Le fantastique a toujours fasciné car il mêle bien souvent attirance et effroi, laideur et beauté, violence et sérénité. « Ténébreuse » du dessinateur Vincent Mallié et le scénariste Hubert n’échappe à cette dualité. Un chevalier renégat rencontre une princesse aux multiples secrets. « Ténébreuse » est l’histoire d’un duo incompris et qui ne peut plus vivre séparément. L’histoire est elle-même présentée sous la forme de deux albums. « Ténébreuse » est également une diptyque majeur puisqu’il s’agit de la dernière œuvre d’Hubert, disparu brutalement début 2020.

Entretien avec Vincent Mallié.

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Est-ce une épreuve de réaliser un conte pour adultes ?

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Je venais de travailler avec Régis Loisel, Jean-Blaise Djian sur les albums « Le Grand mort ». J’avais juste le souhait de traiter un sujet différent. Je suis alors allé chercher Hubert qui s’était spécialisé dans le conte pour adulte. Nous avions échangé sur le sujet il y a 7 ans.

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Est-ce un projet qui avait besoin d’être long ?

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Que ce soit Hubert et moi, nous aimions prendre notre temps. Il a fallu plus de deux ans pour que nous nous mettions d’accord sur la trame. Nous voulions traiter du poids de la famille et du choc entre les générations. Le tome 1 se concentre sur l’histoire d’Islen, déchirée entre son père roi et sa mère sorcière. Cela rappelle les enfants de parents divorcés. Le tome 2 éclaire sur l’identité du chevalier Arzhur. « Ténébreuse » est une histoire d’amour de deux jeunes qui ont connu une jeunesse similaire.

Puis, j’ai commencé à dessiner. J’ai consacré tout le temps sur ces deux tomes de 70 pages. Il m’a fallu au moins 3 ans pour achever le projet.

J’ai l’habitude d’ajouter à la dernière page de chaque album la date.

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Est-ce une relecture de la légende de Mélusine ?

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Hubert a toujours aimé s’inspirer des contes celtiques. Dès le départ, nous voulions également commencer « Ténébreuse » comme un conte tout à fait classique avec des monstres, des princes et des sorcières.

Pour l’environnement, je me suis inspiré des forêts bretonnes pour le tome 2, l’ambiance du décor de l’album suivant est carrément plus germanique.

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« Ténébreuse » est-il une œuvre hommage aux monstres ?

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Oui. Hubert voulait que l’histoire soit dans l’esprit d’heroic fantasy mais je l’ai persuadé qu’il ne fallait pas aller dans cette direction. J’aurais réalisé une œuvre plutôt classique. Je voulais une atmosphère très médiévale. Les monstres ont alors été mis bien plus en valeur autour d’Islen. Je voulais que ces créatures soient tapies dans l’ombre. 

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Qui sont finalement Mae, Nae et Tae ?

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Il était difficile de présenter des sorcières originales. Elles apparaissent comme des figures fantomatiques qui tournent autour d’Islen. Au fur et à mesure de l’histoire, on comprend que Mae, Nae et Tae l’aiment.

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Avez-vous eu des inspirations cinématographiques ?

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J’ai vu « Excalibur » (1981) de John Boorman. J’aimais le côté massif des chevaliers de la Table ronde. Les batailles de « Braveheart » (1995) m’ont également inspiré pour les affrontements entre les hommes et la nature.

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La disparition tragique d’Hubert lors de la réalisation des 2 tomes a-t-elle soulevé des débats sur la réalisation finale de « Ténébreuse » ?

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A sa mort, la trame du tome 2 n’était pas terminée. J’ai dû prendre des décisions notamment sur la mise en scène. J’ai notamment ajouté deux pages de plus pour traiter de la mort de la mère d’Islen.

Le projet lui-même était hors du commun. Il aurait pu s’arrêter subitement. « Ténébreuse » étant une belle histoire, elle méritait d’être présentée au public.

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Est-ce finalement un conte car il se termine bien ?

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Il y a une nuance. Chacun des lecteurs peut y voir des aspects positifs et des négatifs. Avec Hubert, nous étions d’accord pour proposer un dénouement ambigu.

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« Ténébreuse » est une œuvre plus adulte que vos créations précédentes ?

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Oui et non. « Ténébreuse » est plus psychologique. J’ai eu autant de plaisir à travailler avec Hubert qu’avec Régis Loisel. Le dernier est très instinctif alors que le premier exige du temps pour raconter une histoire.

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Avez-vous envie de reprendre ce même registre ?

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J’aime beaucoup l’univers des contes pour adultes. Je suis également illustrateur de romans jeunesse. Réaliser une bande dessinée nécessite un travail bien plus long.

En cas de succès de librairie, Hubert avait pensé proposer une suite à « Ténébreuse ». Je m’y suis opposé car je souhaitais uniquement deux tomes. En cas de succès librairie, Hubert avait pensé proposer une suite à « Ténébreuse ». Je m’y suis opposé car je souhaitais uniquement deux tomes. Je pourrais explorer un univers similaire mais avec des personnages différents.

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