Séries emblématiques de la fin du XXème siècle, les « Il était une fois…la Vie » ou encore « Il était une fois… l’Homme » ont été regardés par des millions d’enfants à la télévision. Instructifs, ces dessins animés étaient également de vraies œuvres d’art. Maestro, Pierre, Pierrette ou encore Pierrot ont su parcourir les siècles, voyager dans l’espace et même à l’intérieur du corps humain.
Sous l’autorité du réalisateur et producteur Albert Barillé, Jean Barbaud fut à partir de la fin des années 70 le dessinateur des « Il était une fois… ». Des univers entiers ont ainsi été façonnés et restent une vraie référence pour les créateurs de dessin animé.
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Entretien avec Jean Barbaud.
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Jeune, vous avez suivi des cours de dessin à l’école Brassart de Tours. Est-ce que le dessin fut une passion dès le début ?
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Aussi loin que la mémoire me porte, je ne m’ennuyais jamais avec un crayon à la main. J’ai continué à dessiner tout le long de mon enfance. Les épreuves du baccalauréat approchant, mes parents se sont renseignés afin de trouver une bonne filière pour moi. Nous avons trouvé une école de dessin publicitaire à Tours. Originaire de Cholet, ce n’était pas très loin.
Je souhaitais surtout y acquérir des bases plus solides en dessin.
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Quelles furent vos inspirations pour les personnages d’Albert Barillé dans les débuts de la série Il était une fois… ?
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J’allais terminer mes études à Tours. Contrairement aux autres élèves qui partaient en stage en agence de publicité, j’ai eu la chance de suivre un stage au sein de l’atelier de Bernard Deyriès pour réaliser des dessins animés. J’ai passé une semaine de rêve avec eux.

Albert Barillé, via sa société de production Procidis a lancé un appel d’offres pour concevoir 8 personnages de la série animé « Il était une fois l’Homme ». Bernard Deyriès m’a encouragé à tenter ma chance. J’ai suivi la liste des caractéristiques physiques des personnages que l’on devait retrouver dans la série. Albert Barillé a aimé mes propositions et m’a poussé à améliorer ma vision de ses personnages. C’est ainsi que 40 ans de ma vie ont débuté.
Etant influencé par l’école franco-belge, je m’inspirais des personnages type Tintin/Spirou. Le couple et les enfants n’avaient pas de physiques atypiques. La barbe de Maestro permettait tout un langage graphique et les autres personnages étaient davantage caractérisés.
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Les voix de Patrick Préjean ou de Roger Carel ont-elles influencé votre dessin ?
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J’ai passé plus d’un an sur la série. Nous étions concentrés sur le dessin. Mon épouse s’occupait des couleurs. J’ai enfin assisté à des projections. J’étais assez critique sur mon travail, regrettant parfois de ne pas avoir été assez professionnel. Puis au fil des années, j’ai finalement trouvé davantage de charme à la série.
Roger Carel avait tellement de talent qu’il faisait vivre avec brio une bonne partie des personnages.
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Pour la série « Il était une fois… », deviez-vous vous renseigner sur les époques, les thèmes scientifiques ou y’avait-il une grande liberté artistique ?
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Nous voulions faire le mieux possible. Albert Barillé laissait beaucoup de notes sur des post-it. Je prends exemple sur l’épisode de la Révolution française. La secrétaire d’Albert Barillé faisait des photocopies de tableaux ou gravures qui allaient servir de références.
Je me renseignais également avec des livres de la collection « La vie privée des hommes », illustrés par Pierre Joubert. Il y avait cependant de la liberté sur la couleur des costumes.
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Massacres, relations sexuelles, maladies,… Malgré les sujets, les dessins animés ont une certaine légèreté de ton. Y’avait-il des débats ?
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Albert Barillé avait déjà des idées bien précises. Je me souviens de ses scripts. Il mentionnait les mouvements de caméra et les zooms. Il m’arrivait de proposer de nouvelles idées en lui montrant les dessins tous les 15 jours. Cela pouvait l’amuser ou ne pas le convaincre. Nous n’étions pas de la même génération, et avons toujours gardé l’habitude de nous vouvoyer. Je pense que cela a facilité notre relation de travail.
La violence était présente mais jamais vraiment montrée. Les bagarres étaient souvent humoristiques.
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Quelles étaient vos relations avec les artistes japonais ?
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Aucune ! Nous n’avions même pas d’échange avec les story-boarders. Albert Barillé cloisonnait beaucoup le travail. Ce n’est qu’au cocktail de fin de production que nous pouvions rencontrer et échanger avec les autres artistes ou les comédiens de doublage. Nous avons cependant fini, au fil des séries, par échanger en direct avec les autres membres de l’équipe.
Lorsque notre travail était terminé, tout était ensuite envoyé au Japon. Donc nous n’avions pas de relations avec cette étape de la fabrication. Au fil du temps, des studios d’autres pays ont été choisis. Nous pouvions voir le résultat final lors des projections. Albert Barillé était le véritable chef d’orchestre de l’entreprise.
