Si vous êtes un éternel pessimiste, si vous êtes (désolé de vous le dire…) affreux, sale et méchant, vous êtes le bienvenu dans l’univers graphique de Muzo. Sur le circuit depuis la fin des années 70, travaillant notamment pour Libération, Hara-Kiri ou encore le Monde, cet artiste dénonce et caricature nos vies aspirées par les rouages de la société. Muzo est également un dessinateur pour la littérature jeunesse. Le punk s’adapte avant tout à l’image mais le talent perdure.
Entretien avec Muzo, dessinateur, peintre et conteur.
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Alors que vous fréquentez les Beaux-arts de Caen, vous fondez en 1980 le Journal de Placid et Muzo, un graphzine débordant de dessins bruts. Vous reprenez le nom de personnages classiques de la bande dessinée (un renard et un ours). Aviez-vous le désir d’être iconoclastes ? Etait-ce punk ?
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On n’était pas vraiment punks mais c’était l’époque. Les musiciens ou les dessinateurs étaient dans la parodie et la provocation. Nous avions comme pseudonymes Placid et Muzo clairement pour signifier qu’on ne se prenait pas au sérieux. Quel artiste aurait envie de s’appeler comme ça ?
Avec Placid, nous avons réalisé ce graphzine. Quand on a commencé à publier ailleurs, les pseudos sont restés et j’ai gardé Muzo comme nom d’artiste.
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Votre style graphique a-t-il été une évidence dès le début ?
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J’ai revu mes dessins d’autrefois et je trouve que ça n’a pas beaucoup changé. Pendant un petit moment je me suis amusé à faire des dessins un peu « cubiste » avec un trait plus pointu. Cela m’amusait de mélanger Picasso et bande dessinée. Je regardais beaucoup aussi les expressionnistes allemands comme Otto Dix et George Grosz. Leurs dessins étaient caricaturaux avec des personnages laids et cruels et j’aimais ça. Je pense que comme moi les expressionnistes allemands aimaient observer les gens.
Des artistes comme Tomi Ungerer, Roland Topor, Fred et bien d’autres m’ont également beaucoup influencé. J’ai toujours aimé le dessin d’humour, tendance humour noir.
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Le malheur est-il un personnage principal ?
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C’est toujours plus rigolo quand les choses se passent mal. Je m’intéresse plus aux malheurs des personnages laids qu’aux belles filles qui se marient avec le prince charmant. Quand je regarde les gens, je vois surtout leurs défauts.
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Le dessin de presse chez Hara-Kiri, Charlie Mensuel ou encore Libération a-t-il été un défi ?
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J’ai fait beaucoup d’illustrations. Je lis l’article puis je cherche une idée. Je mets mon grain de sel mais ça doit être raccord avec le texte.
J’ai travaillé pour des supports très variés. Il faut s’adapter, tout en restant soi-même. On ne s’adresse pas de la même façon à un lecteur de Métal Hurlant qu’à un lecteur du Monde.
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Comment êtes-vous devenu dessinateur pour la littérature jeunesse ?
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Je voyais bien qu’il y avait là des livres formidables, de grands dessinateurs comme Tomi Ungerer ou Maurice Sendak… Je me suis lancé au moment où j’ai eu moi-même des enfants. C’est un classique ! Dans l’édition, les livres pour enfants c’est l’un des seuls endroits où l’on peut faire que des livres d’images. Et puis j’adore raconter des histoires. La difficulté a été d’adapter mon style pour qu’il soit acceptable par un éditeur jeunesse. Passer d’Hara-Kiri à l’Ecole des Loisirs c’était le grand écart.
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Êtes-vous parfois surpris par vos dessins ?
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Je commence souvent un dessin sans savoir où je vais. J’aime beaucoup. Parfois je pense à un sujet, parfois non. La main, l’œil et le cerveau se connectent ensemble. C’est un peu comme aller à la pêche aux idées : je ne sais pas ce que je vais ramener dans mes filets !
J’ai toujours rempli des tas de carnets juste pour le plaisir de dessiner. Je n’ai jamais arrêté de griffonner.
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La peinture est-elle une continuité ou un médium très différent ?
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C’est une continuité parce que c’est toujours mes idées mais c’est différent du dessin. Quand on fait un tableau il s’agit de faire un bel objet.
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Quels sont vos projets ?
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Je termine un livre avec un psychiatre sur le thème du sommeil. J’ai un livre en sérigraphie qui est prêt. J’ai commencé une bande dessinée et je dois faire de la peinture, de la gravure, des livres jeunesse, un livre de dessins d’humour… Je ne sais pas où donner de la tête !
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