Ecrivain coup de poing des années 90 avec des livres comme « Un Pur moment de Rock ‘n roll » ou encore « Cantique de la Racaille », Vincent Ravalec est un artiste présent où on ne l’attend pas. Auteur mais également scénariste, réalisateur, parolier, enseignant, créateur d’effets spéciaux,… il sait toujours surprendre par sa créativité et son originalité.

L’entretien-portrait est l’occasion d’analyser les différentes facettes de Vincent Ravalec – artiste aux multiples talents.

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Vous êtes écrivain, poète, réalisateur, parolier, producteur, enseignant, scénariste, spécialiste de la réalité virtuelle. Dans quel domaine vous sentez-vous le mieux ?

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Dans l’écriture de façon générale. J’aime concevoir avec la grammaire qu’elle soit littéraire, cinématographique ou visuelle – la création au sens large. N’étant pas musicien ou dessinateur, je m’exprime par l’écrit. Je n’ai jamais voulu essayer d’être acteur car je ne pense pas en avoir le talent ni l’envie. J’ai pu travailler avec d’excellents comédiens qui avaient une excellente technique. Être acteur c’est le travail d’une vie.

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En tant qu’écrivain, on vous a catalogué avec Virginie Despentes et Michel Houellebecq comme les pionniers des nouveaux réalistes. Vous reconnaissez-vous dans ce terme ou avez-vous été au-delà ?

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Ce terme correspondait bien au départ. Ensuite j’ai suivi un style plus expérimental. Je voulais faire autre chose.

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Votre ascension en tant qu’écrivain s’est-elle faite grâce à Bernard Pivot ?

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On peut dire cela. J’ai eu l’idée de rédiger une fausse lettre de recommandation à tous les éditeurs de Paris. Bernard Pivot était soi-disant l’auteur et il me recommandait. Françoise Verny a été la seule à me téléphoner. J’ai fait comme si je n’étais au courant de rien. En revanche, les éditions Le Dilettante m’ont contacté. Lors du déménagement de leurs bureaux, ils ont perdu ma mallette et mes documents. Ma première nouvelle a été cependant éditée en 1992 « Un Pur moment de Rock n roll ».

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Avez-vous rencontré Bernard Pivot suite à ce subterfuge ?

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Oui lors d’un dîner mondain mais nous n’en avons pas parlé. Je lui dois doublement mon succès car lors d’une émission Apostrophes, au moment de la présentation des livres, Pivot a présenté « Un Pur moment de Rock n Roll ». Patrick Bruel qui était alors invité a à son tour montré le livre à la caméra en disant : « cela a l’air sympa ». Le Dilettante, étant une petite maison d’éditions, n’avait publié que 900 exemplaires du livre. Suite à l’émission, nous avons épuisé le stock.

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« Un Pur moment de Rock ‘n roll » a pu en effet captiver par son style et son sujet. Était-ce un cri du cœur et une défense littéraire ?

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Il s’agissait en effet d’histoires noires inspirées par la réalité. Ces nouvelles furent un véritable miracle car cela faisait des années que je voulais écrire. Le processus a été long et finalement j’ai réussi à écrire le genre d’histoires que je voulais lire. J’ai relu récemment l’ensemble de mes nouvelles. À l’exception de quelques formules comme de l’argot que j’ai voulu modifiées, je suis assez content de ce que j’ai pu écrire. Même les livres que j’ai ratés …..je suis persuadé qu’aujourd’hui je serais capable de les réécrire et de les réussir. En étant enseignant de formation scénario, j’ai beaucoup appris sur le travail de l’écriture. J’ai pu ainsi théoriser les méthodes scénaristiques.

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En 1994, vous écrivez votre premier roman « Cantique de la Racaille » – véritable descente aux enfers en l’espace d’un an pour le personnage de Gaston. Qu’avez-vous exprimé auprès de vos lecteurs ?

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À l’époque, mes romans que j’écrivais montraient ce que je voulais lire. Au moment de l’écriture, la thématique n’était pas encore conceptualisée. De nos jours, je travaille de façon différente car je maîtrise davantage la narration.
Le contexte du « Cantique de la Racaille » était particulier : Nous étions dans les années Tapie. Il y avait un essor du consumérisme qui annonçait d’une certaine manière le bling bling. Gaston était une sorte de Rastignac des temps modernes. Je voulais en même temps faire une description sociale car c’est ce que je vivais à l’époque. Mes personnages sont les jouets de la vie. De nos jours, je ne pense pas que je pourrais écrire un tel livre.

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« Cantique de la Racaille » (1998) a également été votre premier long métrage. Qu’est-ce que la seconde œuvre dit et que la première ne racontait pas ?

