Le monde de l’enfance résonne tout au long de nos vies. A la fois merveilleux et instinctif, il revient toujours dans nos pensées. La place des sentiments et du lien avec l’animal y sont bien souvent constants. Alors que c’est le début de la vie, la perte d’un proche et d’un compagnon domestique peut nous bousculer. Le deuil trouble et nous cherchons inlassablement des réponses voire des solutions.

Avec la disparition de son poisson rouge, Elsa, 8 ans, se met en quête de le retrouver. Voilà l’histoire du livre « Le Monde des animaux perdus » écrit et illustré par Noémie Weber. Voyage intérieur et dialogue avec la faune abandonnée, le récit nous transporte dans un univers déroutant.

Entretien avec Noémie Weber.

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Votre idée de départ était de raconter une histoire autour des toilettes. Comment ce tourbillon est-il devenu un conte-éloge aux animaux ?

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Les toilettes sont toujours un environnement mystérieux pour les enfants. J’avais l’idée d’écrire une histoire d’un monstre qui en sortirait. Puis au fil du temps, je me suis orientée vers la question : « Qu’est-ce qui disparaît dans les toilettes ? ». J’ai pensé aux poissons rouges que nous jetons dans les toilettes une fois morts. Je venais de trouver mon vrai sujet : le deuil de l’animal de compagnie.

J’ai eu également l’idée du chat et de la fin assez rapidement. J’ai ensuite enrichi le propos avec la question des animaux perdus et abandonnés.

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Pour écrire une telle histoire, avez-vous comme Elsa la perte d’un animal de compagnie ?

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Enfant, j’avais des chats qui ont eu une longue espérance de vie. Par conséquent, je n’ai pas connu de deuil à cette époque. Par contre, je suis toujours accompagnée de chats. J’y suis très attachée. Donc lorsque l’un d’entre eux meurt, c’est un vrai malheur.

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Lorsqu’on lit « Le Monde des animaux perdus », on pense aux « Aventures d’Alice au pays des merveilles » (1865) de Lewis Carrol. Quelles sont vos autres inspirations ?

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L’influence d’« Alice au pays des merveilles » était involontaire. Ce n’est que pendant l’écriture que je me suis rendu compte de la référence inconsciente.   

Je me suis également inspirée du mythe d’Orphée aux Enfers. Ce fut même l’histoire qui m’a guidée. Orphée pense ramener son amoureuse hors des enfers. Ce n’est que dans ce lieu qu’il se rend compte que c’est impossible.

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Certaines cases sont en japonais, vous faites parfois référence à « La Divine comédie » de Dante ou à « L’Île au Trésor ». « Le Monde des animaux perdus » s’adresse-t-il seulement aux enfants ?

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Le chat fait en effet allusion à l’œuvre de Dante en citant   la fameuse phrase « Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir ». Même s’ils ne saisissent pas la référence, la phrase en elle-même me semble compréhensible pour des enfants. J’aime bien mettre des références littéraires, qui s’adressent plutôt aux adultes, mais j’ai fait attention à ce que mon histoi-re reste accessible aux enfants afin qu’ils se sentent à l’aise avec la lecture du « Monde des animaux perdus ».

Toutes les images et figures que l’on retrouve dans le livre reflètent ce que j’aime.

Dans ma première idée du « Monde des animaux perdus », j’imaginais Elsa se baladant dans les canalisations rencontrer d’autres enfants du monde entier – eux-mêmes à la recherche de leur animal de compagnie. Le jeune japonais est resté comme référence au dessinateur Miyazaki. 

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Elsa est ronde. Vous en avez marre des héros stéréotypés ?

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J’étais moi-même ronde durant mon enfance. Lorsque je lisais une histoire avec des illustrations, je n’arrivais pas à m’identifier aux enfants minces. Je pense qu’il faut varier les physiques et les origines. Il n’y aucune raison qu’un personnage soit toujours le même type dans une histoire.

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Qu’est-ce qui vous a inspiré la couverture ?

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Dans le train, j’ai réalisé plusieurs croquis. J’avais imaginé présenter Elsa dans le brouillard puis j’ai abandonné l’idée. L’image était trop sombre.

J’ai ensuite pensé à l’idée de la rivière avec des silhouettes d’animaux autour. Puis, j’ai pensé garder seulement Elsa et le chat qui l’observe. L’éditeur a décidé de garder la seconde. C’était le bon choix.

Un de mes chats a servi de modèle. Il est depuis décédé. Mon chat est à présent dans le monde des animaux perdus…

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Les pleines pages envahissent le livre. Aviez-vous l’envie d’agrandir l’histoire ?

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Je voulais me faire plaisir graphiquement. Pour chaque livre, j’écris d’abord l’histoire. Pour « Le Monde des animaux perdus », j’ai eu envie dès le départ de laisser plus de place à l’illustration. L’exercice des doubles pages n’est pourtant pas aisé, car il faut faire attention à ce qu’elles se retrouvent bien sur deux pages en regard.

La première double page que j’ai faite est celle avec les poissons. Je devais la présenter à l’éditeur et cela m’a pris beaucoup de temps. Au fil du temps, l’exercice fut plus rapide.

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Y’aura-t-il encore des animaux dans vos histoires ?

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Il y aura en tout cas toujours des enfants. Je veux repartir sur une histoire de type auto-fiction. Le personnage principal sera une petite fille mais a priori, il n’y aura pas d’animaux. « Le Monde des animaux perdus » a été un excellent exercice pour dessiner la faune.

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