Depuis moins d’un an (en février 2021), un nouveau street artist a investi l’espace public du centre de Paris. En pleine pandémie, Zigom.art (référence au sympathique Gizmo du film « Gremlins ») a su surprendre son monde en rendant hommage à la pop culture des années 80 et 90. Albator, The Big Lebowski, Goldorak ou encore Kermit la grenouille sont illustrés dans de magnifiques mosaïques que l’on peut admirer ici et là. Ces œuvres sont avant tout des créations très personnelles dans des lieux que le sont tout autant.
Entretien avec Zigom.art.
Pourquoi avoir décidé de faire du street art ?
Pendant les premiers mois de la pandémie, j’ai eu une importante perte d’activités. J’ai commencé à réaliser une première mosaïque. L’exercice pouvait ne pas être simple car je n’ai aucune formation artistique. Je me suis lancé tête baissée.
Cette mosaïque est une représentation de Gizmo du film « Gremlins » (1984) d’environ 80 centimètres de haut. Cette création me rappelait mon enfance. Mais ayant déjà une décoration bien chargée à mon domicile, je ne pouvais l’installer chez moi. J’ai alors regardé l’environnement qui m’entourait – c’est-à-dire mon environnement à Paris. J’ai alors eu l’idée d’installer ma mosaïque dans l’espace public. C’était une façon d’égayer cet environnement.
Cette première création m’a beaucoup amusé et j’ai remarqué que les passants l’appréciaient. J’ai donc décidé de continuer.
Je n’avais aucune envie de devenir visible artistiquement. Je voulais juste proposer quelque chose qui faisait partie de ma construction personnelle. Je veux surprendre en installant mes créations. J’ai eu juste envie de me lancer dans des représentations à la fois personnelles et nostalgiques. Je fais partie d’une génération qui a connu les premiers mangas et les premiers jeux vidéo avec notamment la Master System (8 bits) et la Sega Mega Drive. Tout à coup, nous avions un personnage de cinéma ou de dessin animé en forme de petits carreaux et avec lequel nous pouvions jouer à l’écran. Les jeux vidéo ont été une véritable passerelle.
Après Gizmo, j’ai par la suite réalisé un hommage à la pochette d’album « In rainbows ». Le caractère était assez exclusif : peu de gens pouvaient en avoir connaissance. La troisième œuvre est une représentation du personnage Actarus de « Goldorak ». Avec cette dernière mosaïque, j’ai vraiment trouvé ce que je voulais concevoir.
Vous vous inspirez de la pop culture des années 80-90. Avez-vous tout de même des préférences ?
Certaines personnes me contactent afin que je puisse réaliser tel personnage en mosaïque. Si cela ne rentre pas dans mon univers, je ne le fais pas. Par mon street art, je ne propose que ma vision de la pop culture. Ceux qui ont mes références pourront être sensibles à ce que je propose dans la rue. Au même titre que Radiohead, les mosaïques Rolling Stones et Pink Floyd sont des références personnelles. Je n’essaye pas d’être plaisant.
J’ai récemment réalisé la mosaïque Pifou. Ce n’est pourtant pas la figure la plus emblématique de Pif Gadget. Cependant, tous ceux qui ont été des lecteurs du magazine le connaissent bien. Je développe une certaine nostalgie qui fait du bien à ceux qui ont mes références.
Vos œuvres ne sont pas seulement à Paris mais également dans le Val de Marne. Les lieux sont-ils clairement choisis ?
D’une certaine manière, j’ai mis en place un véritable fil d’Ariane. Mes mosaïques sont posées dans un endroit précis, un lieu qui m’est cher. Si j’ai installé le chat Hercule en face de chez un vétérinaire à Fontenay-sous-Bois c’est parce que quelque chose de précis est arrivé à cet endroit.
Vous aimez les chats et les chiens…
Je fais notamment partie des soutiens financiers de l’association Sea Sheperd. J’ai installé Bill de la bande dessinée « Boule et Bill » près du centre de nettoyage de Paris Centre et le plus près du sol. Installer un chien en hauteur n’avait pas de sens. Il fallait être cohérent dans le paysage urbain. Je ne cherchais pas à protéger la mosaïque. Je n’ai pas d’égo, je ne fais que proposer mes œuvres. Cela fait partie de la règle de la rue que d’être dégradé.
La mosaïque Actarus a une particularité car elle est légèrement en biais avec le coin du mur. Est-ce une œuvre à part ?
