Avec une population de 15 millions rien qu’en France, le chat est devenu l’animal incontournable de notre vie quotidienne. Le félin envahit même le net dès 2005 avec les fameux lolcats – signe de l’importance que nous lui avons donné. Aussi à l’aise dans les campagnes que dans les villes, le chat s’est donc imposé dans nos sociétés au fil des millénaires.

Quel est notre rapport avec lui ? Par ses gestes et son langage corporel, que veut-il nous dire ? Est-il un animal dangereux ?

Entretien avec Claude Béata, vétérinaire spécialiste en psychiatrie et médecine du comportement afin d’en savoir plus sur le chat, ce passionnant et intriguant compagnon.

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Après des millénaires de liens (non de domestication), comment expliquer le chat reste un animal toujours aussi populaire autant en ville qu’à la campagne ?

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Non seulement il le reste mais il le devient de plus en plus supplantant largement le chien. De nombreuses raisons, certaines pratiques (de moins en moins de place pour avoir un chien , possibilité de partir pour de longs week-ends) d’autres plus philosophiques ou  d’actualité (sentiment de relation non obligatoire mais choisie, respect du corps, etc.) expliquent ce succès important des chats.

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Alors que le squelette du chien a connu de multiples transformations, celui du chat est resté identique. Est-ce un animal qui a mené une certaine rébellion même à propos de sa morphologie ?

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Ce n’est pas tout à fait vrai… il y a aujourd’hui des chats de plus de 12 kgs des chats à la face plate, aux pattes tordues (tout le problème des hypertypes liés à une sélection sans réflexion sur le bien-être… c’est parce qu’il y a une population non négligeable de chats « libres » que le morphologie reste globalement stable même si l’espèce a globalement grandi ( de 3,7 à  4,8 kg en moyenne en 15 ans).
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Pourquoi le chat aime-t-il les humains ?

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Le chat se développe dans l’attachement comme le chien et comme les humains ! Contrairement à eux, il ne vit pas ensuite dans une structure sociale mais il va garder sa capacité d’attachement, sa capacité à nouer des relations positives de longue durée et de forte intensité. L’humain, qui lui apporte à la fois réconfort et nourriture, est souvent un être d’attachement plus facile pour les chats qu’un congénère qui lui va en plus laisser des marques dans le territoire.

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Dès les premières semaines de la vie, le chat est-il à l’aise avec les humains ou y’a-t-il tout de même une forme de crainte ?

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Nous l’avons vu, le chat est un être d’attachement. Donc tout petit il a besoin de nouer une relation spécifique étroite avec un autre être vivant. En même temps virgule il est une proie et donc il doit être très prudent vis-à-vis de tout ce qu’il ne connaît pas  : une mauvaise expérience, une rencontre trop effrayante peuvent déclencher des réactions très fortes de peur qui peuvent le décourager pour longtemps de venir au contact des humains. Il faut donc retenir 2 choses : surtout ne jamais punir un chat parce qu’il ne vient pas quand on l’appelle et lui laisser le temps de s’apprivoiser et d’apprécier le contact proposé.

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Le chat peut-il être un animal dangereux pour la biodiversité ? Doit-il être surveillé ?

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Merci de me donner l’occasion de rappeler à quel point il y a beaucoup de fantasmes à ce sujet : tout cela est venu de situation à l’étranger où le chat a été introduit dans des biotopes dans lesquels il n’était pas natif. Dans ce cas-là, en Australie, sur l’île de Pâques, les chats ont effectivement pu contribuer à l’extermination de certaines espèces. En Europe, et encore plus en France, les études menées par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ont montré une très grande diversité des proies ramenées par les chats à leurs propriétaires et qu’aucune des espèces concernées n’était en danger. Cela n’empêche pas de mettre une clochette à son chat attaché à un collier qui peut casser si le chat se trappe dans une branche ou à un portail ou de mettre sur les arbres que le chat peut visiter des collerettes qui l’empêchent de grimper jusqu’au nid.

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Le chat peut-il se venger après des maltraitances ?

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Si la notion de conscience et aujourd’hui reconnue dans la plupart des espèces et notamment chez nos carnivores domestiques, la notion de vengeance, elle, fait appel à une capacité mentale de double abstraction : il faut penser et en plus il faut penser la pensée de l’autre ce qui est aujourd’hui n’est pas démontré dans l’espèce féline. En revanche le chat ayant un double statut de prédateur et de proie à la fois, s’il subit un traumatisme, une douleur ou une frayeur, et n’étant pas un animal social obligatoire, il peut décider de rompre toute relation avec l’être qui a déclenché cela. Le chat ne se venge pas donc il se protège !

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Comment peut-on soigner un chat bipolaire ?

