Conteur des aventures de Jonathan pendant 45 ans, Cosey continue d’enrichir son univers graphique avec « Yiyun » (Editions Le Lombard – 2025). Cette bande dessinée fait la part au rêve, au voyage, à l’artisanat, à l’amour et à la BD elle-même. « Yiyun » est un récit riche où réalité et fiction se mêlent sans cesse, s’enrichissent l’un de l’autre.
Du 29 octobre au 22 novembre, la Galerie Daniel Maghen a consacré une merveilleuse exposition sur l’univers enchanteur de Cosey. Plusieurs planches de « Yiyun » ont pu ainsi être présentées parmi Jonathan, Arthur Druey et Sir Melvin – révélant ainsi une constante esthétique pure et mystérieuse chez le dessinateur suisse.
Après avoir échangé en 2021, voici un nouvel entretien avec Cosey, dessinateur à la recherche du présent.
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La Nature est-elle le personnage le plus présent dans vos images et vos histoires ?
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Pour moi, le plus important avec la bande dessinée c’est de donner l’impression de la vie, par conséquent de tromper le lecteur. Pour cela, tout est bon y compris la nature. Elle peut être aussi importante que les personnages.
La nature m’inspire pour certaines scènes. J’éveille des sentiments mais en aucun cas je ne veux influencer la lecture.
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Dans « Yiyun », Miss Wu porte un cache-œil. Est-ce que ce fut un plaisir d’imaginer et dessiner un personnage qui s’entoure d’autant de mystères ?
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Miss Wu est un clin d’œil à la BD classique avec Dragon Lady dans la série Terry et les Pirates de Milton Caniff, maître du noir & blanc. Contrairement à la majorité des artistes américains, il ne dessinait pas de super-héros mais des aventuriers. Milton Caniff a été une grande inspiration pour Hugo Pratt, pour Jijé et pour moi-même.
Miss Wu, pilote chinoise rebelle et au cache-œil, est un hommage à ce type de bandes dessinées. Elle est un concentré de figures telles que Lady X (la grande ennemie de Buck Danny).
Je ne prétends pas tout connaître de mes propres histoires et personnages. En outre, il m’arrive de cultiver un certain mystère. Mes personnages ne sont pas mes marionnettes. Je leur laisse une certaine liberté. Ils peuvent me surprendre et c’est tant mieux.
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« Yiyun » est-il un hommage à l’art du découpage ?
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Les papiers découpés sont une tradition artistique ancestrale en Suisse – mais également en Chine, Indonésie, Egypte etc.. Je m’y suis intéressé à tel point que j’avais le projet de réaliser un livre uniquement en découpage mais j’ai renoncé. C’était trop fastidieux et comme mon personnage, Urs, j’aime garder une certaine liberté, or le crayon et le pinceau sont beaucoup moins contraignants.
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Aimez-vous être en lien avec votre public ? Ses commentaires vous surprennent-
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J’essaye de donner du travail au lecteur, de l’amener à participer, même inconsciemment. Je ne mâche pas tout. C’est au lecteur de ressentir ou non les émotions que mon récit éveille en lui, mais je suis attentif aux éventuels commentaires. J’ai ainsi pu découvrir des aspects que j’ignorais de mes histoires en écoutant les lecteurs.
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Depuis 2021, vous ne réalisez plus d’albums sur Jonathan. Est-ce une façon d’aborder d’autres thèmes, d’autres ambiances ?
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Oui. Cela me renouvelle. Tout au long de ma carrière, dans chaque album, j’ai voulu apporter du renouveau. J’aime expérimenter de nouvelles voies. Même si nous avons tendance à raconter la même histoire, il est important de surprendre à la fois le lecteur et soi-même.
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Il semble que vous aimez illustrer les cartes du monde.
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J’ai toujours aimé les cartes car elles font rêver, de même la bande dessinée, les idéogrammes et les papiers découpés. Ce sont des images qui évoquent plus qu’elles ne montrent.
Au même titre que les idéogrammes, la carte n’est pas une description mais une transposition. J’aime le fait que la bande dessinée flirte avec nombre de ces domaines.
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Comment va Jonathan ? Vous avez réalisé une courte bande dessinée pour les 77 ans du magazine Tintin. Jonathan n’est que mentionné.
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Il va de mieux en mieux. Moi aussi d’ailleurs (rires). Nous avons pris tous les deux notre liberté. Le 16ème album, « Celle qui fut » (2013) a été une fausse sortie. Puis, accidentellement, j’ai trouvé la bonne idée avec le 17ème. « La Piste de Yéshé » (2021) était selon moi la conclusion idéale pour Jonathan.
L’histoire des 77 ans de Tintin a été une belle occasion pour parler de lui mais en aucun cas ce n’était une nouvelle aventure. D’ailleurs on ne le voit jamais dans ces quelques pages ! Là, comme pour les idéogrammes, on l’évoque sans le montrer.
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Image de couverture : © Le Lombard







