De par ses couleurs explosives et ses formes surdimensionnées, Frédéric Pillot a son propre style graphique. Illustrateur de personnages haut en couleurs tels que Thérèse Miaou, Lulu Vroumette ou encore Edmond le Chien, il s’est imposé au fil des ans comme un artiste précieux de la littérature jeunesse.

Avec « Deux ans de vacances », Frédéric Pillot adapte par le dessin le grand Jules Verne. Le format large était nécessaire… « Voleur d’anniversaires », écrit par Laurent et Olivier Souillé, est quant à lui plus petit mais tout aussi captivant. Il en faut pour toutes les tailles.
Entretien avec Frédéric Pillot, artiste écran large.

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L’illustration a-t-elle été une évidence dès le début de votre carrière ?

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Il était évident que j’allais m’orienter tôt ou tard vers le domaine plastique. Je dessine, je peins et je bricole depuis l’enfance.

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Y’a-t-il une envie de puiser dans toutes les connaissances que vous avez acquises ?

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J’ai toujours aimé passer des heures sur une seule image.

Hergé disait que la bande dessinée se passe dans l’espace blanc entre les cases. Vous êtes comme dans une transition des images. Je fais de temps en temps de la bande dessinée mais le texte illustré est le mode artistique qui me plaît. 

J’adore travailler les cadrages, les compositions et les détails. Je m’amuse même à incorporer quelques secondes lectures. C’est comme un jeu pour moi. Je peux passer une dizaine de jours (voire un mois) sur une seule image mais je suis loin d’en souffrir. L’idée peut arriver très vite et il ne faut pas la lâcher. Le temps passé ensuite est agréable. J’accumule les détails sans vouloir répondre à quelconque défi. Il s’agit juste d’un chemin qu’on emprunte avec plaisir. Il peut même y avoir de bonnes surprises sur la route.

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Bien que ce soit Daniel Picouly qui écrit l’histoire, on sent que Lulu Vroumette est devenu peu à peu votre personnage fétiche. Y’a-t-il une évolution au fil des aventures ?

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Oui ce fut inévitable. Mes personnages évoluent car ils prennent de la consistance au fil des ans. Le décor même se métamorphose. J’ai dessiné Lulu Vroumette pendant plus de 20 ans. Il y a eu des évolutions.

Mon propre style a également changé car j’ai pu m’enrichir de mes expériences. Quand vous êtes dessinateur, vous ne pouvez retourner en arrière. Vous devez sans cesse avancer.

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Edmond le chien a-t-il été inspiré par un animal en particulier ?

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Je me suis inspiré du chien de la famille. Pendant des années, nous avons eu une femelle Jack Russell. Mes enfants ont choisi le nom de Lady – Référence au film « La Belle & le Clochard » (1955). Lorsque je promenais le chien, cela m’embêtait de l’appeler ainsi mais je m’y suis fait (rires). Je m’inspire parfois de la vie quotidienne de ma famille. J’ai pu notamment dessiner et intégrer les doudous de mes enfants dans les histoires.

Comme Lady, Edmond a des taches sur le corps et avait un harnais rouge. C’est le scénariste, Thibault Guichon, qui lui a trouvé son nom. J’ai ensuite adapté le physique de ce chien pour faire plaisir à mes enfants. Il y a tout de même des différences : Lady n’était pas en surpoids contrairement à Edmond.

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Les animaux et l’environnement ont une place importante dans votre œuvre. Vous sentez-vous parfois scientifique ?

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Non. Par contre, j’aime apporter des éléments de vérité dans mon univers fantaisiste. Ce sont des éclairages, des lumières ou de l’architecture réalistes. En lisant les histoires, les enfants peuvent même reconnaître des plantes tels que le pissenlit ou l’ortie. Si on repère des références visuelles existantes, on peut tout à fait imaginer que les personnages peuvent être vrais aussi.

Pour me mettre à la hauteur des enfants, j’aime installer « ma caméra » au ras du sol. C’est leur vue. On peut alors y voir des éléments du quotidien comme les trèfles ou des chewing gums collés sous une table. Cela produit même de beaux effets grand angle. 

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La couleur est centrale dans votre œuvre ?

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J’essaye toujours d’amener à nouveau une vérité. Avec de simples tubes de peinture, je fais naître des ombres et des lumières typiques du soir ou du matin. Le lecteur peut se rendre même compte quel est le moment de la journée. Je veux à nouveau susciter des émotions.

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Pirates, ogres, navires géants, grosses bêtes,… Le personnage démesuré a beaucoup à dire ?

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Mon dessin va naturellement vers la rondeur. Le style de Botero m’a inspiré par exemple. Même chez Franquin ou Uderzo, on retrouve les gros nez. Les personnages maigres me parlent moins.

Lors d’un salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, une femme m’a dit qu’elle m’avait imaginé petit, gros et avec des lunettes. J’ai répondu que j’étais ainsi à l’intérieur. 

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Quel est votre lien avec le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro ?

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Il aime mon univers et nous sommes en lien. Nous aimons l’imaginaire débordant par conséquent cela nous a rapprochés. Lorsque vous avez la reconnaissance des pairs, cela peut être très galvanisants et vous repartez au travail pour 6 mois au moins (rires). Le public m’apporte beaucoup également.

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De quoi rêvez-vous graphiquement ?

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J’ai toujours envie d’explorer de nouveaux univers. Plus on avance, plus on se rend compte du travail encore à accomplir. Jeune, j’étais moins conscient des erreurs que je pouvais commettre. On apprend toujours au fil du temps.
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Y’aura-t-il une suite pour Balbuzar ?

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Pas de suite mais un préquel. Le scénariste, Gérard Moncomble, y travaille déjà. Ses personnages sont toujours écrits avec une grande épaisseur. Par conséquent, il y a encore beaucoup à raconter. En écrivant et ayant été dessinateur auparavant, Gérard imagine déjà les images dans sa tête. C’est donc pour moi un défi de le surprendre avec mes stylos. Gérard peut me faire des remarques très justes sur mon dessin. Il m’a même dit que j’étais un excellent lecteur.

Heureusement, nous sommes raccords au sujet des envies. Nous avons déjà travaillé ensemble sur notamment « Moi, Thérèse Miaou » (2018) et « Raoul Taffin chevalier » (2013). Nous sommes amis.

Nous raconterons comment Balbuzar est devenu Balbuzar. Il va s’auto-baptiser (comme Napoléon s’était auto-sacré empereur) et peu à peu les oiseaux se posent sur ses épaules.

Je veux montrer son enfance sur une île pluvieuse et venteuse donc grise. Peu à peu, au fil de son aventure, les couleurs vives vont apparaître.        

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©Brieuc CUDENNEC

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« Deux ans de vacances » est publié aux éditions Sarbacane Deux ans de vacances – Éditions Sarbacane (editions-sarbacane.com)

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