Dessinateur à la fois influencé par la bande dessinée franco-belge, le manga et comic américain et les fumetti, Enrico Marini impose sa marque avec une écriture et un trait décapants. Depuis la série des Dossiers d’Olivier Varèse, l’artiste italien résidant en Suisse ne cesse d’explorer différents univers tels que le Vatican, le western, l’Antiquité romaine ou encore Gotham City.
Entretien avec Enrico Marini, dessinateur en quête d’aventures.
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Dès le début de votre carrière de dessinateur, le cinéma a-t-il été également une formidable inspiration ?
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Absolument. Le cinéma d’animation et le cinéma en général ont toujours été une grande inspiration. Enfant, le samedi soir, je ne loupais jamais une occasion pour regarder un film. Cela a nourri mon imagination. Nous n’avions pas beaucoup de chaînes à l’époque donc peu de choix mais qu’importe.
J’aimais beaucoup les polars, les westerns et les comédies musicales. Tout cela continue de nourrir mon univers graphique.
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Quel était votre rapport avec la bande dessinée ?
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Enfant, je lisais surtout des histoires humoristiques que l’on retrouvait chez Astérix, Mickey et Tintin. Je commençais déjà à dessiner. Mon père, ainsi que ma grand-mère, lisaient des fumetti comme Tex.
Plus tard, j’ai découvert les bandes dessinées d’aventures comme celles de Bernard Prince ou Blueberry. Je commençais également à lire les comic books.
A l’âge de 14 ans, je me suis passionné pour les univers de Caza, de Breccia et de Moebius. Au même moment, je lisais Milo Manara et Hugo Pratt. C’est lorsqu’une librairie BD s’est installée chez moi à Bâle que j’ai découvert les BD d’Hermann. Ce fut un vrai choc pour moi.
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La série Les Aigles de Rome est née en 2007. Vous connaissiez le dénouement depuis longtemps. La série a-t-elle tout de même pris des chemins surprenants ?
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Au début du projet, j’imaginais une intrigue assez simple même manichéenne : Un bon barbare se révolte contre les méchants romains. Il y avait un côté « Braveheart » (1995). La grande bataille contre les Germains du film de Ridley Scott, « Gladiator » (2000), m’a également inspiré. Finalement, il y a eu peu de fictions sur les affrontements entre Romains et barbares. Même la période augustéenne n’a pas vraiment été traitée. Je voulais traiter de tous ces sujets.
Au fil du temps, des personnages des Aigles de Rome ont pris plus d’ampleur que prévu. L’antagoniste romain a pu devenir de temps en temps le héros selon les albums. Arminius et Marcus sont des personnages qui ont leurs différences mais aussi leurs points communs. Le lecteur peut même décider de prendre parti pour un camp plutôt que l’autre.
Il y a certains aspects que je voulais développer. Je les ai finalement retirés afin de me concentrer sur mes deux personnages.
Cependant, depuis un certain temps, je sais où Les Aigles de Rome se dirige. Le nœud de l’histoire c’est la cassure d’une amitié entre deux frères d’armes. Au fil des albums, ils s’affrontent.
La fin sera tragique.
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Avec les Aigles de Rome, êtes-vous devenu un « archéologue » ou vous laissez place avant tout à la fantaisie ?
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Avec les adaptations historiques, tout est fantaisie. Je souhaite cependant rester crédible pour Les Aigles de Rome. Je me suis beaucoup documenté et j’ai eu envie de décrire une époque. Pour la série du Scorpion, je pouvais prendre plus la liberté avec les faits historiques.
Cependant, le scénario reste le plus important. Il a une part de fantaisie et je ne modifierai pas cette dernière. Arminius est certes un personnage historique. Son amitié avec Marcus est quant à elle le fruit de mon imagination. J’aime inventer. Il faut penser d’abord au lecteur.
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L’histoire courte dans « Sur la piste de Blueberry » (Editions Dargaud – 2025) a-t-elle été un rêve devenu réalité ?
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J’ai pris du plaisir à concevoir ces 8 pages, « For one Dollar more », mais ce n’était pas pour moi un Graal à atteindre. Le Blueberry de Jean Giraud a toujours été une référence pour moi. C’était une autre vision du western – moins Hollywood, plus italien. Le Blueberry que j’ai dessiné fait écho aux personnages du réalisateur Sergio Leone.
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Le cowboy solitaire (Go west young man, L’Etoile du désert, Blueberry,…) peut-il avoir des points communs avec le dessinateur ?
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Même dans mes séries comme Le Scorpion, Gypsy et Les Aigles de Rome, on retrouve des looks, des éléments et des attitudes qui rappellent le western. Vous enlevez le Vatican et le sénat romain et vous pouvez vous dire que les intrigues pourraient se dérouler dans l’Ouest américain. On retrouve toujours des dualités et des espérances similaires.
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Quelles sont les femmes de votre univers (Morphéa, Camilla, Méjaï, Catwoman) ?
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Même si elles ne sont pas forcément les personnages principaux, les femmes deviennent des figures majeures de mes bandes dessinées. Ce que vous avez vu au cinéma, ce que vous avez lu dans les livres mais aussi ce que vous avez vécu dans votre vie se retrouvent dans vos propres œuvres. Je reste très influencé par des actrices comme Sophia Loren, Gina Lollobrigida ou encore Claudia Cardinale.
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« The Dark Prince Charming » (Editions Dargaud – 2017) a-t-il été synonyme de liberté créative ?
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Quand DC comics m’a contacté pour réaliser une aventure de Batman, je terminais la série du Scorpion, je travaillais sur Les Aigles de Rome et je souhaitais commencer un nouveau projet sur le noir burlesque. Je n’avais ni le temps ni l’inspiration. J’allais refuser.
Les Américains m’ont laissé carte blanche. Ce fut un vrai plaisir. Marvel et DC Comics travaillent souvent avec des Européens. Cependant, je pense que je suis l’un des seuls à avoir la chance de dessiner, de d’écrire, de colorier et de réaliser le lettrage.
Batman est un héros passionnant car il a un lien avec ses ennemis. « The Dark Prince Charming » m’a permis de développer le personnage du Joker. Je me le suis approprié. Mon Joker est plus androgyne et plus drôle. Depuis des dizaines d’années, il était avant tout défini par sa violence et sa folie. Je voulais revenir vers la figure du clown. C’est un personnage multiple. Il n’y a pas de limites avec lui. Je pourrais développer davantage le Joker et Batman dans d’autres albums.
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Que souhaiteriez-vous explorer à présent ?
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Le tome IX des Aigles de Rome va sortir l’année prochaine. Je suis en train de l’écrire actuellement. Je souhaite également revenir au Scorpion avec un hors-série. J’aimerais raconter d’autres aspects. Ce hors-série sera en même temps indépendant et fera écho aux autres albums.
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