Peintre et dessinateur, Olivier Ledroit emmène toujours ses lecteurs dans un monde à part peuplé de fées, de vampires et d’autres créatures fantastiques. Le monstrueux côtoie l’érotisme, la violence rencontre une certaine douceur.
Par ses livres, les séries des Chroniques de la Lune, Xoco, Requiem- Chevalier vampire, Wika ou plus récemment Le Troisième Œil et le troublant « Belles de nuit« , Olivier Ledroit est un artiste qui arrive à saisir des références classiques (les maîtres de l’illustration) avec une touche très personnelle du dessin. S’inspirer pour mieux intégrer, inventer pour mieux surprendre.
Entretien avec Olivier Ledroit.
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Dès le début, vous vous êtes passionné pour les œuvres d’Alan Lee, de Bernie Rightson ou encore de Frank Frazetta. Etes-vous resté un artiste plus proche des anglo-saxons que des Européens ?
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Même si je n’ai pas beaucoup d’intérêt pour les super héros, j’étais (et je reste) très influencé par la bande dessinée anglo-saxonne. Au fil des ans, je me suis mis à aimer tout de même des artistes français comme Moebius ou Enki Bilal. Je me suis également inspiré de la peinture symboliste – celle de Klimt.
De nos jours, j’ai un attrait pour les mangas.
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Vous avez réalisé les 5 premiers tomes des Chroniques de la lune noire – une des séries BD heroic fantasy les plus connues. Était-il temps tout de même que cela se termine ?
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Ce fut une bonne expérience mais j’ai commencé ma carrière très jeune. Je ne me voyais pas continuer à illustrer l’histoire de François Froideval pendant encore des années (il y a eu en tout 15 tomes).
J’avais également besoin de reconnaissance. Je l’ai eu avec Xoco.
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Vous n’aimez pas votre époque. Le dessin vous permet-il de vous échapper ?
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Sans doute. Le dessin est avant tout un très beau mode d’expression. On relève parfois qu’il y a beaucoup de décapitations dans mes œuvres. C’est avant tout un running gag.
Je fais certes de la peinture mais je me considère avant tout comme un dessinateur de bandes dessinées. Je m’inspire parfois du cinéma pour l’illusion du mouvement et du montage mais d’un point visuel, je reste très BD.
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Est-ce que la série Sha traite d’un rêve américain déçu ?
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Avec le scénariste Pat Mills, nous avons imaginé cet univers avant l’arrivée au pouvoir de George W. Bush à la Maison Blanche. Notre vision était précurseur de ce qui allait arriver. Je voulais montrer que dans un système autoritaire, tout se fige. Il n’y a plus rien de nouveau. J’ai donc dessiné une Amérique comme bloquée dans les années 60 et j’ai choisi des couleurs criardes comme celles que l’on retrouve dans les vieilles cartes postales de Californie. Ces illustrations apportaient un côté sinistre à cet univers.
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Quelle est la place des femmes dans votre travail ?
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Elle est devenue centrale lorsque j’ai commencé à travailler en galerie. Auparavant, je dessinais surtout des monstres et des paysages. On m’a alors demandé d’illustrer plus de femmes. La galerie Glénat m’a notamment commandé un travail sur le cinéma en noir et blanc. Il y avait une envie de m’écarter du fantastique.
A présent, je mélange les deux : des femmes féériques et un érotisme léger. La série Requiem, Chevalier vampire a d’ailleurs attiré un public plus féminin. Pour cette série, avec Pat Mills, nous avons remarqué qu’il n’y en avait qu’un tiers du public lors des séances de dédicaces).
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La figure du vampire a été maintes et maintes fois été interprétée. Comment l’avez-vous traitée pour la série de Pat Mills ?
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Dès le départ, nous voulions écarter le côté romantique. Nous imaginions des vampires vivant comme des bêtes sauvages. Certaines scènes sont d’ailleurs inspirées de meutes de loups qui dépècent leur proie.
Je me suis également inspiré de mes anciennes lectures – les écrits de Michael Moorcock. Son personnage, Elric, est un albinos (cheveux blancs, yeux rouges) – proche esthétiquement d’un vampire.
Lorsque j’ai commencé la série Requiem, je n’allais pas bien du tout. Je me complaisais à dessiner un univers sombre. Je peux même dire que Requiem a été un exutoire pour moi. Heureusement, Pat y avait intégré de l’humour. Requiem a été comme une béquille : l’expérience m’a fait du bien.
Seulement 3 albums étaient prévus. Nous avons finalement prolongé la série.
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Votre vie en Bretagne a-t-elle permis votre participation au Tome 3 des Contes de l’Ankou ?
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Ma participation s’est réduite à une nouvelle. Ce fut également un moyen de rire de la vie quasi monacale de mes amis dessinateurs Jean-Luc Istin et Guillaume Sorel.
Lorsqu’on adapte une nouvelle – donc un récit court, cela peut vous permettre de tester de nouvelles choses.
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L’art punk triomphe-t-il dans la série Wika ?
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Tout a débuté avec des soucis personnels. J’étais en train de divorcer et je voulais raconter une histoire similaire à ma fille. Wika voit la séparation de ses parents fées et tente de se reconstruire.
La série peut tout à fait être lue par une jeune fille de 14 ans. Il y a certes de l’art punk mais c’est un récit moins adulte et esthétiquement très soigné.
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Alors que vous préparez la série Le Troisième Œil, la cathédrale Notre-Dame de Paris brûle. En quoi l’événement a modifié votre histoire ?
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L’incendie est arrivé alors que j’étais en train d’écrire le scénario. L’événement n’a pas modifié l’histoire – seule l’apparence est différente.
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Vous revisitez Paris comme un nouvel enfer. Est-ce une ville totalement intrigante ?
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Etant parisien d’origine, j’ai toujours voulu réaliser un projet sur la capitale comme que je l’avais fait avec Xoco sur New York. Je voulais montrer Paris différent des BD déjà vues mais aussi du cinéma. L’aspect gothique et mystique de la ville n’avait jamais vraiment été exploité.
Ce fut un vrai plaisir de construire ce Paris différent.
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La suite (Tome 3) et la fin (Tome 4) seront-elles explosives ?
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Pour les deux premiers tomes, il y avait déjà une rupture. Le premier était très contemplatif et le deuxième présentait beaucoup de nouveaux personnages. Ces apparitions ont donné l’idée à l’éditeur d’ajouter un nouveau tome (le 4) pour donner plus de place à l’enquête policière.
Le Troisième Œil est une tragédie. Par conséquent, les choses vont en effet s’accélérer. Le personnage principal, Mickaël, va être emporté par des événements qu’il ne pourra maîtriser.
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Quels sont vos sentiments lorsque vous terminez une série de bande dessinée ?
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C’est une grande joie d’arriver au bout d’une série. Je vis par exemple l’expérience Le Troisième Œil comme un marathon. Il y a encore des centaines de pages à produire.
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