Alors que certains fuient l’enfer des villes, d’autres ressentent un certain étouffement en milieu rural. Le manque d’accessibilité, le silence ou encore la solitude peuvent être de véritables angoisses. « La Campagne » (2000) est une pièce qui évoque le repli et le déni. Véritable classique, l’œuvre du dramaturge anglais Martin Crimp est actuellement adapté au théâtre de la Scala à Paris.

Manon Clavel, aux côtés d’Isabelle Carré et Emmanuel Noblet/Yannick Choirat, incarne sur scène une énigmatique Rebecca. Qui est cette inconnue ? Source d’interrogations, la jeune femme est le cœur de l’intrigue de la pièce de théâtre.

Entretien avec l’actrice Manon Clavel.
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Connaissiez-vous la pièce « La Campagne » par Martin Crimp (2000) avant d’obtenir le rôle ?

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Je n’ai connu que des scènes (notamment celle entre les deux femmes) lors de mes cours en école de théâtre. 

A la première lecture de la pièce, j’ai trouvé beaucoup similitudes entre moi et le personnage de Rebecca. Il s’agit de quelqu’un qui a des failles et des rêves. Rebecca est à la fois sombre et lumineuse.

Cependant, pour prendre du recul, j’ai voulu mettre de côté tout ce que j’avais en commun avec le rôle et tout ce qui me touchait. Lors des répétitions, j’étais par conséquent plus à nu et ouverte pour travailler avec le metteur en scène, Sylvain Maurice, et les autres acteurs, et me laisser surprendre par eux.

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Rebecca est sans cesse en mouvement. Est-ce vous qui avez apporté cela ?

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Comme incontrôlée, Rebecca déborde. Plus jeune, j’avais fait beaucoup de danse et Sylvain m’a encouragé à utiliser cette énergie sur scène. Je reste assez peu assise sur une chaise. Mon corps a besoin d’être en mouvement pour comprendre quelque chose. A chaque représentation, je joue le rôle le plus intensément possible. Le texte est un vrai cadeau pour les acteurs.

Le fait même d’interrompre la pièce pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines car nous changeons de lieu nous permet de redécouvrir la pièce et de proposer autre chose.

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© C. Raynaud de Lage
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« La campagne » traite également du mensonge. A-t-il un aspect effrayant ?

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Au départ, nous voulions aborder la pièce d’une manière rationnelle pour la comprendre. Il fallait savoir exactement ce que les personnages pensaient et voulaient. Puis au fur et à mesure, nous avons compris qu’ils subissaient les événements. La question de vérité et de mensonge n’était plus importante. Nous avons eu envie d’avancer en même temps que les personnages.

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La campagne peut-elle être un lieu d’insécurité ? Quelle est votre relation avec la campagne ?

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Comme Rebecca, je suis une vraie citadine. La campagne peut être pour moi source d’angoisse. J’ai besoin de voir du monde, d’entendre la ville. Et puis qu’importe où vous vous refugiez, vos angoisses vous suivront.

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© C. Raynaud de Lage
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Rebecca est-elle un objet de tentation ?

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Pour le personnage de Richard oui. Rebecca attire autant qu’elle effraie. Corinne est comme intriguée. Dès le départ, elle est méfiante de cette inconnue qui est dans l’autre salle. Son instinct la prévient que Rebecca peut être un danger.

Ces deux femmes ont également un point commun : Elles aiment le même homme. Par conséquent, avec Isabelle Carré, nous avons fait le choix de jouer une relation qui ne sont pas uniquement conflictuelle. Il y a aussi de la curiosité.

Rebecca et Corinne portent également à peu près la même tenue vestimentaire.

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Par rapport à la pièce, avez-vous plus de doutes aujourd’hui qu’au départ?

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Lors des premières répétitions, j’étais certaine que Richard n’avait pas tué Rebecca. Martin Crimp avait déclaré dans un article que Richard n’avait pas pu commettre de crime. Cependant, lorsque j’ai rencontré Martin Crimp j’ai pu percevoir un personnage assez joueur. Dans ses créations, Crimp semble ouvrir toutes les possibilités. 

Aujourd’hui, je me pose la question si finalement Richard n’est pas un assassin. Plus je joue cette pièce, plus je me questionne. Chaque représentation est différente à cause du public. Il peut être très silencieuse comme rire.

Selon l’ambiance, nous décalons notre jeu.   

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© C. Raynaud de Lage

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Photo de couverture : © C. Raynaud de Lage

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