Maintes et maintes fois adapté, « Le Livre de la jungle » (1894) reste une œuvre incontournable de la littérature anglo-saxonne. Le roman de Rudyard Kipling a même été adapté au cinéma par Disney ou encore Andy Serkis.

Arthur Capmas, jeune dessinateur, a fait le pari de reprendre « Le Livre de la jungle » de façon originale : retranscrire le bestiaire de manière brut. Dans « Le Bestaire de Mowgli », Baloo, Bagheera, Kaa et Mowgli sont représentés de façon remarquable. Ils semblent même continuer leur vie dans la jungle indienne.

Entretien au Jardin des plantes de Paris avec Arthur Capmas.

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Votre style graphique mêle l’intime (visages détaillés,…) et le grandiose (paysages). Où êtes-vous le plus à l’aise ?

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Vous apprenez beaucoup lorsque vous dessinez les visages. Au début de mon apprentissage, j’ai illustré des personnages de bandes dessinées (Largo Winch, Peter Pan de Loisel,…). Puis rapidement j’ai eu envie de fabriquer mes personnages.

En ce moment, je suis plus à l’aise pour dessiner des paysages. Avec les acquis, une certaine liberté apparaît, jusqu’à ce que la réalité et l’imaginaire se nourrissent mutuellement. Je suis très inspiré par les peintures de Moreau ou Goya, par les gravures de Durër, de Rembrandt mais surtout par Gustave Doré. Je pense bien sûr aussi à Tardi, François Schuiten, François Boucq, Philippe Druillet, Nicolas de Crécy, Manu Larcenet…  Moebius, qui tient une place particulière dans mon cœur.

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Vous dessinez au Jardin des plantes et vous vous êtes rendu au Vietnam. Qu’apporte le milieu naturel ?

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Pour illustrer la jungle de mon livre, j’avais besoin de capter les lumières, les odeurs, d’entendre aussi. Vous ne pouvez pas retrouver cette ambiance enfermée chez vous ou dans un musée.

On m’a proposé de partir en Asie afin d’observer et de peindre la jungle vietnamienne. Cependant, ce n’est pas un exercice simple. En quelques minutes, vous êtes attaqué par les moustiques, la chaleur vous assomme, ou au contraire la pluie vous tombe dessus.

Je pense qu’il faut savoir quitter l’atelier de temps en temps. On peut s’y assécher rapidement.

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Quel est votre lien avec « Le Livre de la Jungle » ?

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J’ai beaucoup aimé le travail du dessinateur animalier Paul Jouve que j’ai découvert grâce à un vieux bouquin en cuir que mon père m’a montré très jeune.

Plus je progresse en dessin et plus mon émerveillement grandit pour son travail, que je trouve d’une grande justesse. Il y à dans ce livre beaucoup de félins ainsi que plusieurs dessins illustrant le roman de Kipling. Les félins dessinés par Jouve ne m’ont jamais quitté.

Au fil du temps, j’ai découvert d’autres artistes qui ont travaillé sur « Le Livre de la Jungle ». A tel point que j’y ai vu une sorte de rendez-vous à ne pas manquer.

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L’animal est-il le meilleur modèle ?
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Que ce soit au Zoo de Vincennes ou au Jardin des plantes, je me suis passionné à mon tour pour le dessin des félins. Je venais tellement souvent qu’à la fin la panthère de Chine du Jardin des Plantes me reconnaissait. Il y avait aussi un couple de panthère des neiges qui me fait penser au magnifique documentaire de Vincent Munier et Sylvain Tesson. Les félins sont pleins de paradoxes : à la fois doux et menaçants, souples et agressifs, courbes et anguleux, rendant difficile leurs représentations.

J’aime l’exercice du dessin imaginaire mais pour inventer une Bagheera un minimum crédible, le dessin d’observation était pour moi un passage obligatoire.

Pendant deux ans, j’ai utilisé différents supports graphiques comme la peinture, le dessin ou encore la gravure. J’ai finalement tout rassemblé sous la forme d’un bestiaire. Un Chapitre par personnage.

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Pourquoi avoir fait le choix du format noir & blanc ?

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Le livre est en noir et blanc afin de le rendre plus homogène. Ce choix n’a pas fait consensus mais j’ai fait en sorte de ne pas changer d’avis. Je voulais une cohérence graphique. Certains dessins sont en couleurs à l’origine.

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Ka est-il un personnage à part ?

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C’est le seul personnage qui évolue seul. Prédateur redoutable, Ka est totalement indépendant. Il ne dépend d’aucune entraide. Il accepte d’aider Baloo et Bagheera car il y trouve son compte, mais il n’a pas besoin d’eux. Je vois ce serpent comme un ermite craint de tous. Seul Mowgli ne comprend pas la peur que provoque Ka, ses yeux hypnotisant ne fonctionnant pas sur Mowgli.

En observant les animaux directement, on ressent des choses que j’ai voulu retranscrire dans mon dessin. Par exemple, un face à face seul avec une panthère vous regardant droit dans les yeux, vous plonge dans un état particulier.
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Mowgli est-il dessiné comme un être avant tout sauvage ?

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Pour Mowgli, mon ambition était de traiter la question du monde de l’enfance. J’ai cependant observé au Muséum d’histoire naturelle l’anatomie des orang-outans pour dessiner Mowgli. Je voulais lui donner une posture animale et un regard éveillé. Au gré des esquisses, mon personnage n’a cessé d’évoluer.

Avant « Le Bestiaire de Mowgli », je n’avais pas souvent dessiné de personnage enfant. Mowgli étant un enfant sauvage, je voulais le dessiner à la fois maigre et musclé. Mowgli est également égratigné régulièrement puisqu’il vit avec des loups et que Baloo le corrige violemment lorsqu’il le juge nécessaire. Il fallait éviter la caricature, essayer de rester crédible, malgré le ton imaginaire.
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Le dessin illustre-t-il le texte ou sont-ils des éléments autonomes ?

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J’ai d’abord lu d’une traite « Le Livre de la Jungle ». Suite à cette première lecture, un grand nombre d’images me sont venues. J’ai alors dessiné frénétiquement jusqu’à ce qu’une deuxième lecture soit nécessaire etc. Ensuite j’ai mis en page les extraits de texte dont les dessins étaient particulièrement nourris. Ainsi cette masse brute d’images s’est organisée d’elle-même par personnage, devenant un Bestiaire.

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Le bestiaire a-t-il de l’avenir ?

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Le Bestiaire est un livre sur l’enfance, raconté à travers une plongée dans mes expériences graphiques. On a imprimé quelques exemplaires du Bestiaire avec l’atelier Martial à Paris qui pour mon plus grand bonheur réalise un véritable travail d’artisan.
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Quels sont vos projets ?

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« Le Bestiaire de Mowgli » a nécessité deux ans de ma vie. Je me laisse le temps de réfléchir à la suite. J’adorerais illustrer des romans de Jules Verne, des classiques de la littérature ou encore, de la science-fiction. Actuellement je peins des fleurs, après une longue période de noir et blanc, je me remets à la peinture, à la couleur.

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