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La bipolarité, ou dysthymie bipolaire est un trouble psychiatrique rencontré à la fois chez le chat et chez le chien. Leur cerveau, capable de cognition, capable d’émotion est donc sensible aussi aux variations de l’humeur et la bipolarité et le trouble dans lequel la variation de l’humeur est la plus importante. Cette capacité du cerveau à bien fonctionner mais aussi parfois à dysfonctionner et le fondement même de notre psychiatrie vétérinaire. Dans ces cas-là, il est évident que le traitement passe à la fois par l’administration de psychotropes qui permettent de réguler l’humeur et aussi par une restauration écologique, une attention à l’animal, pour éviter dans son environnement tout ce qui peut le déstabiliser.

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Le confinement des hommes et des femmes a-t-il provoqué des troubles pour les chats ?

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Alors oui ! Pendant le confinement les chats ont été soumis à 2 troubles qui sont les plus fréquents en médecine du comportement du chat. Premièrement les biotopes athies qui sont les affections reliées au bouleversement du territoire point Or pendant le confinement, nous avons vu beaucoup de chats gênés par la présence constante des propriétaires sur le lieu de vie. Habitués à pouvoir par moments occuper l’espace à leur guise sans présence humaine, la cohabitation forcée a parfois provoquer des états anxieux voire des états dépressifs chez certains des chats. D’autres, ont subi pendant la même période des contacts trop fréquents, intrusifs qui ont aggravé la relation au lieu de l’améliorer. Ne noircissons pas le tableau, pour certains chats la présence de leur maître a été très appréciée mais, là encore, autant de chats autant de situations et il a fallu parfois aider certains de nos félins domestiques à supporter des contacts beaucoup plus fréquents qui pouvaient aussi rompre leur équilibre comportemental.

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La castration modifie-t-elle profondément le comportement du chat ?

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Bien sûr ! C’est une activité importante pour les chats non castrés les exposant à beaucoup de de combats à des infections par des virus qui malheureusement ne connaissent pas de vaccination possible (FIV analogue au HIV). Un chat stérilisé va donc avoir souvent une activité moindre et il faudra penser à lui apporter par exemple des leurres de chasse pour entretenir sa motivation le faire bouger et empêcher la survenue d’un état anxieux permanent ou dépressif qui se manifestent souvent par un embonpoint important voire une obésité. Si celle-ci s’accompagne aussi d’une alopécie (perte de poils) sous le ventre alors nous pouvons être quasiment sûrs que le chat présente un état pathologique d’inhibition.

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Un chat peut-il avoir des tensions avec un autre selon sa race, son sexe ou son âge ?

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Ah ! Un chat peut avoir des tensions avec tous les autres chats quel que soit leur race leur sexe leur âge ! L’espèce féline n’est pas une espèce sociale vivre ensemble n’est donc pas obligatoire pour les chats et c’est souvent même très difficile. Certains chats, souvent des chats mâles castrés, peuvent beaucoup apprécier la compagnie des autres chats et entretenir avec eux d’excellentes relations. Quand les chats appartiennent à la même fratrie et qu’ils ne se sont jamais quittés, les relations peuvent aussi être plus faciles. C’est en tout cas quelque chose de difficile à prévoir et il faut donc tester, quand on veut mettre 2 chats ensemble, s’ils sont compatibles. Par ailleurs, un chat peut très bien s’entendre avec telle autre chat et détester un autre individu de son espèce qui pour nous paraît très similaire. C’est une relation duelle d’un individu à l’autre.

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Comment peut-on comprendre l’animosité entre les chats et les chiens ?

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Nous l’avons dit : les chats ont le double statut de proie et de prédateur et malheureusement pour eux les chiens font partie de leur prédateurs possibles ils sont donc des ennemis historiques. Nous voyons néanmoins très souvent des chats et des chiens qui s’entendent très bien et notamment des chats qui préfèrent largement vivre avec le chien de la maison que de devoir côtoyer d’autres chats. Cela n’est donc pas une fatalité de point il faut présenter chaton et chien, ou chat et chiot, le plus rapidement possible sans forcer le contact pour optimiser les chances d’une cohabitation harmonieuse.

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Après des années d’études, le comportement du chat arrive-t-il toujours à vous surprendre ?

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Tous les jours ! Et heureusement : cela fait partie du charme de mon métier. J’avoue être régulièrement ébahi par des attitudes que je n’avais jamais vues ou étonné par la sévérité de certains symptômes et par la patience des propriétaires : j’ai vu récemment un chat atteint d’un syndrome hypersensibilité-hyperactivité qui dévorait tout dans la maison les chaussures en cuir, les chaises, le canapé, etc. Ce chat, qui aurait été sans doute abandonné il n’y a pas si longtemps, m’a été présenté pour que je puisse le traiter et permettre aux humains et au félin de vivre ensemble sereinement.

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