Synonyme d’aventure, d’épopée mais aussi de mystère, l’Histoire de la conquête de l’Ouest a toujours fasciné. A tel point qu’Hollywood en a fait pendant très longtemps sa chasse gardée. Ce caractère exclusif a pu édulcorer les faits, influencer nos pensées. L’Old west américain est pourtant une époque qu’il faut redécouvrir – avec sa richesse et ses parts d’ombre.
Depuis 2021, Tiburce Oger s’est lancé dans l’aventure BD de Go West (Editions Bamboo/Grand angle). Chaque album a un thème particulier mais également une multitude de dessinateurs. Seul Tiburce Oger est à l’écriture. ‘Women of the West‘ (Editions Bamboo/Grand angle – 2025) est le cinquième album-compilation. Les récits et les styles nous transportent sur le parcours incroyable et authentique des femmes de l’Ouest américain.
Entretien avec Tiburce Oger, créateur de la série BD Go West.
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Comment est née l’idée de Go West ?
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Par accident. Suite à une chute, je me suis cassé 2 côtes. Souffrant le martyr, je n’arrivais pas à dormir. J’ai commencé à déprimer et j’ai même parfois pensé à la fin. Je me lamentais de ne pas avoir pu travailler avec tel ou tel artiste. J’ai eu alors eu l’idée de proposer à quelques-uns un recueil d’histoires, cela pourrait permettre de travailler ensemble. Beaucoup de dessinateurs ont accepté mes scénarios et le projet « Go West » est né ainsi.
C’était un si grand plaisir de découvrir chaque semaine, les planches des différents dessinateurs. Au départ, beaucoup de personnes me prévenaient que le projet n’allait pas marcher. On me disait sans cesse que les collectifs ne marchaient pas. Le livre est tout de suite sorti. Depuis, 4 autres albums sont édités, les collectifs en bande dessinée sont en vogue.

« Go West, young man » (2021) avait été une si belle expérience que j’ai eu envie de réaliser un autre album. Le premier avait pour thème les colons. Le second devait être sur les Amérindiens.
J’ai toujours été passionné par le western. Enfant, j’ai été élevé parmi les chevaux. En regardant les films de John Wayne, je me suis alors passionné pour les armes à feu et la vie libre dans les grands espaces. Aujourd’hui, je suis tireur en compétition armes anciennes et instructeur de tir. J’apprends aux débutants à faire attention avec les armes et à tirer juste.
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Le western est-il un genre passionnant car violent, beau et étranger ?
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Les Etats-Unis d’alors étaient vastes et sauvages. Au XIXème siècle, le pays était en devenir et tout pouvait être possible. Pour beaucoup de crèves-la-faim, ils espéraient beaucoup de ce Nouveau monde. Hollywood a redessiné cette époque de la conquête de l’Ouest. Cependant, ce n’était pas la réalité. Cette conquête fut de mon point de vue un énorme gâchis et fut pourtant fascinante. Avec notre série BD, nous avons voulu le montrer avec nos stylos et nos couleurs.
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Vous aviez de plus travaillé sur le dessin animé Lucky Luke.
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Dès le début de ma carrière de dessinateur, je voulais réaliser un album sur un officier confédéré. Les éditeurs ont refusé mon projet mais m’ont encouragé à tenter l’heroïc fantasy. J’ai alors commencé la série Gorn au début des années 90.
Auparavant j’ai travaillé dans le monde du dessin animé, Denver – Le dernier dinosaure, Les tortues ninja, etc. Avec Lucky Luke, j’ai eu l’honneur de rencontrer le dessinateur Morris.
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Est-ce un plaisir d’écrire pour les autres, choisir les artistes. En d’autres termes décider ?
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Absolument mais parfois je dois faire des choix. A présent, un grand nombre de dessinateurs (talentueux) ont le souhait de participer aux projets. Je dois souvent faire des compromis et des choix avec l’éditeur.
J’écris toutes les histoires car le lecteur doit avoir la même voix dans la tête. Il faut un ton et un emballage harmonieux pour servir de lien entre les styles graphiques divers. Mon écriture est le fil conducteur.
