de photographie depuis l’adolescence, elle capture ce qui l’entoure, ce qui l’intrigue. De Vitry-sur-Seine au Cameroun, Nancy-Wengue Moussissa réalise de précieux reportages sur notre temps.

Entretien avec une jeune photographe à suivre de près.

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Adolescente, vous décidez de devenir photographe. Quel fut le déclic ?

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Cette question du déclic est intéressante. Je n’en ai pas eu, du moins pas sous la forme d’une épiphanie. C’est davantage une vocation qui s’est construite et fortifiée sur plusieurs années, qui continue de s’enrichir, de se transformer aussi. Je ne suis pas passée par la case « hobby » avec la photographie, le potentiel de ce médium. J’ai en revanche vécu plusieurs moments de grande affirmation de ma volonté concernant mes ambitions et ce que je pourrais faire passer à travers la photographie.

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Vous avez eu l’habitude de photographier votre ville, Vitry-sur-Seine. Est-ce une façon d’exposer une certaine intimité de votre lieu de vie ?

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Non, je ne le pense pas en ces termes. Vu de l’extérieur c’est ce qui ressort, pour moi, c’était une partie de notre vie quotidienne. L’intimité en fait partie. Mais ce n’est pas l’essentiel de ce que je souhaite exposer.

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Vous prenez en photo la banlieue depuis des années. Voyez-vous des changements ? 

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Les changements sont multiples. Les lieux et les bâtiments changent par exemple. C’est le changement le plus flagrant.

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La photographie documentaire comporte-t-elle une certaine mise en scène ou c’est avant tout de l’instantané ?

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La photographie documentaire est un vaste terme finalement. Ce qui prédomine est la mise en scène, ou la photographie de mise en scène et dans ces mises en scène, peut ressortir du spontané. 

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Quels sont vos souvenirs de votre série de portraits au Cameroun en 2015 (Po La Bwam) ?

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J’en ai de très bons souvenirs. C’est la première fois que j’allais au-devant de personnes que je ne connaissais pas pour leur demander un portrait et que je faisais l’expérience. J’ai été très timide pendant mon enfance et mon adolescence. La pratique de la photographie a désagrégé quelques pensées limitantes que j’avais admises. Finalement, c’est cette série qui m’a donné l’impulsion de cheminer vers la photographe et la personne et que je suis aujourd’hui.

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Le noir & blanc occupe une grande place dans votre travail artistique. Pourquoi ce choix ?

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Au début, avec du recul, je pense avoir adopté le noir et blanc par pur mimétisme du travail des photographes que j’admirais quand je formais mon œil à la photographie. Aujourd’hui j’explore de plus en plus la couleur qui a son pouvoir particulier aussi. Mais le noir et blanc reste la forme de couleur à laquelle je m’identifie le plus aujourd’hui. J’y retournerai très prochainement, tout en utilisant la photo couleur. Je pense que les deux peuvent cohabiter.

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Le décor (barres d’immeuble, appartement) a-t-il son importance dans le choix de la photo ?

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Non, je ne fais absolument pas de photo en fonction des barres d’immeubles à l’horizon. C’est juste souvent le décor d’où les personnes que je photographie (et moi-même) habitent. En revanche c’est la composition qui m’importe le plus, et il se trouve que je compose avec l’architecture locale. Concernant les appartements, je le pense plutôt en « chez les gens », que ce soit un appartement ou une maison d’ailleurs. 

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Pour votre série « Infirmière, au cœur de la crise », vous avez choisi de photographier votre mère, infirmière libérale (ainsi que son matériel), lors de la pandémie. Avez-vous eu conscience de vivre un moment exceptionnel devenu quotidien ? (Vous avez également écrit et photographié pour la série « Entretiens déconfinés – récits politiques de la jeunesse d’Ile-de-France)

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C’est plutôt un moment quotidien devenu exceptionnel. J’ai toujours connu ma mère travaillant dans le domaine du soin. Un travail qui peut être éreintant, pas assez valorisé. Et au moment de la pandémie, la totalité du personnel soignant a été mobilisée. Bien sûr, les réflexes de ma mère avaient changé quand elle rentrait du travail. Et à cette mesure, il était clair que quelque chose d’inédit se passait aussi bien visuellement que de manière pratique. Ce qui m’a donné envie d’en faire une série. J’ai vécu cette période comme exceptionnelle dans son envergure et dans sa médiatisation, mais au quotidien rien n’était sensationnel.

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La fête et la danse sont très présentes dans vos photos (en particulier la série « Sweet Sixteen »). Ce sont des moments que vous aimez capturer quand ce sont des instants de rassemblement et de relâchement ?

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À cette époque, je cherchais à documenter les différentes étapes de la jeunesse sous différents angles. Ce qui est ressorti sur cette série sont les thèmes de l’Apparence et de l’Amitié. J’étais donc photographe d’anniversaire pour pouvoir constituer cette série. 

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Vous avez illustré et écrit pour le magazine Vice. Avez-vous voulu écrire ce que la photo ne peut montrer ?

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Je pense sincèrement que certaines choses ne peuvent pas être photographiées, et que certaines choses ne peuvent pas être écrites, en tout cas à mon niveau. Chaque médium d’expression vient pallier à la déficience de l’autre. Ce que j’écris se rapporte souvent au témoignage des personnes photographiées et donc vient compléter l’image. Le contexte de la prise de vue, comme celui de la prise de parole est important. L’un ne va pas sans l’autre.

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Quels sont vos projets ?

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Je travaille sur un projet autour de la gentrification de la Plaine Seine-Saint-Denis. 

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Crédits photos : © Nancy-Wengue Moussissa

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