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Pour des tas de raisons, le cinéma est un univers bien plus compliqué que la littérature. J’avais réalisé auparavant des courts métrages et j’ai tenté l’expérience du long. Avec la sortie du DVD, j’ai revu « Cantique de la Racaille » il y a peu de temps. J’en avais un souvenir assez mitigé car j’ai trouvé que le medium cinéma était plus pauvre que le médium littéraire. En revoyant le film, j’ai été agréablement surpris. A l’époque, étant féru de naturalisme (j’adore par exemple les documentaires de Raymond Depardon), je trouvais décevant le jeu des acteurs. Ces derniers ne correspondaient pas vraiment aux personnes qui m’avaient inspiré le livre. En le revoyant, j’ai changé d’avis. Yvan Attal et Virginie Lanoue sont en fait brillants dans le film.

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Vous avez participé à l’écriture avec Jan Kounen et Jeremy Narby de « Plantes et Chamanisme » (2018). Pourquoi un tel intérêt ?

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Le sujet m’a intéressé car on en parlait beaucoup moins qu’aujourd’hui. La mondialisation a un point positif : elle permet les connexions entre des cultures diamétralement différentes. J’ai pu faire des voyages et des expériences incroyables. J’ai compris des choses et j’y ai surtout mis du sens. Tout m’intéresse. J’ai réalisé même un documentaire sur l’espace « Zero G » et je participe à la revue du CNES.

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Durant l’écriture du livre « Sekt : L’Origine du venin » (2018), vous êtes également intéressé par l’occulte. Était-ce l’envie de côtoyer l’inconnu ou est-ce avant tout le voyage qui compte ?

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Au même titre que « Cantique de la Racaille », « Sekt : L’origine du venin » est assez proche de ce que j’ai connu. Il est amusant d’entendre certains de mes proches me dire qu’à la fois tout est faux dans mes romans et en même temps tout est vrai. Je suis un conteur de la réalité.

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Comment est né le projet du film « JCVD » (2008) avec Jean-Claude Van Damme ?

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Frédéric Taddeï a eu une l’idée d’origine en 1995. Je n’avais même pas réalisé « Cantique de la Racaille ». Une vedette de cinéma est finalement un pleutre lors du braquage d’une banque. Nous avons ensuite écrit le scénario et avons contacté des stars comme Sylvester Stallone et Jean-Claude Van Damme. Nous nous sommes retrouvés face à des murs. Ces acteurs n’imaginaient pas faire de l’auto-dérision. Je n’ai donc pas réussi à l’époque à vendre l’histoire. 15 ans plus tard, je me retrouve à la table d’un producteur du film « Jean-Philippe » (2006) avec Johnny Hallyday. Van Damme étant alors dans le creux de la vague, j’ai eu l’idée de le relancer. Cependant, le film s’est fait sans moi. J’ai été éjecté du projet…

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Avez-vous aimé écrire des chansons pour Johnny Hallyday ?

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Ce fut une vraie surprise. C’était à une époque où Johnny avait l’image d’un béta. Caroline Molko de la maison de disques avait remarqué que Françoise Sagan avait écrit une chanson pour lui [En 1999 « Quelques cris »]. Elle a alors eu l’idée de demander à des écrivains de participer au prochain album pour donner une image plus intello à Johnny. Des centaines de textes ont été envoyés et on a sélectionné deux de mes chansons. Ces dernières ont même été des singles – Les Larmes de gloire et Partie de cartes. Certains de mes amis m’ont dit que j’avais eu la chance du débutant.

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Pour quelles raisons avez-vous eu l’envie d’écrire des romans jeunesse comme « Les Filles sont bêtes, les garçons sont idiots » (2006) ou encore « Le Président ne peut pas être imbécile » (2007) ?

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J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ces livres. J’ai même tenté l’expérience d’ouvrages pour les plus petits. Si j’ai à nouveau l’occasion, j’en referais.

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Vous avez terminé la trilogie « Sainte Croix les vaches » en 2020. Est-ce que ce fut un exercice jubilatoire d’écrire sur le monde rural ?

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Oui à tel point que j’ai eu un certain baby blues à la fin de l’écriture. Cette trilogie est à la fois grand public et à la fois une œuvre que j’assume totalement. « Sainte Croix » va être adapté sous la forme d’une série télévisée. Si on connaît le succès – nous pourrions réaliser une nouvelle saison. L’histoire pourrait ainsi continuer.

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Quels sont vos projets ?

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Je termine un projet familial : J’ai écrit le scénario, mon fils conçoit les effets spéciaux et ma fille réalise le film. Je viens également de terminer l’histoire d’un thriller pour le cinéma. Je participe également à la conception d’une comédie musicale avec Jean-Pierre Darroussin.
En tant qu’artiste indépendant, vous devez sans cesse être en mouvement. Soit vous regardez le métro passé et vous êtes aigri soit vous ne vous arrêtez pas de bosser. J’ai choisi la seconde option.

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© Brieuc CUDENNEC
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