Peintre officiel de l’Air et de l’Espace entre 2019 et 2022, l’Adjudant-chef François Baldinotti a toujours été un passionné d’aviation. Dessinateur, il illustre les avions du passé et d’aujourd’hui. Rafale, Corsair, yak,… un grand nombre d’appareils de légende sont représentés en action. A chaque fois, il y a un goût pour le détail et la précision.
Féru de bandes dessinées, François Baldinotti a également l’envie d’échanger, d’enseigner et de progresser. Le dessin est aussi une fenêtre orienté vers le ciel.
Entretien avec François Baldinotti.
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Le dessin et l’aviation ont-ils été toujours liés pour vous ? Le fait d’être fils et petit-fils d’aviateurs a-t-il également joué ?
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Je suis un passionné, un touche-à-tout, collectionneur et collecteur. J’ai fait des études en géologie et j’ambitionnais de devenir paléontologue. Je suis aussi un « aquariopate » spécialiste amazonien et cyclidés africains. Au niveau ou je suis arrivé en aquariophilie cela frôlait la folie. Maquettiste, figuriniste, et dessinateur autodidacte toutes ces passions ont en commun mon sens de l’observation, j’observe et étudie avec sensibilité les choses. Mais l’aviation a en effet toujours fait partie de ma vie avec force.
Tout d’abord un milieu favorable :
Mon grand-père était transmetteur. Il a participé à la Seconde Guerre mondiale et à la Guerre d’Algérie. Mon père, quant à lui, était lui aussi aviateur grand passionné d’aviation. Il admirait beaucoup le pilote Pierre Clostermann. Il me parlait souvent de son livre « Le Grand cirque » (1948), les films comme « La Bataille d’Angleterre » (1969), « Tora, Tora, Tora » (1970) etc…Il me faisait découvrir les avions de collection les « warbirds » lors des meetings aériens dès mon plus jeune âge.
Ma première grande bêtise fut d’entrer dans le bureau de mon père, d’avoir escaladé une de ses armoires afin d’atteindre ses maquettes d’avion. Dans ma tentative, j’ai tout cassé. Malgré cette mésaventure, je me souviens que mon père me dessinait toujours des profilés d’avions au stylo Bic tout en regardant la série américaine « Les Têtes brulées » à la télévision. Il a insufflé cette passion pour l’aviation qui ne m’a jamais quitté. C’est pour cela que j’ai fini par entrer moi aussi dans l’armée de l’air. En parallèle de ça je tâtonnais déjà en dessin quelques esquisses de type académique un petit succès lors de la première exposition mais cela n’allait pas plus loin. Un jour, on m’a demandé de participer à la réalisation de dessins pour le départ en retraite de collègues. Au fil du temps, j’ai voulu approfondir le dessin d’avions.
Arrivé en affectation à Lyon Mont Verdun, j’ai décidé de reprendre un parcours artistique en adhèrent à une association à Anse. J’y ai fait la connaissance de Régine « Clyft » Chaptal qui m’a formée en aquarelle. Lors des premières expositions je suis repéré par un autres professeur d’aquarelle Robert Josa. Ce dernier m’invite à participer au grand rassemblement d’aquarelliste de Bagnols. J’y participe pendant plus de dix ans. Je rencontre Franck Hérété qui devient un ami, Franck Perrault etc… Sur la base aérienne cela commence alors à se savoir et le commandant en second de la base de l’époque le Lcl Krausse me demande d’exposer au mess et de créer une section de dessin peinture des clubs de la fédération de la défense. Cette section existe toujours elle m’a suivi en affectation au centre-ville de Lyon et nous somme 25 artistes à la faire vivre au sein du 7eme Régiment du matériel au quartier général Sabatier dans le 7eme. Au même moment J’ai alors commencé à participer aux sélections des Peintres de l’air et j’ai été sélectionné en 2019 pour un agrément de 3ans.
Donc oui mon parcours artistique, les avions et l’armée sont liés dans ma construction et mon parcours. Il y a une influence certaine.
Etant autodidacte depuis l’âge de 15 ans, je me sentais illégitime. C’est lorsque j’ai obtenu ce titre que j’ai pu me dire que j’avais réussi à atteindre un certain niveau artistique. En tant qu’enseignant dans un atelier, je reste cependant modeste. Je n’aime pas dire que je donne des cours – je ne maitrise probablement pas la totalité des techniques.
Mon parcours m’a fait rencontrer du beau monde J’ai eu la chance de devenir ami avec le grand caricaturiste Jean Mulatier. Ancien professeur à l’Ecole Emile Cohl, il considère que j’ai un niveau de fin de troisième année. J’ai croisé Lucio Perinotto, Romain Hugault. Ma route m’a amené à rencontrer à plusieurs reprises Jean Barbaud le caricaturiste du Fanatique de l’aviation et dessinateur d’ « Il était une fois l’Homme , l’espace, la vie etc »…
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Quand êtes-vous François Baldinotti et quand êtes-vous fOrangArt ?
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En tant que sous-officier dans l’armée de l’air, je ne pouvais utiliser mon vrai nom sur Internet. J’ai par conséquent pris le pseudonyme de fOrangeArt (François d’Orange Art) pour présenter mes dessins. Je suis originaire d’Orange (Vaucluse). La nomination PAE a fait que J’ai repris en signature le nom de François Baldinotti. Le « fOrangeArt » ne s’est pas encore vraiment livré j’ai en tête tellement de projets peinture et sculpture je pense que quand j’en aurais le temps il remontera à la surface avec des œuvres plus grandes plus massives mais il n’y aura pas que des avions.
