Présent depuis la fin du XVIIIème siècle, le dessin de presse reste un genre à part tant pour sa richesse que pour sa pertinence à décrire son époque.
A la fois imprévisible et brut, il continue de raconter avec saveur notre actualité et même notre quotidien. « Signé Coco » (Editions Les Arènes 2025), fantastique recueil, n’échappe pas à la règle.
La dessinatrice Coco assemble ici (avec discernement) ses réalisations les plus mordantes. Publiées récemment dans Libération et Charlie Hebdo, les images rappellent tant l’état du monde que l’espoir de beaucoup d’entre nous de vivre ensemble et donc mieux.
Coco glisse également ici et là des BD inédites – une façon de mettre en lumière ce qui lui tient si à cœur : le dessin contre la haine. L’humour est toujours notre meilleur atout.
Entretien (à Saint-Malo) avec Coco, dessinatrice-« pirate ».
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« Signé Coco » est un florilège de plus de 300 pages. Est-ce difficile de choisir les dessins et même pire d’écarter d’autres ?
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Sur un même sujet d’actualité, il a en effet fallu faire des choix. Comme « Signé Coco » contient des thématiques, j’ai dû également réaliser des face-à-face de dessins.
Il faut être intransigeant et garder le meilleur.
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Est-ce également un livre qui peut vous donner le tournis ? Des centaines de dessins en lien avec l’actualité.
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J’ai choisi les dessins qui vont durer dans le temps. Il n’y a pas de légendes – juste à la fin du livre des crédits images qui permettent de situer l’image, dater et contextualiser. Réaliser un dessin de presse c’est, comme dit Riss, « toujours avoir un coup d’avance ».
Sélectionner des dessins sur 4 ans, se poser les bonnes questions, faire preuve de discernement : qu’est-ce qu’on va retenir de l’actualité ? Certains dessins marquent comme celui sur le droit à l’IVG aux Etats-Unis, le début de l’invasion russe en Ukraine ou encore sur la révolte populaire en Iran.
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Certains dessins n’ont pas été diffusés par la presse. Prennent-ils ici leur revanche ?
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Tout dessinateur de presse propose en général plusieurs dessins. Certains sont juste préférés à d’autres. Des choix éditoriaux sont faits.
J’ai souhaité que quelques dessins soient « sauvés » dans le livre car j’aime leur audace ! (rires)
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Donald Trump est un personnage central sur la couverture de « Signé Coco ». Est-il un terrible président américain mais un excellent sujet ?
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Même si c’est un très bon sujet de dessin, nous pouvons nous lamenter de l’avoir encore pendant 4 ans à la Maison blanche ! Son second mandat est pire que le premier. Trump a des idées néfastes pour la démocratie. Misogynie, raciste, anti-journaliste, complotiste…
Certains dessinateurs se sont interrogés sur le fait de continuer à le représenter sur le papier. Donald Trump est si caricatural, si grossier. Il est nécessaire de le contredire et de rire de lui. Ses liens avec les GAFAM ou sa politique anti-migrants doivent être dénoncés au même titre que les idées de l’extrême droite en France.
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En plus des caricatures, il y a aussi de courtes histoires (avec des autoportraits). Est-ce un début vers un format plus bande dessinée ?
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Je me dessine afin de montrer un peu la vie de dessinatrice de presse. Révéler au lecteur quelques étapes de travail – de l’idée à la publication, au rire, en passant par l’indignation… Je parle par exemple de ce dessin brandi dans les manifestations américaines pour défendre le droit à l’avortement.
Il y a aussi l’impact des réseaux sociaux : pour certains, c’est le moyen de déverser leur haine et de propager des mensonges. En peu de temps, pour un dessin, vous pouvez être insulter voire menacer de mort.
Parfois la violence est encore telle qu’on a l’impression que le 7 Janvier n’a jamais existé, que les gens n’en ont jamais tiré aucune leçon !
Il est pourtant hors de question de se laisser impressionner. Il faut continuer de dessiner.
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Quel est le personnage toujours aussi difficile à dessiner ?
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On s’adapte toujours ! On trouve le bon ton, la gueule qui colle à la personne qu’on dessine. Les visages trop lisses peuvent ennuyer. Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy ou François Bayrou ont pris du grain : il y a matière à faire !
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La valse des premiers ministres à Matignon, est-ce que ce fut du pain béni pour les dessinateurs ?
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J’ai lu que, en l’espace de quelques mois, Emmanuel Macron a utilisé 23% des premiers ministres de la Vème République ! Nous avons eu juste peu de temps pour les caricaturer. A présent, c’est Sébastien Lecornu. C’est un visage qu’il faut apprivoiser.
Cette valse est aussi un reflet d’une crise politique et de notre époque. Tout va très vite. Il m’arrive de traiter d’un sujet le matin et de voir une grande évolution dans l’après-midi. J’ajoute dans ce cas-là un autre dessin afin de rester dans le thème. Quotidiennement, il faut que je sois à la fois attentive, et méticuleuse. Et il faut se marrer quoiqu’il arrive !
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Quelle est la différence de traitement entre un dessin en noir & blanc et un dessin en couleurs ?
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J’ai un attachement pour le noir & blanc. Il y a une certaine élégance et une belle simplicité. J’aime beaucoup les dessins de Cabu et de Willem. De plus, un dessin en noir & blanc c’est du contraste pur. J’aime aussi les couleurs, pour les jeux d’eau et d’aquarelle, le coté pêchu parfois de couleurs complémentaires : Tignous faisait ça très bien, les couleurs, orange, rouge, bleu, gris, chaud, froid…
Le livre commence par ce portrait dessiné par Cabu et se termine avec un hommage à Simon Fieschi, webmaster et dernière victime de l’attaque de Charlie Hebdo. Est-ce un livre qui leur est dédié ?
…Comment oublier mon premier jour dans les locaux de Charlie Hebdo en 2007 ? J’étais une jeune femme timide avec un style grunge dark. Malgré tout, j’ai été formidablement accueillie. J’ai ouvert « Signé Coco » par ce portrait qu’il a fait de moi, peu de temps après mon arrivée à Charlie. Je porte une casquette et je me maquillais comme le chanteur de Kiss, haha ! J’aime beaucoup ce dessin car Cabu a capturé une certaine douceur. C’était typique de sa plume.
Quant à Simon Fieschi, je voulais terminer le livre avec lui. Sa disparition tragique [le 17 octobre 2024] nous a beaucoup heurtés. Le dernier dessin de « Signé Coco » c’est « Ils ont des armes- on les emmerde, on a le champagne ! ». Simon avait cette résistance en lui. Malgré les blessures physiques et son traumatisme, il allait dans les écoles parler de l’attentat et de l’impact d’une balle de kalashnikov dans son corps. J’ai tenu à raconter une anecdote marrante (tout lui ça!) qu’il m’avait dite quelque temps avant le drame de sa disparition.
Je pense beaucoup à lui, à eux. À eux tous.
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