Petite Mère Vaska, mi-sorcière mi-vieille femme vit dans une cabane en bois à l’orée de la forêt. D’humeur sauvage, elle guette le malheureux qui oserait s’approcher trop près de ses précieux œufs, couvés depuis la nuit des temps sous son habitation rustique.
L’aventure ne fait que commencer pour Petite Mère Vaska. Avec la plume de Gaëlle Perret, écrivaine et ethnologue de formation, le trait du dessinateur François Boucq et les couleurs d’Alexandre Boucq, ce conte mêle merveilleux, folklore slave et humour acerbe.

« Petite mère Vaska et les œufs de pingouin » est une fable étonnante qui mêle le sauvage et l’urbain, la vieillesse et la jeunesse.

Entretien avec Gaëlle Perret, François Boucq et Alexandre Boucq.

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Personnage phare du folklore slave, baba yaga a des similitudes avec Petite mère Vaska. Comment est née l’idée de ce conte ?

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Gaëlle Perret : L’idée s’est invitée un matin alors que je séjournais en Suède dans ma belle-famille, les premières phrases sont arrivées, ainsi que l’image de la cabane palmée que j’ai dessinée dans un carnet. J’ai accueilli cela joyeusement en me disant que j’avais envie de creuser cette écriture un peu plus fantaisiste que dans mes habitudes. J’avais envie également de m’amuser avec les codes du genre, et de jouer avec ce personnage récurrent du folklore slave, en créant mon propre personnage, qui s’inspire également des sorcières des contes, mais aussi de cette ambivalent féminin, qui effraye, qui séduit, que l’on essaye de charmer ou de combattre et qui est peut-être surtout un être indépendant, solitaire et puissant.

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Comment est venue l’idée d’avoir François Boucq comme illustrateur ?

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Gaëlle Perret : J’ai rencontré François il y a plus de 20 ans à Angoulême, j’avais conservé ses coordonnées sans oser le recontacter. J’ai pensé à lui, un jour, pour l’adaptation en BD d’un roman inédit de Joseph Peyré, et je l’ai appelé. Il m’a répondu, nous avons échangé, je lui ai transmis le projet, il l’a décliné, mais m’a demandé sur quoi je travaillais et j’ai ainsi raconté que je projetai de créer ma maison d’édition et que j’écrivais également. Il a été curieux d’en savoir plus. Je lui ai envoyé ce texte que j’avais mis de côté. Il m’a encouragé à le reprendre, à le terminer surtout, car pour lui, je laissai le lecteur seul et démuni dans la clairière de l’histoire… Il m’a donné des conseils généreux que j’ai tenté d’appliquer. Cela m’a donné du cœur à l’ouvrage et j’ai pris plaisir à reprendre mon texte. Bien sûr je lui ai envoyé une fois fini. Il a semblé l’apprécié, et donc tout naturellement, et avec un peu de culot, je lui ai proposé de l’illustrer. Il m’a répondu que oui mais pas tout de suite, car il avait de gros projets en cours. J’ai patienté. Et je ne le regrette pas ! Ma maison d’édition étant créée entre-temps, il m’a semblé logique de l’éditer moi-même.

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Possessive, solitaire, farouche,… Petite mère Vaska est-elle tout de même une antagoniste ?

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Gaëlle Perret : Voulez-vous dire une vraie méchante ? Non pas forcément, ou pas totalement ; les personnages de cette histoire sont ambivalents, ils peuvent évoluer et ne pas être là où on les attend, du moins c’est ainsi que je les ai imaginés. Et c’est ça qui me plaît. Ils ont le droit de changer, ils ont le droit de se tromper, ils ont le droit de recommencer…
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François – avez-vous pensé ce projet d’illustration comme une recréation ou est-ce que ce fut un exercice parfois difficile ?

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François Boucq : Ce fut un travail sérieux. Gaëlle souhaitait que je réalise une adaptation BD des romans de Joseph Peyré « Bataillons noirs » (1941) ou « L’Escadron blanc » (1931). Le projet ne s’est finalement pas fait mais elle réfléchissait à une autre histoire. Il s’agissait d’un conte original. Après avoir entendu le récit, j’ai donné à Gaëlle des conseils d’écriture puis plus tard, elle est revenue vers moi afin de me proposer d’illustrer « Petite mère Vaska et les œufs de pingouin ». J’ai accepté mais je dois avouer que, cumulant les projets, j’ai mis de côté ce conte pendant longtemps. Puis, je me suis donné une semaine pour réfléchir et réaliser les illustrations. Les images venaient assez facilement et l’exercice fut même un plaisir.

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Le conte traite de la métamorphose ou encore de l’enveloppe corporelle. Les apparences sont-elles trompeuses ?

