Ouvrez grand! Voici les Duduss collés sur les murs. Ces petits personnages haut en couleurs font à présent partie de nos rues. Très souvent sous les traits d’icônes de la pop culture, les Duduss nous parlent visuellement. Petits bras, grande gueule, ils n’ont pas finis de nous plaire. Entretien avec le street artiste Toctoc, créateur de ces fameux Duduss.
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Votre nom Toctoc existe depuis votre enfance. L’avez-vous repris par nostalgie ou pour donner un style enfantin à votre art ?
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Lorsque j’ai commencé à dessiner des Duduss, je ne signais même pas. Puis au fil du temps, on me demandait quel était mon nom d’artiste. Je me suis alors souvenu deux surnoms que l’on me donnait durant mon enfance : Tatapo (j’étais un grand fan de tarte aux pommes mais je n’arrivais pas à prononcer correctement le nom) et Toctoc. Ce dernier était simple et la signature correspondait bien graphiquement. Jusqu’en 2012, plus personne ne m’appelait ainsi. À présent, tout le monde m’appelle ainsi.
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En arrivant à Paris, vous avez été impressionné par le street art que vous pouviez voir dans les rues. Vous avez ensuite amené cet esprit artistique dans le Berry, votre région natale. Toctoc est-il un Parisien ou un Provincial qui s’est vraiment plu dans la capitale ?
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J’ai grandi dans un petit village où il n’y avait aucun graffiti ou de tag. À Paris ce fut une révélation. J’y ai vraiment découvert le street art.
Toctoc, le street artiste, est en effet un vrai parisien. Arrivé à Paris, je me suis d’abord installé dans le centre. Au fil des années, lorsque je déménageais, je ne faisais que m’éloigner du centre. Je vis à présent en banlieue mais je reste tout de même très Parisien dans mon style artistique. Et en même temps, je reste attaché à mes origines berrichonnes.
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Avec cette grande mâchoire inférieure, que nous disent ces Duduss ?
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Rien (rires). Jusqu’à mes 14 ans, je ne parlais pas du tout. Lorsqu’on me demandait pourquoi je répondais que je n’avais rien d’intéressant à dire. Je m’exprimais avec le dessin. Enfant, je dessinais avec mon grand-père et j’ai continué pendant mes études.
Au sujet de la mâchoire, dès mes premiers dessins, les Duduss avaient déjà cet aspect. Ce qui est amusant c’est que je n’ai jamais eu l’intention de dessiner du cartoon. Puis mes personnages ont été créés naturellement. J’ai multiplié les Duduss depuis des années. Ils s’expriment finalement par l’action. Quoiqu’ils représentent, ils sont très facilement très reconnaissables. Je m’amuse à les intégrer sur les murs mais aussi en aquarelles.
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Le message des Duduss est-il influencé par ce qu’il y a dans la tête à Toctoc ?
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Je dessine ce qui me vient à l’esprit mais toujours avec humour. En août dernier, je suis retourné dans le 13ème pour repeindre le Joker de Joaquin Phoenix. Les contours étaient présents mais le duduss était décollé. En repeignant, j’ai eu l’idée de finalement réaliser le Joker de Heath Ledger.
Ce fut la même chose avec Harry Potter. J’étais choqué de voir autant de masques bleus jetés dans la rue. J’ai alors eu l’idée de dessiner Harry Potter balayant les masques sur le sol. Face à cette nouvelle pollution, je voulais sensibiliser les passants.
Parfois, j’ai des délires et je les dessine. Je ne sais pas si tous les spectateurs comprennent mes blagues mais qu’importe… J’ai toujours des idées en tête et tôt ou tard je les dessine.
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Les icônes de la pop culture sont devenues des Duduss. Réinterpréter c’est pour rire mais aussi pour rendre hommage ? Pour faire passer des messages ?
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Lorsque j’ai commencé à poser mes Duduss dans la rue, le réalisateur Tim Burton avait été l’invité de la Cinémathèque française afin de présenter ses films. Il était pour moi une immense inspiration ; que ce soit son cinéma ou ses dessins. J’ai alors réalisé 9 collages avec Tim Burton et ses personnages. C’était ma façon de lui rendre hommage.