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En 2019, vous devenez Peintre de l’Air et de l’Espace. Devient-on alors un artiste plus technique ?
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Ce titre honorifique impose une forme de responsabilité, nous représentons l’histoire et le présent de l’armée de l’air et de l’espace. L’exactitude des faits, la précision dans la version, le bon choix des couleurs semblent être une nécessité dans l’exécution. Mon « héritage » mon expérience professionnel toutes ces connaissances accumulées m’aident dans mes réalisations. Etant dans la défense aérienne, j’ai appris tout ce qui est lié aux risques du vol. Ayant également été maquettiste, j’apprends et maitrise les structures des avions. Lorsque vous devenez Peintre de l’Air, vous devenez ce transmetteur de mémoires. Par conséquent, je fais beaucoup de recherches historiques. De nombreux détails comme les couleurs des livrées ou les insignes entrent enjeu. Même des livres de références peuvent contenir des erreurs. Vous devenez donc exigeant et méticuleux.
Etant affecté à Lyon, j’ai pu faire la connaissance du commandant de police Bruno Faurite, fils du jardinier du château de Saint-Maurice-de-Rémens, lieu d’enfance d’Antoine de Saint-Exupéry. Passionné d’aviation, il a réalisé une enquête sur les circonstances de la mort du pilote avec François d’Aguay, neveu de l’auteur du « Petit Prince ». Les deux m’ont demandé de dessiner l’avion de Saint-Exupéry avant qu’il ne tombe en mer méditerranée en juillet 1944. A ce moment-là, aucune photo du F-5 Lightning n’avait été trouvée. Il fallait émettre des hypothèses et j’ai réalisé des aquarelles selon les indications techniques de Philippe Castelano, le plongeur à la tête de l’association « Aero-Re.L.I.C » qui a identifié les pièces remontées de l’épave.
J’ai également exposé mes œuvres au Musée de l’Air, au Château de Vincennes et au Mémorial du Général de Gaulle. Mais avec la pandémie, je n’ai pu effectuer de missions particulières.
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Comment choisissez-vous les couleurs ?
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J’utilise comme aquarelles la marque Sennelier. Mes origines provençales se retrouvent dans cette palette de couleurs chaudes. J’ai toujours aimé le dessin. Affecté à Nice en début de carrière militaire, j’ai pris la décision de m’inscrire à des cours d’art plastiques. Je voulais apprendre les bases classiques le but était de m’affirmer un peu plus et de contrer cette sensation d’illégitimité qui me suivait déjà. Mais la secrétaire de mairie se trompe et m’inscrit à un groupe de confirmés avec des modèles vivants académiques. Je n’avais ni les connaissances ni le matériel. Les premiers mois ont été très difficiles mais au fur et à mesure, je trouve le chemin échangeant avec les artistes et professeurs d’art retraités, quatre pastels secs, noir, blanc, terre de sienne et sanguine … J’ai appris le dessin. Je me sens toujours aujourd’hui davantage dessinateur que peintre, mais j’aime aussi peindre un fuselage tout en gardant les reflets.
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Y’a-t-il des avions qui vous impressionnent ?
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Oui. Le mirage 2000, cet appareil minimaliste et optimisé a des formes incroyables. J’aime également la complexité des avions américains.
Enfant, j’aimais beaucoup la série des « Têtes brûlées ». J’ai donc de l’affection pour le Corsair qui volait dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale et a fini sa carrière opérationnelle dans l’aéronavale française.
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Quels sont vos projets ?
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Je veux sans cesse améliorer mon dessin, avoir le meilleur matériel et retrouver mon titre de Peintre de l’Air en 2025. J’aimerais beaucoup exposer de nouveau au Bourget. Il est toujours très intéressant de découvrir les avions sur les pistes d’atterrissages. Vous pouvez avoir des émotions qui vous permettent de mieux représenter graphiquement les appareils.
J’ai toujours aimé les rencontres. A Orange, avant d’être Peintre de l’Air, j’ai réalisé le dessin d’un Spitfire. Quelqu’un est venu me féliciter car je venais de représenter l’avion de son grand-père, le Commandant Bernard Duperier, héros des Forces Françaises Libres. Ce fut un moment émouvant et j’ai gagné un ami. Une autre amie, organisatrice du Flyin ST Yan m’a demandé de réaliser une aquarelle de son grand père pilote de la 1ere guerre devant son aéronef. Elle me donna une photo, j’identifiais l’avion un Spad XI et non un VII comme annoncé. En faisant des recherches sur internet je tombe sur un spécialiste qui me donna la biographie militaire quasi complète de cet homme. Quel bonheur de remettre ces informations à cette famille même si je ne suis que le transmetteur mon art fait ce lien. Rendre l’histoire à cette famille c’est une sensation extraordinaire. Ces moments ou les lignes d’un livre historique devienne votre réalité c’est la magie qui motive ma peinture. Je suis riche de ça.
Je souhaite également continuer à transmettre mes passions. Lors de mes expositions j’apprends à dessiner aux enfants avec une esquisse du marsupilami en quatre patates et le tour est joué. Le dessin n’a alors plus de limites.
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