Tout ce travail m’a permis de découvrir et aimer des styles graphiques très différents. Les dessinateurs mettent beaucoup de personnalité et c’est un vrai cadeau. Pour le dernier, « Women of the West », Miss Prickly, qui vient du dessin jeunesse, a fait une interprétation remarquable. François Boucq est un habitué et son trait est toujours épatant. La variété des styles en bande dessinée en constitue toute sa richesse inimitable.
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Les thèmes vous ont-ils permis d’étudier, de devenir même un spécialiste ?
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« Go West » avait certes des personnages fictifs mais les faits étaient réels. Hollywood et le western spaghetti ont forgé des légendes. L’Histoire regorge pourtant d’histoires mémorables. Avec cette série BD, j’ai voulu raconter des histoires vraies. Il m’arrive de faire des recherches pendant des mois.
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C’est agréable de retrouver à chaque fois certains dessinateurs ?
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Pendant 40 ans, j’ai travaillé de façon solitaire. A présent, je crée une famille d’artistes. A chaque fois, nous discutons pour que le travail soit le mieux possible et le plus agréable.
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Quels dessinateurs vous ont le plus étonné ?
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Tous ont apporté du sang neuf et de l’impertinence. Chacun est différent. Si le dessin est sincère, j’adhère.
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Chaque album a un terme différent. Le dernier met en lumière les femmes de l’ouest. Etait-ce une évidence ?
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Au milieu des années 1850, les femmes à l’Est de l’Amérique représentent la majorité de la population. Dans les territoires par-delà la « frontière », elles sont à peine dix pour cent. Elles sont donc dans les territoires sauvages, objets de convoitise. Pour les fermiers de l’Ouest, ils ont besoin de quelqu’un pour les aider dans les travaux agricoles ou pour le foyer. Des photographies sont réalisées pour que les femmes puissent être séduites par ces hommes. Mais peu seront tentées par l’aventure, il faut attendre la fin de la guerre de sécession pour que les femmes décident de partir à la conquête de l’Ouest, rêvant d’un lopin de terre et d’un avenir meilleur.
L’Ouest sauvage a été un environnement très dangereux pour les femmes. Une poignée ont été U.S. Marshals. Elles ont recherché des fugitifs dans les territoires indiens. La plupart a vécu une vie de dur labeur, affrontant la solitude, les maladies, les attaques indiennes ou de hors-la-loi. Il y a également beaucoup à raconter à propos du destin des Amérindiennes.
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Qu’est-ce que les dessinatrices ont apporté à la série ?
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Leur sérieux et leur ponctualité. Miss Prickly a notamment été très humble et très efficace. Virginie Augustin n’a pas sa langue dans sa poche et m’a convaincu de modifier certains textes. « Women of the West » m’a également permis de travailler avec ma fille, Eloïse Oger, illustratrice jeunesse. Laura Zuccheri, Daphné Collignon, Nathalie Ferlut, Gaëlle Hersent, Elvire De Cocke, Isabelle Dethan, toutes ont apporté un regard neuf au western.
Ce fut un vrai plaisir de travailler avec toutes ces dessinatrices.
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L’écriture a-t-elle été spéciale ?
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Je n’ai pas plus souffert qu’avec les autres. Cependant, la recherche a été plus difficile. Les sources sur les femmes de l’Ouest sont plus rares. Elles ont été volontairement effacées de l’Histoire américaine, à part Calamity Jane citée à chaque fois par toutes les personnes interrogées qui sont ensuite incapables d’en citer une seule autre. Essayez, vous verrez.
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Où voulez-vous aller à présent ?
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Tant que j’ai envie de raconter des histoires, je continuerai cette série western. Nos lecteurs sentent que nous prenons toujours du plaisir à la réaliser. J’ai parfois la tentation de redessiner. Je verrai…
Le prochain album aura pour thème la Guerre de Sécession. C’est un conflit complexe qui a profondément marqué les Américains. Le ton sera sombre.
J’adorerais écrire un jour un album des Tuniques bleues. Ce serait très différent mais très proche des premiers albums – ceux de Louis Salvérius.
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Image de couverture : © Bamboo/Grand angle







