La sexualité est un sujet obsédant. Bien souvent taboue, l’image fascine pour son côté impudique mais aussi selon nos désirs. Quelles sont les limites à l’exhibition face à un appareil photo ? Quelle est la place du spectateur ?

Depuis des années, le photographe Laurent Benaïm réalise des séries sur le sexe. Avec « Endorphine« , il le met en valeur avec le noir et blanc. Les corps, jeunes, vieux, athlétiques ou gras, se montrent sans aucune retenue mais sans volonté aucune de provoquer. Seul le plaisir doit être là.

Entretien avec Laurent Benaïm, artiste fasciné par la sexualité.

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Comment est né le livre « Endorphine » ?

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Je fais régulièrement des petits livres et catalogues. Il y a 7 ans, j’en avais publié un chez Taschen. Malgré le fait que la maison d’éditions était prestigieuse, j’ai eu un sentiment assez amer à propos de l’expérience. Je n’ai pas eu pas de liberté concernant la maquette, le choix des photos et la qualité des images sélectionnées. Taschen voulait un livre-best of. De plus, le livre ne devait choquer personne. Au final, l’œuvre manquait cruellement de force.  

Lorsque les éditions Normal m’ont proposé de réaliser un nouveau livre, j’ai accepté à la condition que j’ai une totale liberté sur la réalisation. Il n’y a eu aucune censure. Les éditions Normal m’a même accompagné puisque ce sont eux qui ont travaillé sur la gravure et la mise en page. Je n’ai juste eu qu’à donner mon avis.

Chaque prise de vue devait raconter une histoire. « Endorphine » est un livre libre qui me correspond.

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Pourquoi un tel titre ?

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L’endorphine est une substance qui est secrétée par le corps pendant l’acte sexuel. Cela correspond parfaitement à l’idée du livre.

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« Endorphine » est-il un livre maîtrisé ?

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Cela dépend des séries. Une est avec ma copine de l’époque et d’autres ont été faites avec des groupes de personnes. Certains sont venus me proposer des idées bien précises. Ce fut un vrai cadeau car je n’ai fait que les accompagner.

En ce qui concerne les grands shootings avec une dizaine de personnes, vous devez réfléchir et travailler pendant des jours. J’ai même réalisé des dessins préparatoires avec une amie dessinatrice. Il fallait trouver les bons accessoires, le bon lieu, les bons modèles. Dès le départ, je suis dans l’exigence. Je préviens tout le monde que je veux des actes puissants. Mais j’ai l’habitude de travailler depuis des années avec des personnes qui assument totalement ce qui font. Nous travaillons finalement dans la joie. Nous avons passé des jours ensemble à Montreuil mais aussi à Leipzig et dans le Brandebourg à Berlin. Les modèles étaient, quant à eux, Anglais, Suisses allemands et Français.  

Je suis toujours à la recherche de nouveaux défis. Je peux tout à fait avoir comme modèles des personnes avec un handicap, en surpoids ou avec une particularité physique. L’image doit révéler.

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Vous utilisez la gomme bichromatée qui donne à la photo un aspect à la fois ancien et moderne. Que révèle cet aspect technique ?

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J’aime son côté artisanal. La gomme bichromatée a même le don de théâtraliser l’image. En aucun cas, je ne veux réduire la charge érotique. Au contraire je veux l’augmenter.

Le rétro avait juste pour fonction de créer une ambiance particulière.

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Pénétrations, morsures, chibari,… Tous ces sujets étaient-ils sans limites ?

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Je voulais en tout cas repousser les limites avec une charge émotionnelle maximum. La photo devait capturer l’énergie dégagée.
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Avez-vous un souhait de provoquer le lecteur ?

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Comme un photographe de paysage l’aurait fait, je cherchais juste à prendre la photo la plus puissante possible. En aucune façon, je n’ai voulu choquer.

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Certains moments (jets de sperme, urine,…) ont-ils été stressants à capturer ?

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Même si je suis très concentré durant les shootings, nous travaillons toujours dans la joie. L’uro vous apprend juste à être patient.
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Le corps est-il le plus beau sujet de votre vie de photographe ?

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Le corps et la sexualité sont hypnotiques pour moi. A travers mes livres, je veux justement transmettre cette fascination au lecteur. La sexualité est le seul instinct qui dépasse l’instinct de survie.

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Vous avez déménagé il y a peu au Portugal. Votre travail va-t-il juste être modifié par ce nouveau lieu de vie ?

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Je vivais auparavant en Allemagne dans un milieu très urbain et fétichiste. Il est clair que je vis un véritable changement. Je vis à présent en pleine campagne. Cependant, je continuerais à réaliser des sessions photos et des modèles feront le déplacement.

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Quels sont vos projets ?

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Au début de l’été 2023, j’exposerai rue Martel à Paris. Nous préparons actuellement la suite d’ « Endorphine ». J’ai l’espoir de publier en tout 5 volumes sur le sujet. Le public a apprécié le premier par conséquent je vais continuer. Le deuxième livre sera publié à la fin de l’année. Il y aura notamment des photos que j’ai prises en Ukraine avant l’invasion russe. J’avais réalisé une très belle exposition à Kyiv. Les Ukrainiens ont eu une soif d’art, d’expression et de création incroyables. J’ai rencontré des artistes avec peu de moyens mais qui réalisent de vraies merveilles.

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Toutes les photos sont la propriété du photographe ©Laurent Benaïm

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