Alors que nous venons de célébrer les 80 ans de la capitulation allemande, la Seconde Guerre mondiale reste un sujet historique capital. De l’Europe au Pacifique, de nombreux thèmes de ce conflit total ont été abordés. Il reste cependant des parties à étudier voire à réétudier. Elément phare de la Seconde Guerre mondiale, l’aviation est étudiée avec minutie. Stuka, zéro, hurricane, B-52… Les appareils ont envahi le ciel entre 1939 et 1945.
Avec ses photographies colorisées, « La Conquête du ciel » (Editions Glénat – 2025) explore la guerre aérienne. Une façon de redécouvrir le second conflit mondial.
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Entretien avec Francis Dréer, auteur du livre.
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L’aviation allemande (La Luftwaffe naît pourtant officiellement qu’en 1935) a-t-elle été la plus grande arme de la Blitzkrieg ?
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La Luftwaffe est créée effectivement en 1935 mais les équipages ont eu l’occasion de s’entraîner dès la fin des années 1920 en Union Soviétique. Par ailleurs, les grands concepts stratégiques ont été élaborés tout au long des années 1930. De fait, la Luftwaffe joue un rôle important dans la Blitzkrieg mais elle n’est qu’un des éléments du concept de la guerre éclair. C’est une arme d’abord purement offensive, conçue pour intervenir sur de courtes et moyennes distances en avant du front. En cela, elle joue le rôle de marteau qui frappe avant l’intervention des troupes terrestres. C’est d’ailleurs un nouveau concept qui surprend complètement les Français.
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Dix jours seulement après l’offensive du 10 mai 1940, la chasse française aurait perdu les deux tiers de ses effectifs. Comment expliquer un tel échec dans le ciel ?
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Non, c’est faux. Mais il y a eu beaucoup de pertes car l’armée de l’air a été mal employée. Ce n’est pas la qualité des avions ou des pilotes qui doit être émise en cause mais la déroute de la hiérarchie pas toujours capable de prendre les bonnes décisions aussi parce que la mécanique logistique était très mal huilée (une partie de l’armée de l’Air dépendait de l’armée de terre, le commandement de l’armée de l’air n’avait pas de contrôle sur la production des avions). La production de nouveaux avions est insuffisante et la réorganisation de l’armée de l’air est trop tardive.
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Quel est l’état d’esprit des aviateurs britanniques lors du Blitz ?
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Pendant la Bataille d’Angleterre puis le Blitz, les Anglais étaient seuls en guerre contre l’Allemagne. Ils se battaient (avec des pilotes Alliés tchèques, français, Polonais, belges, etc.) pour défendre leur pays mais ils n’avaient pas le choix. Contrairement aux Allemands qui devaient franchir la Manche, ils se battaient aussi au-dessus de leur territoire. Certains se battaient au-dessus de leur village. S’ils sautaient en parachute, ils étaient accueillis en héros une fois au sol. Malgré la fatigue et les pertes, leur moral était donc au plus haut.
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Le bombardement est-il l’arme la plus effrayante de la guerre ?
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Effrayante oui. Efficace, c’est à mesurer. Les bombardements massifs de l’Allemagne par la RAF et l’USAAF n’ont jamais fait plier le peuple allemand. On ne sape pas le moral d’une population en la bombardant, on le fortifie. Les Anglais en savaient quelque chose : quand ils ont été bombardés en 1940 et 1941, ils n’ont jamais plié. Après Hiroshima et Nagasaki, l’empereur du Japon a choisi de déposer les armes, mais dans les faits, beaucoup de Japonais voulaient continuer le combat.
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L’aviation italienne connaît-elle des succès dans les airs lors des offensives du bassin méditerranéen ?
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Oui, très ponctuellement, notamment lors de l’attaque des convois britanniques mais d’une façon générale, l’aviation italienne est obsolète dès 1939 et souffre de méthodes de production artisanales. Les pilotes sont courageux mais mal formés au combat aérien.
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L’esthétisme de l’avion (chasseurs et bombardiers) reflète-t-il les succès mais aussi les identités des équipages ?
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Les Allemands entrent dans la guerre avec un seul chasseur, le Me 109, qui va rester en production pendant toute la guerre. C’est un avion difficile mais qui fait corps avec son pilote. On l’aime ou on le déteste. Les Anglais vont sans cesse peaufiner le Spitfire qui est proche du Me 109 mais plus agréable à faire voler. Quant aux Américains, c’est autre chose : l’USAAF est une armée « riche » qui peut se permettre toutes les extravagances : les avions sont plutôt bien pensés, confortables, ergonomiques, endurants.