Au début, mes personnages n’étaient pas dans l’action. Puis, au début d’un an, j’ai en effet voulu faire passer des messages notamment sur l’environnement.
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La rue est un grand lieu de réflexion mais c’est aussi un lieu d’insécurité pour les œuvres d’art (copies, vandalisme, vols,…). Qu’est-ce qui tout de même vous plaît de t’exprimer dans la rue ?
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Selon moi, une œuvre est plus forte et plus esthétique dans la rue. Le mobilier urbain et le mur peuvent même enrichir l’œuvre. Il y a également une excitation certaine de faire passer un message pour un public plus large.
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Les duduss sont présents dans le monde (États-Unis, Royaume-Uni, Koweït,…). Les réactions sont-t—elles différentes ?
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Ce sont les mêmes réactions. Au Koweït, j’ai vu peu de street art. Par conséquent, le public était plus intrigue mais l’accueil fut toujours aussi chaleureux.
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Vous vous impliquez également dans le social avec notamment les hôpitaux de Paris. D’où vient cette envie de se rendre utile ?
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Les artistes ont toujours une sensibilité particulière pour les maux de nos sociétés. Lorsque je voyais la situation des hôpitaux en mars 2020 ou quand j’apprenais que des enfants ont passé seuls dans leur chambre d’hôpital, je voulais faire quelque chose. Rien que de sensibiliser c’est important. Jérôme Jarre, qui a été un grand influenceur français sur Internet et qui s’est lancé dans l’humanitaire, a fait appel à moi pour sa première après les attentats de Paris. Nous nous sommes ensuite rendus au Bangladesh afin d’aider les Rohyngas. Ces belles actions m’ont sensibilisé. Je peux à la fois exercer mon art et à la fois aider ceux qui sont dans le besoin.
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Vous aimez lier votre art avec les enfants ?
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Dès le début de mes expositions en galerie, j’ai voulu ce lien. Durant ma deuxième expo à la galerie Sakura, nous avons même organisé un vernissage spécial enfants un mercredi après-midi. C’est le public qui est le plus expressif. Devant mes tableaux, les enfants ont plein de questions. Face à un sujet ou une thématique qui n’est pas forcément de leur âge, ils vont voir autre chose et l’interprètent différemment. Les couleurs leur parlent. Même face à un Duduss comme celui de Tupac, les enfants ont vu autre chose que nous, adultes.
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En 2020, vous avez interprété l’attestation de sortie pour l’association Cékedubonheur. Faut-il toujours rire ce qui nous angoisse ?
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Pour le premier confinement, j’ai intégré le Duduss Freddy Mercury. Je n’ai réalisé que 16 exemplaires mais il y a eu des centaines de demandes. Au second confinement, j’ai été plus ambitieux et je me suis mis en lien avec Cékedubonheur. Noël approchait et j’ai alors pensé aux enfants. J’ai réutilisé l’attestation de sortie du premier confinement et j’ai changé la typo comme si un enfant avait écrit dessus. Une partie des fonds a été donné à l’association Cékedubonheur.
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L’art fait même partie de votre corps puisque vous avez un duduss tatoué. Les Duduss c’est pour la vie ?
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Avec ce tatouage, je me suis dit que quoiqu’il arrive, dessiner mes Duduss fut un moment incroyable dans ma vie. C’est un souvenir qui n’effacera jamais.
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L’animation vous intéresse ?
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J’ai même essayé en 2015 avec des animations de quelques secondes. Cela m’intéresse en effet. J’aimerais animer mes Duduss en 2D ou en 3D. Nous verrons à l’avenir.
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Quels sont vos projets ?
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Je veux organiser des événements plus simples et donc plus encadrés. Le contexte sanitaire empêche de faire des expositions. J’ai également envie de réaliser de plus de sculptures.
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Pour en savoir plus :
Le site de Toctoc : http://bytoctoc.com/
L’Instagram de Toctoc : https://www.instagram.com/bytoctoc/?hl=fr
La page Facebook : https://www.facebook.com/bytoctoc/