Par son allure, sa silhouette, sa taille, sa voix, Sara Novak arrête le temps lors de son arrivée à l’Hôtel du nord. C’est bien dans ce café mythique du long du Canal Saint-Martin que nous avons rendez-vous. Le lieu fait écho au cinéma mais aussi à la musique et aux années folles…
Sara Novak a des origines diverses, est polyglotte, actrice, mannequin, traductrice. Cette multiplicité n’est pas un passe-temps mais bien un art de vivre.
Entretien Sara Novak, artiste bel espoir.
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De par vos origines, vous sentez-vous à l’aise dans de nombreux univers, rôles et langues ?
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Mon prénom, Sara, s’écrit sans H. Mon nom, lui, raconte mes origines. Je suis également française, et je vis entre deux pays, avec Paris comme base. Je suis polyglotte.
Je travaille en ce moment sur un spectacle avec des artistes venus d’Italie. Parler avec eux dans leur langue ouvre une relation différente : plus naturelle, plus intime. J’ai toujours aimé l’immersion totale. Quand je joue un personnage, je parle sa langue, j’adopte ses gestes, ses coutumes, sa manière de voir le monde. Chaque langue fait ressortir une autre part de moi : en italien je suis plus expressive, plus animée ; en français, plus posée, plus ancrée. En serbo-croate, il y a une chaleur particulière, presque familiale.
Dans « Des rayons et des ombres » (2026), le prochain film joué par Jean Dujardin, je joue une comtesse russe. J’ai dû parler russe pour échanger avec les autres comtesses. Un défi, mais surtout un plaisir, j’adore cette sensation d’apprendre quelque chose de nouveau.
Voyager, rencontrer, écouter : mes études en langues et civilisations, en espagnol et en anglais, m’ont appris que l’autre est toujours un territoire à explorer. Et puis, soyons honnêtes : parfois on se perd, parfois on se retrouve. Comme actrice, j’ai compris qu’il faut rester à fleur de peau pour créer : être vulnérable, vraie, en lien. Il y a des jours où c’est très beau. Et d’autres où c’est fatigant. Mais c’est comme ça qu’on avance.
La vie nous demande d’essayer, d’échouer, de recommencer. Même nos démons enseignent quelque chose. Ils nous obligent à regarder ce qu’on évitait. C’est rarement simple. Mais c’est là que quelque chose change : en nous, dans notre jeu, dans notre manière d’exister. Créer, pour moi, c’est oser ressentir. Même quand ça fait un peu peur.
C’est ça, être vivant.
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D’où vient cette passion pour le skateboard ?
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En plus d’avoir été footballeuse, je fais du skate depuis l’adolescence. Rouler me donnait une liberté particulière : on regarde les rues autrement, les trottoirs deviennent des terrains de jeu, les escaliers une possibilité. Et la communauté du skate a quelque chose de très beau, très solidaire.
Je me suis cassé la cheville deux fois… et j’ai continué. L’autosabotage classique quoi (rires).
Il m’arrive encore d’aller sur un tournage en skate. L’équipe costumes de « Des rayons et des ombres » a beaucoup ri en me voyant arriver en skate et, dix minutes après, en robe de comtesse russe. Ça surprend toujours : on projette souvent sur moi la femme élégante, la “mannequin”.
Mais j’ai gardé un côté décalé, et ça ne me quittera jamais (rires).
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Le mannequinat s’apparente-t-il à jouer des rôles ? C’est quoi votre histoire ?
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Oui, parce qu’une image raconte déjà une histoire. Au début, les agences parisiennes m’ont refusée. Et comme souvent, après plusieurs “non”, on commence à croire qu’on n’est pas assez : pas assez grande, pas assez fine, pas assez tout. J’ai voulu correspondre à ces idéaux, jusqu’à tomber dans l’anorexie. Des années à me contrôler, à me réduire, à essayer d’être quelqu’un d’autre.
J’ai continué à shooter parce que j’aimais vraiment ça. J’ai fait plusieurs projets, jobs, sans agence, et tout a changé. Je voulais aller plus loin, alors j’ai essayé le théâtre, d’abord en espagnol. Et là, j’ai su : c’est ce métier que je veux faire.
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Aimez-vous échanger sur la mise en scène ?
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Toujours. Ça me rassure même. J’ai besoin de comprendre ce qu’on traverse dans une scène : l’émotion juste avant, celle qui arrive après… J’aime analyser la psychologie des personnages.
Être dirigée, c’est se laisser traverser, faire confiance, être vraiment présente. Il y a souvent ces moments, presque suspendus, où tout s’aligne. Presque magiques. Et c’est exactement ces moments-là qui me rappellent pourquoi je fais ce métier.
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Votre timbre de voix est-il naturel ou sans cesse travaillé ?
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Ma voix est naturelle, mais elle est teintée des mélodies des langues que je parle. Les langues demandent du temps, surtout pour maîtriser les accents. C’est comme un musicien : il faut répéter, écouter, recommencer.
J’ai passé des milliers d’heures à travailler mes langues. Au début, je n’étais pas bonne du tout. C’est un travail sans fin, parfois frustrant, mais passionnant. Avoir plusieurs langues maternelles m’aide énormément, et le fait d’avoir vécu à l’étranger aussi.
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Souhaitez-vous photographier, réaliser, créer ?
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J’ai travaillé comme interprète dans une résidence internationale de scénaristes et sur plusieurs événements de cinéma. J’ai aussi été assistante réale. Cela m’a permis de découvrir beaucoup de choses sur la création. Réaliser ? Peut-être un jour… mais pour l’instant, ce que je veux, c’est jouer.
J’aimerais beaucoup tourner dans une série : ce format laisse le temps d’explorer un personnage, de suivre ses joies, ses failles, son évolution. On me propose souvent des rôles dramatiques, des personnages déterminés, élégants, sensibles. J’adore ça. Mais j’aime aussi la comédie, vraiment. On me dit souvent de développer ce côté-là. J’aime faire rire (rires).
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Quels sont vos projets ?
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Je viens de tourner dans « Inhale » de Yann Tshibola, aux côtés de Jonathan Akamz, où je joue une femme de finance. L’univers de Yann est puissant. Une sortie salles et plateformes est prévue l’année prochaine.
Au théâtre, je joue Raffaella Carrà dans « Rumore », une création franco-italienne mise en scène par Francesco Forlani. Une troupe qui crée ensemble, avec une véritable touche dolce vita.
Dans « Tide’s Eye », réalisé par Alexandra Celestin & Ryan Chidester, je joue une pirate sur un bateau, un rôle sauvage, très différent de ce que j’ai fait jusqu’ici. Leur sens du rythme et de l’image m’a beaucoup inspirée. Et dans « Lost in Erasmus » de Margaux Rivera & Clémence Hoepffner, je joue une étudiante italienne queer. J’ai beaucoup aimé leur regard : délicat, drôle, ancré dans le réel.
Un jour, j’aimerais beaucoup jouer une espionne polyglotte (rires). Ce métier peut être dur, parfois injuste, cruel même. Le plus important, c’est le chemin, et le plaisir de jouer. On oublie les mots, les vêtements. En amitié, en amour, au travail, c’est pareil : au fond, ce qui reste, c’est la sensation.
Alors je veux faire le plus de projets possibles où je me sens bien, tout simplement. Dans la mesure du possible… Pas simple parfois (rires).
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Photo de couverture : © Gérard Philippe Mabillard