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Quel fut votre rôle pour la série Inspecteur Gadget ?
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Bruno Bianchi, après des études de journalisme, avait travaillé à mes côtés pour la série Il était une fois l’homme. Il a un jour proposé à Jean Chalopin de faire une parodie animée de « L’Homme qui valait trois milliards ». Inspecteur Gadget est né ainsi. Il y avait aussi un côté inspecteur Clouzeau de la série de films « La Panthère rose ».
En 1983, avec mon épouse décoratrice-coloriste, nous nous sommes rendus au Japon. J’ai réalisé certains des personnages secondaires de la première série «Inspecteur Gadget». Les héros et antagonistes principaux avaient déjà été définis par Bruno. On a notamment travaillé sur l’épisode qui se déroule en Grèce. Mon épouse étant grecque, cela a permis d’écrire sur des panneaux de décor avec l’alphabet hellénique ! Un épisode nécessitait en général 15 jours de travail.
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« La Revanche des humanoïdes » (1982) a-t-il été une déception ?
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Il s’agissait avant tout un assemblage des derniers épisodes d’Il était une fois l’espace. « La Guerre des étoiles » était sorti, avec des moyens conséquents. Par comparaison, notre série avait évidemment un budget bien plus limité, mais les vaisseaux étaient brillamment dessinés par Manchu/Philippe Bouchet.
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« Il était une fois…notre Terre » (2008) a-t-il été un défi ?
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Après « Les Découvreurs », Albert Barillé voulait créer « Il était une fois le progrès » mais France Télévision hésitait de s’engager dans le projet. En attendant, nous nous sommes mis au travail. Une dizaine d’épisodes étaient déjà prêts alors que nous n’avions pas encore l’accord de France Télévision. Un jour, Albert Barillé nous a informés que la série n’allait finalement pas se faire. Du jour au lendemain, notre travail était interrompu.
Je me suis mis à faire de la bande dessinée. Albert Barillé est ensuite revenu vers nous pour réaliser une série sur l’écologie. Une part du travail pour « Il était une fois le progrès » a pu être réutilisé. Cependant, « Il était une fois… notre Terre » était une série moins ludique que les précédentes. Les sujets, tels que l’esclavage des enfants ou l’enrôlement des plus jeunes dans les guerres, étaient assez sombres. L’humour était difficile à intégrer…
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Quel fut votre travail préféré ?
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« Il était une fois l’espace » a été une belle expérience. Mon style était meilleur. La fantaisie dans la création des aliens était la bienvenue.
« Il était une fois la vie » fut la série la plus joyeuse. Avec mon épouse, je venais d’avoir une fille. Les questions de santé faisaient écho à notre nouvelle vie de parents. Les microbes et autres virus à l’intérieur du corps n’avaient pas besoin d’être réalistes.
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Avec « Lieutenant MacFly », vous avez abordé le thème de l’aviation. Est-ce un monde à part car technique mais aussi de passion ?
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Un de mes oncles avait été pilote dans l’armée. Il a été tué à bord de son hélicoptère de secours durant la guerre d’Algérie. Par conséquent, j’entendais beaucoup parler d’aviation dans ma famille. Mon père construisait des maquettes d’avion. Je n’avais pas le droit d’y toucher …et donc, cela alimentait encore ma curiosité !

Je me suis ensuite beaucoup documenté et j’ai bien entendu lu les magazines, les bandes dessinées et le livre « Le Grand cirque » (1948) de Pierre Clostermann. A l’âge de 13 ans, je dessinais des avions.
A l’école Brassart, j’ai remarqué que mon camarade de classe Philippe Bouchet se passionnait pour l’aérospatial. Construire des maquettes permet de mémoriser les formes des avions plus facilement. Mon dessin s’est amélioré et en 1983, j’ai intégré le magazine Le Fana de l’Aviation : chaque mois, je devais produire une caricature d’avion. Il faut être assez méticuleux concernant les insignes et autres détails des différents appareils. Les lecteurs du magazine sont assez exigeants !
J’ai aussi fini par réaliser un de mes rêves en dessinant 6 albums de BD : 3 « Lieutenant Mac Fly » avec Fred Duval (Delcourt) et 3 « Dézingueurs » (Bamboo) !
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Comment voyez-vous l’animation et le dessin de nos jours ?
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J’aime beaucoup me rendre au cinéma pour voir les films d’animation. Les studios Pixar font toujours un superbe travail. J’achète également les livres expliquant les coulisses de la plupart de leurs films.
J’ai hâte de voir « Amélie et la métaphysique des tubes » (2025), adaptation en dessin animé d’un roman d’Amélie Nothomb. La salle de cinéma est le lieu magique pour découvrir les films !
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Photo de couverture : « Il était une fois… l’Homme »