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François Boucq : J’ai toujours aimé penser à l’évolution physique des personnages. C’est une véritable réflexion de les faire vieillir. Parfois, il faut spéculer sur la métamorphose car on ne peut jamais prédire l’évolution de quelqu’un. Cependant, lorsque vous concevez un personnage, il est important de respecter son individualité et ses caractères. Ils ne doivent pas subitement disparaître.

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Comment ont été conçues les pages descriptives de Petite mère Vaska ?

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François Boucq : Je travaille par visualisation. En lisant ce qu’un personnage est, dit et fait, une vision me vient en tête. Je fais tout ensuite pour retranscrire cette image sur le papier. A l’exception de mon personnage fétiche le Bouncer où je le voulais réaliste et donc proche d’un personnage qui aurait vraiment vécu dans le Grand Ouest, je laisse place à une certaine fantaisie.

Dans « Petite mère Vaska et les œufs de pingouin », les métamorphoses de la reine étaient intéressantes à imaginer. Son aspect manipulateur ressort comme s’il sommeillait depuis toujours.

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Alexandre, comment imagine-t-on les couleurs d’un conte de fées ?

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Alexandre Boucq : Concevoir les couleurs d’un conte de fée nécessite de capturer l’essence magique et captivante de l’histoire. Personnellement, j’essaye d’utiliser des couleurs chatoyantes car il faut se rappeler que nous nous adressons à des lecteurs adultes mais aussi des enfants.

Cela permet aussi de contraster les moments joyeux et féeriques des moments plus maussades, comme un temps pluvieux par exemple.

Chaque conte de fée a son propre univers et ambiance. Un conte sombre et mystérieux nécessitera des couleurs différentes d’un conte lumineux et joyeux. C’est pourquoi il faut choisir une palette harmonieuse : Sélectionner des couleurs qui se complètent et créent une atmosphère cohérente avec le récit.

La clef est de réussir à utiliser toutes ces teintes de manière stratégique pour renforcer l’ambiance du conte afin de captiver et transporter les lecteurs dans un monde enchanté et imaginaire. Les couleurs jouent un rôle crucial dans la narration visuelle, rendant les histoires plus vivantes et mémorables, en tout cas j’essaye de travailler dans ce sens.

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Est-ce que ce fut un plaisir de travailler en famille ?

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Alexandre Boucq : Cela fait maintenant 13 ans que je réalise les couleurs pour François que ce soit des BD, des affiches etc… Cela reste un plaisir et aussi un partage depuis tout ce temps.

C’est lui qui m’a formé à ce métier si spécifique et aujourd’hui j’apprends toujours de lui, c’est une chance et un honneur pour moi, de pouvoir travailler avec un grand monsieur de la bande dessinée.

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Les pingouins sont-ils les grands absents de l’histoire (seules les pattes apparaissent) ?

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Gaëlle Perret : Les pingouins n’apparaissent pas tout à fait dans cette histoire, sauf leurs pattes en effet ; les couple de pingouins qui couvent leur unique œuf chacun leur tour me touche. La cabane est une sorte d’image transposée, elle prend soin des œufs, les protège, même s’ils n’ont pas la même forme que les vrais œufs de pingouin. J’aime bien l’idée de cette absence mystère qui reste irrésolue, et qu’on peut interpréter à sa guise.

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La forêt est-elle l’endroit qui cultive le plus votre imagination ? Avez-vous ajouté plus de fantaisie à l’histoire ?

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François Boucq : A l’exception du château qui reste une référence féérique majeure, lorsque vous imaginez un conte, vous avez beaucoup de possibilités de création. La forêt est un univers fantastique où l’extravagance peut jouer. Je peux toujours l’imaginer à ma façon.

Je me souviens qu’Albert Uderzo, le dessinateur d’Astérix et Obélix, aimait dessiner par nostalgie les arbres à la façon de Calvo, le grand illustrateur de « La Bête est morte » (1944). Il adorait tellement ce style qu’il ne pouvait s’empêcher de représenter toujours cet environnement de cette façon. Quand vous dessinez, vous devez toujours trouver du plaisir à concevoir.  

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Les pattes de la maison de la Mère Vaska, à la fois fantaisistes et réalistes, ont-elles été difficiles à imaginer ?

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François Boucq : Quand vous avez une telle image à réaliser, vous devez faire en sorte que le lecteur puisse accepter l’idée. Par conséquent, il faut que la maison et les pattes soient réalistes. C’est la combinaison des deux qui fait ressortir la fantaisie.

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Le folklore slave est-il toujours intéressant à explorer ?

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François Boucq : Nos références au conte de fées ont été alimentées par le folklore slave. Si vous explorez la campagne russe, ukrainienne ou biélorusse, vous pouvez même retrouver des aspects typiques de cette littérature comme les maisons en bois traditionnel. Il y a encore de la magie.

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