Par son sujet et son style, chaque œuvre de Simon Liberati détonne dans le paysage littéraire français. Partant bien souvent avec une biographie, les récits nous entraînent toujours vers d’autres limbes. Fiction et réalité se mêlent sans difficulté. Il y a toujours beaucoup de Simon dans les livres de Liberati.

« Performance » retrace la vie d’un écrivain septuagénaire confronté à un exercice de série télévisée sur les Rolling Stones. La drogue, le conflit intergénérationnel, la popularité des séries TV et l’irrésistible envie de toujours séduire parcourent l’épopée.

Sorti l’année dernière, « Performance » continue son chemin avec en prime le Prix Renaudot. Simon Liberati a toujours beaucoup à raconter.

Entretien.

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Après « Jayne Mansfield 1967 » et « California Girls », vous replongez dans une histoire qui mélange stars et mœurs. Le monde anglo-saxon dans ce domaine est-il plus fascinant que des Hugues Auffray ou autre Maurice Chevalier ?

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Enfant, j’ai été fasciné par l’affaire du meurtre de Sharon Tate. Il s’agissait d’une actrice sublime, d’assassins particuliers et d’un crime atroce au cœur d’Hollywood. Cependant, les auteurs français qui écrivent sur le monde anglo-saxon ont peu ou pas du tout de traductions de leur livre. Les Américains, les Britanniques ou encore le reste du monde ne considèrent pas les Français comme des écrivains sérieux lorsqu’ils s’intéressent à une affaire étrangère. Lorsque j’ai reçu le Prix Femina pour « Jayne Mansfield 1967 » à la Foire du livre de Francfort, les Éditions Grasset m’ont pourtant fait comprendre que l’œuvre était invendable en-dehors de la France.

Au départ, lorsqu’on m’a proposé d’écrire sur les Rolling Stones, j’ai été dubitatif car je pensais que c’était la mission d’un journaliste rock. Puis je me suis lancé dans l’écriture  et j’ai aimé créer « Performance » en mêlant la fiction biographique et l’autofiction.

Je ne pense pas qu’Hugues Auffray puisse m’inspirer un jour. Cependant, le milieu de la variété française des années 60-70 m’intéresse beaucoup. Les yéyés se différenciaient des groupes de musique anglo-saxons. J’ai entendu des histoires sur les disques Barclay ou le Golf-Drouot qui m’ont amusé. La vie est pourtant assez courte. Nous verrons.

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La série qui est traitée dans « Performance » comme en 1967. L’année fait écho à votre précédent livre « Jayne Mansfield 1967 ». Avez-vous quelque chose avec 1967 ?

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Sûrement. Je pense que cela correspond à un moment où j’étais esthétiquement sensible au monde extérieur. J’avais dépassé l’âge de raison. Au cœur de Paris, j’étais passionné par les automobiles. Un beau véhicule américain, anglais ou italien qui passait dans la rue était magnifique. Encore de nos jours, lorsque j’entends le bruit d’une Maserati dans la rue, je me retourne. Je trouvais également les femmes superbes avec leur perruque et leur jupe rétrécie. Élève pensionnaire au Collège Stanislas, je ne me sentais pas du tout maître de ma vie et j’ai voulu reprendre mon pied sur mon existence. J’ai commencé à écrire en 1967. C’est une période que je connais bien pour l’avoir vécue et l’avoir étudiée.

Grand hasard : le procès des Rolling Stones de 1967 pour détention de drogues a eu lieu le jour de la mort de Jayne Mansfield sur une route de Louisiane.

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Vous écrivez souvent vos livres d’une manière cinématographique. Est-ce un plaisir d’imaginer un film dans votre tête ou est-ce un moyen de s’adapter aux lecteurs qui sont de nos jours très adeptes du visuel ?

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J’apprécie que l’on me dise que je m’adapte aux lecteurs. Beaucoup de critiques me reprochent au contraire d’écrire pour moi-même. Je pense finalement peu au lecteur lorsque j’écris. Au fur et à mesure de ma carrière, j’ai adopté une méthode de travail où le réel entrait dans une mise en scène bien découpée. C’est assez clair dans « Nada Exist » (2007), mon second roman. Le livre est un plan séquence sans ellipse sur la vie d’un personnage. L’exercice m’a permis d’avoir une écriture proche du cinéma.

