Auteur de bandes dessinées depuis plus de 40 ans, peintre et sculpteur également, auparavant alpiniste, Jean-Marc Rochette est un véritable explorateur. Dessinateur de la série BD Edmond le cochon, successeur d’Alexis pour le mythique Transperceneige, il a ”gravi son Everest » avec le troublant « La Dernière Reine » (2022).

« Débâcles » (2024), livre écrit avec Jérémie Villet et Louis Meunier, met d’ailleurs en valeur cette environnement de montagnes et de glace.

Jean-Marc Rochette expose actuellement quelques-uns de ses dessins à la Galerie Daniel Maghen à Paris jusqu’au 23 novembre 2024. Une occasion de constater qu’il y a une harmonie certaine entre dessin, peinture et sculpture.

Entretien avec Jean-Marc Rochette.

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A partir de quand le dessin est devenu une passion totale ?

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En 1976, j’ai eu un accident très grave en montagne et à cette époque, je n’avais qu’une passion : l’alpinisme. Je ne dessinais que de temps en temps. Je ne me voyais pas faire carrière dans l’art.

Suite à l’accident, j’ai voulu persévérer dans l’alpinisme mais j’ai vite compris que mon niveau n’était plus le même. A partir de 1977-1978, je me suis alors concentré sur le dessin et j’ai eu mes premières publications. Mon premier album, « Les Dépoteurs de chrysanthèmes » paraît en 1980.

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Rochette © 2024
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La sculpture dit-elle autre chose ?

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Le dessin n’est qu’un instrument pour la sculpture. Pendant longtemps, les esquisses des artistes n’ont pas été sauvegardées.  Seul un dessin de Vélasquez a été conservé.

Je n’ai pas de préférence pour un art en particulier. J’aime le dessin mais la sculpture, par son côté trois dimensions, est l’objet finalisé. Il y a des étapes telles que la fonte des bronzes ou la cuisson des terres. La sculpture nécessite d’acquérir certaines techniques.
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Rochette © 2024
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L’exercice du story board est-il captivant car souvent dans le feu de l’action ? vous cherchez l’accident.

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Pour moi, le story board représente une étape majeure du processus. Lorsqu’il est réalisé, l’histoire est lancée. J’ai la planche en tête. Le dessin qui succède le story board ne fait que de la finition.
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Vous attendiez-vous à une telle longévité du « Transperceneige » ?

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Il est devenu un pur classique de la bande dessinée au même titre que Bibi Fricotin ou les Pieds Nickelés. Sans avoir lu ces séries, le public connaît la référence.
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Ce train est-il un animal comme les autres ?

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Avec Jacques Lob, dès le départ, nous pensions le Transperceneige comme une véritable entité vivante. Ce train devait en outre avoir une forme animale. C’est un léviathan roulant – une créature à la fois immense et inquiétante.

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Rochette © éditions les étages, 2024
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Loup, ours, aigle, chamois… – sont-ils des personnages à part entière dans votre univers ?

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Je l’ai avoué dans une interview parue dans le journal Le Monde : je suis animiste. Je considère que l’âme humaine ou animale est la même. Je respecte toute forme de vie.

Quand vous représentez un animal, vous devez le dessiner comme un véritable personnage. Il a ses envies et ses pensées. 
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Quelle est la place des femmes dans vos œuvres ?

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Elles ont été secondaires jusqu’à « La Dernière reine » (2022). Le personnage de Jeanne Sauvage est clairement inspiré de Jane Poupelet, sculpture française qui a notamment conçu des masques pour les gueules cassées de la Grande Guerre.

C’est un regret d’avoir composé des personnages féminins secondaires. Pour les gens de ma génération, les femmes ont souvent été des mystères. Chez de nombreux dessinateurs masculins, elles sont surtout fantasmées. Je ne voulais pas réaliser cet exercice. Dessiner est une chose, faire vivre un personnage est une autre. Il faut se mettre à sa place, comprendre ses réactions… 
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Rochette © Casterman, 2024

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Avec la neige, le blanc est devenu omniprésent. Est-ce parfois une difficulté de l’intégrer ? Un état d’esprit ?

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Le blanc est un repos lors de la réalisation d’aquarelles. Il met également en valeur les autres couleurs. Dans la haute montagne, les rochers sont souvent noirs. Le blanc et le bleu deviennent des couleurs majestueuses. On ne voit qu’eux.
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Que ce soit un alpiniste, un chasseur ou une gueule cassée – comprenez-vous vos personnages ?

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Même si je ne suis pas chasseur, la chasse est omniprésente dans la vallée où je vis. Un fusil de 300 millimètres peut atteindre un animal à 300 mètres. Cela donne peu de chance pour la proie. Cet aspect ne m’intéresse pas.

Par contre, j’ai plus de respect pour le chasseur qui utilise un arc. Cela donne beaucoup de précisions et de patience.
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Attendez-vous l’hiver avec impatience ?

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En 4 ans, ce sera la première fois que je n’irai pas en montagne. Mon épouse, Christine, travaillant dans l’édition, a trop de travail. Je viens d’ouvrir une galerie. Par conséquent, en décembre et en janvier, nous resterons à Grenoble.

C’est un regret car j’aime me mettre à l’écart du fracas de la société. En montagne, il y a cette distance avec notamment l’actualité qui est souvent nécessaire pour moi.
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© Brieuc CUDENNEC
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