De par nos lectures ou nos références cinématographiques, nous avons tous une image de Peter Pan, cet enfant qui ne veut pas grandir. Libre, il est également un justicier volant contre la part absolue des adultes.

Avant de mettre en scène Peter Pan dans une pièce de théâtre, en 1904, puis dans le roman « Peter & Wendy » (1911), J.M. Barrie lui a donné naissance en 1902 dans un autre roman, « Le Petit Oiseau Blanc ». Le court récit se déroule à Londres et plus particulièrement dans les jardins de Kensington.

Avec cette préquelle, le dessinateur espagnol José-Luis Munuera adapte ce texte en proposant une vision personnelle du héros de notre enfance. « Peter Pan de Kensington » (éditions Dargaud) est une fable visuelle qui navigue entre merveilles et ténèbres.

Après notre entretien-portrait en 2021, échanges avec José-Luis Munuera.

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Comment avez-vous eu l’idée d’adapter une histoire de J.M. Barrie ? Comment être original avec le personnage de Peter Pan ?

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Je n’avais pas connaissance de la nouvelle écrite par J.M. Barrie, « Peter Pan dans les jardins de Kensington ». Elle n’est qu’un court passage du livre « Le Petit Oiseau blanc » (1902) mais c’est la première fois qu’est décrit Peter Pan. Le Pays imaginaire est absent de l’histoire tout comme le capitaine Crochet ou les enfants perdus. Barrie intègre Peter Pan dans le Londres de l’époque. J’ai aimé cette nouvelle car elle décrit des aspects que je ne connaissais pas du personnage. Les jardins de Kensington sont comme des lieux de merveille.

La mort est présente dans toute la nouvelle. Elle accompagne Peter Pan, celui qui ne peut pas grandir. Ainsi, on se détache de la version du film Disney (1953).

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« Peter Pan de Kensington » est-il également un hommage à Londres ?
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Je voulais en effet représenter le parc de Kensington à la fois de façon réaliste tout en gardant un aspect merveilleux.

Londres a toujours été une ville qui me fascinait. Je puise beaucoup de mes inspirations dans l’époque victorienne.

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Le XIXème siècle est-il pour vous une période historique et artistique fascinante ?

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La littérature anglo-saxonne laisse une grande place à la fantaisie et à l’humour. Cet aspect est comme oublié chez les Français et les Espagnols du XIXème siècle. Des auteurs comme Jonathan Swift, Lewis Carroll jusqu’à plus récemment Terry Pratchett ont toujours mêlé l’humour et le fantastique pour donner un certain regard envers leur propre société.
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Les ombres et les arbres sont-ils des interprétations plus adultes ?

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« Peter Pan de Kensington » ne s’adresse pas seulement aux enfants. J’aime me dire que je réalise aussi des albums pour des lecteurs qui me ressemblent. J’ai toujours aimé lire du fantastique.

Même lorsque j’ai réalisé des séries BD comme « Les Cœurs de Ferraille » ou Spirou, j’ai toujours eu le souhait d’avoir un public plus large que les enfants. Je les mets au même niveau que les adultes. Malgré quelques lacunes concernant les références, un enfant peut comprendre plus que l’on ne peut imaginer.

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Votre Peter Pan est graphiquement loin de celui de Disney. Comment l’avez-vous imaginé ?

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Tout en le gardant proche de l’image que nous avons tous de lui, je voulais créer des caractères originaux. Je me suis inspiré des personnes de la pièce de William Shakespeare « Songe d’une Nuit d’été » (1594) tout comme du film « L’Enfant sauvage » (1970) de François Truffaut. Peter Pan vit en harmonie avec la nature.

Ensuite, j’ai réalisé des croquis de ma propre fille. Mon Peter Pan s’est nourri de tous ces mélanges.

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Les fées font-elles écho aux fausses photographies popularisées par l’écrivain Arthur Conan Doyle en 1917 (Les Fées de Cottingley) ?
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En effet. Malgré la grande rationalité de l’époque, des auteurs comme Conan Doyle ou Barrie ont donné une très grande place au merveilleux. L’enfance était un thème omniprésent dans la littérature anglo-saxonne. Barrie avait été très peiné par la mort de son frère. Les histoires qu’il écrivait glorifiait le rêve et la jeunesse éternelle. Mes fées font écho à cette ambiance. 

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Était-il évident de montrer le capitaine Crochet ?
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J’ai pris la décision de le faire apparaître car cette figure est évidemment liée à Peter Pan. Le lecteur ne peut les séparer de son imaginaire. Je me suis toujours perçu comme un accompagnateur. C’est au lecteur de faire la part des choses.

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Le personnage de Maimie Mannering représente-t-il la modération ?

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Malgré toute l’ambiance merveilleuse qui règne autour d’elle, cette petite fille garde les pieds sur Terre. Maimie est l’antithèse de Peter Pan qui est un enfant totalement libre. Pourtant, les deux s’aiment.

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Avez-vous envie de continuer de dessiner Peter Pan ?

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Je n’y ai pas pensé. Pourquoi pas ? mais pour l’instant rien n’est prévu. Il faut que je trouve un aspect qui m’intéresse beaucoup pour refaire un second voyage dans le monde imaginaire de J.M. Barrie.

Après Melville, Dickens et Barrie, j’adapte une nouvelle d’H.G. Wells. Il y aura du fantastique mais surtout beaucoup d’humour british.
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