Je travaille avec une assistante en permanence. Elle prépare toute la logistique du collage et nous posons les œuvres ensemble. Deux jours avant l’installation d’Actarus, j’ai appris qu’une exposition sur Goldorak devait être inaugurée à la Galerie Sakura (21 rue du Bourg Tibourg). Je venais de trouver mon clin d’œil. Il n’y avait rien d’opportuniste. Je voulais juste que mon Actarus surveille l’entrée de la galerie.
Actarus-Goldorak, Gizmo-le Gremlin, Pifou-Hercule, Heckle & Jeckle,… Vos œuvres se répondent-elles ?
Inconsciemment, j’aime les duos. Je propose toujours le probant. J’ai réalisé la mosaïque Lisa Simpson pour un restaurant que j’aime beaucoup. L’équipe voulait une figure qui représentait leurs valeurs et m’ont suggéré le personnage de Lisa . Les Simpsons faisant partie intégrante de ma pop culture, j’ai répondu favorablement à leur proposition. D’ailleurs, je ne pense pas que j’aurais réalisé cette mosaïque dans l’espace public.
Inconsciemment, j’ai créé une autre figure qui répondra à Lisa. A suivre…
Comment s’est fait la collaboration avec l’artiste HeartCraft ?
Ce fut une coïncidence. Je l’ai vu coller ses autocollants sur des pots de fleurs colorés à la sortie du métro rue du Temple. Je suis venu à sa rencontre, j’ai présenté mes œuvres et j’annonce que je vais coller une nouvelle le soir même. HeartCraft a tout de suite été intéressé par l’esprit de mon concept et m’a proposé de travailler ensemble sur une œuvre. Travaillant principalement avec de l’adhésif, il voulait quelque chose qui s’inscrive dans le temps. HeartCraft m’a fait confiance sur la manière de modéliser. J’étais confiant car je savais qu’il allait m’aider tout comme mon assistante. Nous avons posé la mosaïque un soir en plein confinement. Nous étions sous tension car l’installation devait prendre du temps et les voitures de police pouvaient passer à tout moment. Le mur que nous avions choisi venait d’être repeint, nous ne pouvions pas laisser filer une telle occasion. Nous avons ensuite réitéré dans le Marais.
Avec la mosaïque Daft Punk, y’avait-il une envie d’être proche de l’actualité (le groupe se sépare en février 2021) ?
J’ai toujours trouvé très graphique Daft Punk. En apprenant la séparation du duo, j’ai été attristé. Ma mosaïque est un hommage au groupe pour que personne ne puisse les oublier. L’œuvre est dans une rue piétonne.
Quelle est la réaction des passants ?
Je repasse souvent le lendemain afin de prendre des photos. Je veux m’assurer que la pièce est fraîchement réalisée aie bien passé la nuit. Il me tient à cœur de présenter un travail propre et net aux passants.
C’est une réelle satisfaction de voir régulièrement des personnes prendre des photos. Cela signifie qu’ils sont sensibles à l’œuvre. Certains même se méprenant avec le travail d’Invader, tentent vainement d’utiliser l’application FlashInvaders…
Quelle a été l’œuvre la plus difficile à réaliser ?
En termes de technicité, je pense à Albator. Lors de l’installation, nous avons été confrontés à beaucoup de contraintes. Ce fut plutôt long à poser avec le ciment. De plus, la mosaïque est assez haute et encastrée. Lorsque vous déviez d’un millimètre, votre œuvre peut partir de travers avec une marge de manœuvre quasi nulle. Je ne pose pas pendant l’hiver à cause des températures négatives.
Pendant Halloween, vous avez posé l’emblème des Ghostbusters et le clown Grippe Sou de Ça (2017).
J’ai choisi le Grippe Sou de 2017 car il a une figure emblématique et effrayante avec sa fraise et ses yeux. J’aurais bien entendu aimé poser celui qui fait référence au téléfilm « Il est revenu » (1990) mais la représentation des crocs imposait un format encore plus grand que celui de la pièce réalisée.
Mais si j’ai posé la mosaïque Ça c’est parce qu’il est une référence de la pop culture des années 80-90.
Vous réalisez également des commandes privées.
Je ne veux aucune contrainte car cela me prend beaucoup de temps et de l’argent. Etant neuf dans le circuit artistique, Je ne m’attendais pas du tout à cette commande de Mona Lisa. J’ai à peine 1 500 followers mais ce sont par contre de vrais fidèles.
La personne qui m’a demandé cette Mona Lisa voulait une mosaïque avec ma propre vision. J’ai aimé le challenge et l’œuvre a beaucoup plu.
Quels sont vos projets ?
Je ne suis pas du tout dans un concept invasif. J’ai finalement réalisé peu de mosaïques. Mon but est avant tout d’agrémenter des lieux qui me sont chers.
Photo de couverture : © Brieuc CUDENNEC