La planète Terre n’a jamais porté autant de milliardaires (Plus de 287 qu’en 2024) et pourtant l’écart économique et social se creuse. Les inégalités sont toujours aussi béantes. Faut-il en rire pour mieux dénoncer ?

15 ans après le mythique « Comment épouser un milliardaire », l’humoriste Audrey Vernon est montée sur la scène de l’Européen à Paris pour célébrer ses noces de cristal… avec le capitalisme. Avec un cocktail huppé, un karaoké acidulé et un superbe bunker VIP (en cas d’Armageddon), le public plonge pendant plus d’une heure dans l’univers des 0,001% des plus riches. Dans « Comment épouser un milliardaire 2 », les inégalités sont une fête et la planète une ligne de crédit.

Entretien avec Audrey Vernon.

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Quand avez-vous eu cet intérêt pour les milliardaires, cette si petite mais puissante caste ?

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En 2009, lors de l’écriture du premier « Comment épouser un milliardaire », je cherchais surtout à traiter les inégalités sociales. Je voyais de plus en plus de retraités qui fouillaient dans les poubelles en quête de nourriture. En 2011, les réfugiés syriens sont arrivés en France et vivaient dans les pires conditions dans la rue à Paris avec leurs enfants. C’étaient des scènes terribles pour moi.

© Laura Gilli

Victor Hugo prononce dans son discours en 1849 : « La souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère ». Encore de nos jours, ne pas penser à l’argent est un luxe. Les milliardaires sont le symptôme de notre société malade. De plus, il y a 15 ans, quand j’ai commencé à écrire sur le sujet, les plus riches n’étaient même pas encore en train de s’accaparer les pouvoirs publics. Aujourd’hui, ils n’ont plus de limites.

Cependant, je ne suis pas la seule à tirer la sonnette d’alarme. Les économistes Thomas Piketty et Camille Landais ou encore l’association ATTAC militent depuis des années contre des excès de pouvoir.

Dès le début de « Comment épouser un milliardaire 2 », je cite Oscar Wilde dans « L’Âme humaine sous le régime socialiste » (1891) : « Il n’y a qu’une catégorie de gens qui pensent plus à l’argent que les riches, ce sont les pauvres. Les pauvres ne peuvent penser à autre chose. C’est en cela que consiste la malédiction de la pauvreté. Rien d’autre. » En ciblant les milliardaires, je défends les plus pauvres. Je tourne en ridicule les grands criminels politiques afin de mieux les exposer.
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Qu’avez-vous oublié de dire dans « Comment épouser un milliardaire » ?

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« Comment épouser un milliardaire 2 » montre l’évolution des mentalités des milliardaires. Ils ont multiplié leur fortune par plus de 10. Des puissants comme Bill Gates ou Mark Zuckerberg fabriquent des armes ou vendent leur technologie aux armées. Les milliardaires se militarisent tout en s’orientant idéologiquement vers le fascisme international.

Lors de l’écriture du spectacle, il m’arrivait d’avoir la nausée. Ce sentiment s’est même traduit lors des représentations. A Avignon, certains spectateurs m’ont dit qu’ils avaient eu parfois envie de vomir. Au cours de ma carrière, j’ai pu faire rire, faire pleurer mais rendre malade le public, ce fut un nouveau défi (rires).

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©Lucie Philis
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Avez-vous eu des retours de milliardaires depuis le début de votre carrière ?

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Dans le premier « Comment épouser un milliardaire », j’ai beaucoup cité le nom de Bruno Lafont, PDG des ciments Lafarge mis en examen pour crimes contre l’Humanité pour avoir soutenu l’Etat Islamique. Même s’il n’était pas milliardaire, j’ai tenu à pointer du doigt l’association entre puissants et terrorisme. L’attaque du 13-novembre fait partie de notre mémoire collective mais nous parlons peu de ceux qui ont permis de telles atrocités. Bruno Lafont a été mis au courant que je parlais de lui dans mon spectacle.

J’ai reçu un autographe de Xavier Niel et j’ai pu avoir un bref échange avec François Pinault. Alors que j’étais spectatrice au théâtre, on m’a présenté à lui. J’ai dit à Pinault que je faisais un spectacle sur lui, les autres milliardaires et la liste de Forbes. Il m’a alors répondu : « Je ne pense pas être très bien classé. ». Pinault était à l’époque 33ème fortune mondiale. « Comment épouser un milliardaire 2 » fait écho à cet échange, puisque mon mari est 33ème dans la liste de Forbes.
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A la fin de vos représentations, vous allez à la rencontre du public. Que recevez-vous ?
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C’est toujours un plaisir de rencontrer le public. Il est pour moi normal de venir le saluer à la fin du spectacle. Les réseaux sociaux ont crée des distances. Nous perdons progressivement l’aspect humain.

Même pendant le spectacle, avec le karaoké, j’ai le plaisir de pouvoir chanter avec le public. Nous respirons et nous exultons ensemble.
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Vous avez joué plus de 500 fois « Comment épouser un milliardaire », Voulez-vous battre votre record avec le 2ème volet ?
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J’aimerais surtout que les milliardaires s’accaparent moins de pouvoirs. Mes spectacles sont des alertes. J’ai l’espoir que prochainement ils ne soient plus perçus comme d’actualité mais comme des « photographies » du passé.
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© Laura Gilli

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Après plus de 500 représentations au théâtre, « Comment épouser un milliardaire » a eu le privilège de sortir en livre. C’était une belle consécration ?
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Cela m’a permis d’ajouter des annexes, des bonus d’informations. Je voulais donner mes références bibliographiques.

« Comment épouser un milliardaire » est sorti chez Fayard (à l’époque où Bolloré n’était pas encore propriétaire de la maison d’éditions). « Billion Dollar Baby » (2019 – Editions Libre) est lui aussi devenu un livre.
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Pensez-vous déjà à un troisième volet ?
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« Billion Dollar Baby » (2019) était le rejeton de « Comment épouser un milliardaire », par conséquent, ce spectacle est d’une certaine manière le 3ème volet. Je vois « Comment épouser un milliardaire 2 » comme le final. Je veux qu’il soit le Game Over des milliardaires.
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© Laura Gilli

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Photo de couverture : © Laura Gilli

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