Dès le premier regard, le dessin de la Corde Sensible trouble. Les personnages (hommes, femmes, animaux) semblent provenir d’un livre de littérature jeunesse et pourtant ils sont les acteurs de jeux adultes. Les illustrations publiées sur Instagram mêlent avec talent les émotions. Elles font écho aux temps anciens du Japon et à son érotisme.

Entourée par le mystère, la Corde Sensible est une artiste anonyme qui explore le monde du shibari (l’art du bondage). Le spectateur est témoin de ce voyage où plaisirs et douleurs se mêlent.

Entretien avec La Corde Sensible, illustratrice.

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Comment est née la Corde Sensible ?

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Lors d’une visite au Musée national des arts asiatiques- Guimet, j’ai pu admirer les œuvres érotiques du photographe japonais Nobuyoshi Araki. Il a su capturer des instants particuliers de pratiques de shibari. Esthétiquement, j’ai beaucoup aimé et je me suis lancée dans des recherches. J’ai découvert que dans le shibari, ce ne sont pas seulement les femmes qui peuvent être attachées – les hommes également.

J’ai ensuite commencé à suivre sur Instagram des personnes qui pratiquent le bondage. Etant dessinatrice, j’ai voulu représenter et partager mes fantasmes via le compte la Corde sensible.

Pour l’instant, je souhaite rester anonyme car je réalise à côté des dessins très différents dans un univers opposé à l’érotisme. Par conséquent, la Corde sensible reste pour l’instant un travail secret et discret.
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Est-ce un exercice délicat ou une récréation ?

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C’est avant tout un travail récréatif. Certes cela me demande du temps et de l’énergie mais je prends beaucoup de plaisir à publier mes dessins sur le compte de la Corde sensible. Avant toute publication, je réalise des croquis afin de proposer l’image la plus compréhensible possible. J’aime Instagram car, contrairement à une bande dessinée qui nécessite plus d’une année de travail, à chaque publication, je suis en contact direct avec mon public.

J’ai toujours admiré l’esthétique asiatique. Je suis une grande admiratrice du travail de Hayao Miyazaki. Cependant, je ne maîtrise pas l’art du manga. Mes dessins font écho à un graphisme asiatique plus ancien. 
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Le shibari est au cœur de votre compte Instagram. Est-ce un instant précieux que vous capturez par le dessin ?

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Les premiers dessins de la Corde sensible n’étaient qu’érotiques. Le BDSM avait notamment sa place mais son esthétisme gothique m’intéressait moins.

Commençant à pratiquer moi-même le shibari, je me suis rendu compte que graphiquement je pouvais le représenter. Il y a une communauté sur Instagram intéressée par la pratique. Progressivement, le shibari est devenu un sujet principal du compte la Corde sensible. La suspension des corps, masculins et féminins, sont formidables à dessiner. J’y ajoute mon imagination.

Certaines personnes m’écrivent pour me suggérer des idées. Cela m’inspire mais Instagram censure souvent mes illustrations.

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Le corps de l’homme est-il problématique à dessiner ?

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La nudité tout simplement. Instagram censure. Mes dessins sont avant tout imaginaires et fantastiques. Je m’intéresse avant tout au jeu de la domination, aux couleurs et à l’ambiance érotique. Mes illustrations ne sont jamais gratuites. Je veux stimuler avant tout l’imagination du spectateur.

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Quelle est la place de la femme ?

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Le monde du shibari est intéressant car il y a part queer importante. C’est un univers avec une grande ouverture d’esprit. Le shibari ne se limite pas à la dualité hommes-femmes. Ce qui me plaît c’est le changement de rôle.
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Le tatouage est également présent dans vos illustrations.

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Je suis moi-même tatouée. Même si mes illustrations rappellent un esthétisme archaïque, j’aime ces femmes qui ont des dessins sur leur corps. C’est un écho à une certaine liberté.
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Quel est le rôle du crapaud ?

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J’ai toujours aimé dessiner les animaux anthropomorphes. Le crapaud apporte notamment un certain humour. C’est un animal qui vit dans le milieu aquatique.

L’humidité du crapaud me rappelle la sexualité. De plus, c’est une créature qui est perçue comme pas attirante. Je pense que l’érotisme ne doit pas se limiter à la beauté classique exclusive. Aspect de l’incroyable adaptation de la Nature, le crapaud peut aussi en cas de nécessité changer de sexe. J’aime ce côté androgyne et métaphorique.

Les animaux que je représente ne sont pas des « vrais animaux » mais des créatures avec des ressemblances animalières. Des « créatures » des « esprits » comme ceux qui peuplent l’imaginaire japonais tels que les yokaï.
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Quelle est la suite ?

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Le compte Instagram n’a que 5 mois d’existence et je souhaite le continuer. Je vais commencer à assister à des séances de shibari et dessiner sur le moment. Nous verrons ce que cela donne ! Ce sera sûrement une belle expérience, et peut-être que cela me donnera des idées de nouvelles illustrations

Suite à la demande de certains followers enthousiastes, j’ai commencé à réaliser et vendre des tirages de mes illustrations.

J’aimerais également beaucoup réaliser une bande dessinée pour adultes. J’ai quelques idées en tête. Je cherche un éditeur qui accepterait de relever ce défi.

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