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La drogue est-elle un personnage particulier dans « Performance » ?

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A 18 ans, j’ai fréquenté des personnes qui en consommaient beaucoup. On m’avait tout de même empêché de prendre de l’héroïne. Puis, au début des années 2000, j’ai trouvé un jour chez Emmaüs un exemplaire de « Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… » (1978). Ce livre a été un déclencheur pour moi. Je me suis mis en tête d’écrire sur des jeunes drogués et j’ai paru mon premier livre « Anthologie des Apparitions ». La couverture est d’ailleurs une photo de Babsi, la copine de Christiane F. Il s’agissait de la plus jeune berlinoise ayant été tuée par une overdose en 1976.

Je dirigeais à la même époque le magazine Cosmopolitan. Pour tenir le coup, je me droguais. Ce fut surtout un pis-aller. J’ai été invité un jour dans l’émission de Thierry Ardisson « Tout le monde en parle ». Les téléspectateurs m’ont alors vu défoncé et un peu alcoolisé. Certaines personnes, même dans le métro, m’accostent toujours pour parler de cette émission… J’ai ensuite été arrêté pour usage de drogues à la sortie d’une boîte de nuit avec Frédéric Beigbeder. J’ai par conséquent eu une réputation. Je continue donc de parler de drogues dans mes livres.

Dans « Performance », je me suis inspiré d’histoires que j’ai connues.

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La place des femmes dans « Performance » est également importante avec Marianne Faithfull, Anita Pallenberg et Esther la jeune compagne. Écrire sur l’entourage des icônes est-ce une façon de se motiver ?

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Le procès des Rolling Stones fut marquant car si les membres du groupe étaient envoyés en prison – tout s’arrêtait pour eux. Le fait que leur entourage était peuplé de femmes maigres me plaisaient. En 1995, j’avais pu apercevoir Anita Pallenberg lors d’un défilé. On aurait dit un fantôme. J’avais déjà raconté cet événement dans « Anthologie des Apparitions ». J’avais rencontré au moment de l’écriture une jeune fille maigrissime. J’ai aimé faire l’écho à deux époques différentes.

Depuis mes 19 ans, j’ai toujours aimé fréquenter des personnes plus jeunes que moi. On m’a toujours perçu comme un aïeul.

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Vous abordez « L’Exorciste II : L’Hérétique » (1977). Est-ce finalement un bon film ?

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Il s’agissait du film préféré du tueur en série Jeffrey Dahmer. Apprenant cela, j’ai regardé « L’Exorciste II : L’Hérétique » d’un autre œil. De plus, John Boorman est un grand réalisateur. Le film flotte en permanence. Je peux comprendre que les consommateurs d’héroïne puissent l’adorer.

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Brian Jones est-il un personnage fascinant car mort jeune, suicidaire, fascinant mais aussi agaçant ?

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Oui il était agaçant pour son entourage. Brian Jones est très intéressant car il est le premier homme-femme des Rolling Stones. Anita Pallenberg aimait habiller ses amants avec ses propres vêtements. Je me souviens à l’époque que le mode de vie des Rolling Stones passionnait plus que leur musique.

Brian Jones frappait Anita Pallenberg alors qu’il avait la réputation d’être un gentil garçon.

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Vous avez également enregistré la version vocale de « Performance ». Pourrait-on imaginer qu’un jour votre livre soit également adapté en série-télé ou en film ?

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Je n’ai jamais refusé les propositions. Même si j’ai coscénarisé le film d’Eva Ionesco « Une Jeunesse dorée » (2017), je n’ai pas la baraka avec les gens du cinéma. J’ai eu plusieurs projets qui sont tombés à l’eau.

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Photos reportage : © Mathieu Gleizes https://www.instagram.com/mathieugleizes/?igshid=10t4pqcenm09c

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