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Les aviateurs de la Seconde Guerre mondiale sont-ils des individus à part (comme le fut ceux de la Grande Guerre) ?
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Le mythe du chevalier du ciel n’existe plus pendant la Seconde Guerre mondiale. Les pilotes sont certes très souvent issus de la classe moyenne (voire la classe supérieure) et dans la RAF, il fallait au début de la guerre être issu d’un milieu aisé pour pouvoir intégrer l’élite qu’était la chasse. Mais très vite, étant donné les pertes, il a fallu combler avec des élèves pilotes issus de milieu plus modeste. Dans la Luftwaffe, il existait encore de pilotes issus de la noblesse prussienne mais pas plus que dans l’armée de terre. En fait, plus la guerre avance, plus les pertes en hommes sont importantes et le pilote devient un soldat comme un autre.
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Les combats dans le ciel de l’Union soviétique sont-ils démesurés à la fois par le nombre d’appareils engagés mais aussi par l’immensité du territoire ?
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Effectivement. D’où aussi les très très lourdes pertes soviétiques tout au long de la guerre, surtout jusqu’en 1943. L’aviation soviétique a sur le papier un nombre impressionnant d’avions mais les pilotes sont mal formés et les avions manquent d’équipements. Dès 1941, les Allemands font de véritables ravages.
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L’arrivée de l’US Air Force en Europe donne-t-elle un nouveau rythme à la guerre aérienne ? Les Américains s’imposent-ils ou s’adaptent ?
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Incontestablement, l’USAAF va, à partir de 1942, donner une nouvelle dimension à la guerre aérienne. Les Américains arrivent une Europe sans expérience du combat. Les débuts sont un peu laborieux mais peu à peu, ils deviennent les maîtres du ciel. Leurs usines peuvent produire à plein régime sans risques d’être bombardés et leurs ingénieurs ne cessent d’améliorer les avions : les bombardiers B-24 et B-17, les chasseurs P-38, P-47 et P-51 sont parfaitement adaptés au théâtre d’opération européen.
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L’avion à réaction, les V1 et V2,… Les Allemands impressionnent-ils par la technologie qu’ils imposent dans le ciel à la toute fin de la guerre ?
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L’Allemagne prend clairement une longueur d’avance, à tel point que toutes ces nouvelles technologies seront récupérées par les Alliés (notamment pour les programmes spatiaux, le père de la fusée américaine Saturn n’étant autre que Werner von Braun, l’inventeur de la fusée V2). Mais le problème est qu’à force de se disperser dans des dizaines de projets trop en avance sur leur temps, ces nouvelles armes de guerre n’ont jamais pu être totalement au point.
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Avion zéro, bombardiers lourds, kamikaze,… L’Empire du Japon, pourtant sous-estimé en 1941, utilise-t-il aussi le ciel pour détruire psychologiquement ses ennemis? Est-ce une inspiration de la Blitzkrieg ?
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Ils mènent effectivement une guerre éclair dans le Pacifique et au début du conflit, le chasseur Zero et l’aéronavale japonaise sont de très mauvaises surprises pour les Alliés. Mais, comme l’Allemagne, le Japon envisage une guerre offensive brutale mais courte car ils n’ont pas les ressources nécessaires pour mener une guerre longue. Les pertes seront difficiles à combler. La formation des pilotes va aller en diminuant et les alliés apprennent vite les défauts des avions japonais (pas de blindage, pas de réservoir auto-obturants, etc). Ceci va conduire à la fin de la guerre à des situations désespérées, celles des Kamikazes, avec finalement peu de résultats.
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80 ans après la fin du second conflit mondial, l’histoire de la guerre aérienne est-elle selon vous à découvrir ?
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L’étude de l’histoire de la guerre aérienne en particulier comme l’histoire en général évolue sans cesse. On ne pose pas le même regard sur ces évènements comme on le faisait il y a 30 ans. Les bombardements de Dresde ou d’Hiroshima, mais aussi ceux de Tokyo (par bombes incendiaires) sont-ils par exemple des crimes contre l’humanité ? La question peut être posée. Lorsque l’on parle de pertes aériennes, on sous-estime aussi largement le nombre d’avions perdus par accidents (on pense qu’en vison 35% des Me 109 produits ont ainsi finis à la casse), ce sont des sujets qui devraient être étudiés. Grâce à de nombreux passionnés, le nombre d’avions de la Seconde Guerre mondiale restaurés et en état de vol est en nette hausse, l’intérêt est que cela rend cette histoire « vivante » auprès du grand public.
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