Incontournable comédien du théâtre français, Jacques Weber monte à nouveau sur les planches avec une nouvelle lecture – « Weber à Vif » (Du 11 au 26 avril 2023). Accueilli par l’élégante Scala, celui qui incarna brillamment Cyrano de Bergerac cite les plus grands auteurs avec une impeccable justesse.

Sur scène, il y a également le grand accordéoniste Pascal Contet et Greg Zlap, joueur d’harmonica de Johnny Hallyday.

Le trio se regarde, s’écoute, s’amuse avec Victor Hugo, Frida Kahlo, Pierre Corneille… Le spectacle nous emporte un peu partout avec une belle maîtrise.

Entretien avec Jacques Weber.

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Vous étiez déjà monté sur scène en 2022 au théâtre de poche de Montparnasse pour A Vif. Vous revenez avec « Weber à Vif ». Est-ce une énergie, un tempo différent ?

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Le théâtre de poche dispose d’une salle intime avec 140 places seulement. Nous pouvions nous permettre d’improviser. Avec la salle de la Scala, nous ne nous interdisons pas de le faire de temps en temps. Cependant, il y a plus de rigueur. L’improvisation dans un grand plateau doit être régie et calée. L’endroit ne supporte pas l’à-peu-près.

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Qu’apportent les deux musiciens aux textes ?

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Pascal Contet, l’accordéoniste, et Greg Zlap, le joueur d’harmonica, sont des musiciens de grand talent. Le premier vient du classique et le second apporte un côté blues au spectacle. Le mélange des genres fonctionne admirablement. Nous avons eu le souhait de concerter la musique et les textes. Ce n’est pas un accompagnement. Pascal et Greg jouent et improvisent ensemble. Le spectacle est d’autant plus original et remarquable.

Même sur scène, je prends beaucoup de plaisir à les écouter. Nous ne sommes pas 1+2 mais bien 3 à faire le spectacle.

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©Thomas O’Brien
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Flaubert toujours – Après un livre « Vivre en bourgeois, penser en demi-dieu », Flaubert vous accompagne sur scène. C’est votre plus grand vieil ami ?

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C’est surtout un auteur fétiche. Je me retrouve dans ses horreurs, ses lâchetés, ses fulgurances (j’espère), ses poésies et son amour débordant. Au contraire de Marcel Proust qui les détestait, j’adore les correspondances de Flaubert.

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Lorsque vous montez sur scène, avez-vous toujours une pensée pour Louis Seigner et Pierre Brasseur ?

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Je les aborde toujours avec une certaine tendresse. Vous ne naissez jamais de n’importe où mais de quelque part. Ma carrière s’est réellement construite à partir de ces artistes.

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Vous avez joué en 1983 « Cyrano » puis en 2006. Votre voix n’est plus la même, vous n’avez plus non plus le même âge. Vous jouez d’une autre façon Cyrano de Bergerac ?

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Ayant joué trop longtemps et trop souvent Cyrano (7 fois par semaine), je me suis mis à avoir une phobie vocale. La voix s’est progressivement décalée. Pour la remettre en place, j’ai dû suivre des cours de chant.

Je prends toujours autant de plaisir à revisiter les textes. J’imagine que c’est la même chose pour le chef d’orchestre autrichien Karl Böhm lorsqu’il reprend la 6ème symphonie de « Don Giovanni ». On vieillit, on évolue, on approfondit, on creuse.

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©Thomas O’Brien

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Parmi les auteurs, il y a Jacques Weber. « Le Ciel est à l’eau » et « Le Marin ». Ces textes étaient pensés pour être récités ?

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J’ai écrit ces textes de façon naturelle – sans arrière-pensée. Ils font partie de « Weber à vif » par hasard. Certains soirs, j’ai envie de les dire parfois je veux réciter autre chose.

« Le Ciel est à l’eau » est une inspiration des textes de Jacques Prévert. Cela m’amuse beaucoup. Comme la notion du Ciel comme lieu catholique et sacré m’agace, j’aime l’imaginer à l’eau…

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Quel est le moment du spectacle le plus intense ? Le plus à vif ?

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Cela dépend des soirs mais j’aime particulièrement « Le Coupeur d’eau » de Marguerite Duras et « Le Nuage en pantalon » de Vladimir Maïakovski. Chacun de ces textes sont bruts et parfois difficiles à recevoir.

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Vous terminez « Le Pèse-nerfs » d’Antonin Artaud. Intense combat intérieur pour l’Absolu. Il était logique d’user son dernier souffle avec un tel texte ?

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Il ne s’agit pas d’une fin mais une autre réflexion. « Weber à vif » démarre bien avant qu’il ne commence et se termine bien après que le rideau tombe. « Le Pèse-nerfs » est un texte qui mérite toute la réflexion que peut amener une folie fulgurante. Cela traite de l’excès.

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Y’aura-t-il un troisième « à Vif » ?

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Si cela m’amuse oui. Je pourrais amener de nouveaux textes.

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©Thomas O’Brien

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Photo de couverture : ©Brieuc Cudennec

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