Dès les premières années du cinématographe, la musique a accompagné les films. Elle a même fait partie intégrante de l’histoire. Tous les films sont drôles, amusants ou encore terrifiants grâce à la musique. Le spectateur est comme entraîné au rythme de la composition.

Philippe Sarde fait partie des artistes qui ont toujours su nous transporter ailleurs. « Les Choses de la Vie » (1970), « Le Chat » (1971), « La Grande Bouffe » (1973), « Tess » (1979), « Harem » (1985), « Rodin » (2017)… Tous ces films ont été magnifiquement accompagnés par la musique.

« Philippe Sarde : Anthologie de musiques de films – 50 ans de cinéma » vient de sortir avec une grande partie des plus bandes originales du cinéma français. L’occasion de pouvoir échanger avec Philippe Sarde sur ses épopées cinématographiques.

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Avec plus de 350 bandes originales en 50 ans, des comédies, des drames, des films d’aventures, malgré les univers différents, y’a-t-il à chaque fois un style Philippe Sarde ?

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D’une certaine manière, je l’espère. Cependant, à chaque fois, j’ai essayé de m’en échapper car les films étaient différents. Pour chacun, il faut créer un climat particulier.

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Dès l’enfance, vous vivez dans le monde de la musique (votre mère est chanteuse d’opéra et vous entrez au conservatoire très jeune). Votre parrain est le compositeur Georges Auric. Avez-vous eu le sentiment d’être irrémédiablement dirigé vers la musique ou finalement cela vous a passionné ?

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Dès le début, j’ai été passionné. J’ai été à un moment réalisateur. Mais cette expérience a finalement affirmé mon côté compositeur. Beaucoup de personnes qui avaient vu mes 2 courts métrages me disaient sans cesse : « La musique est magnifique ». On me parlait finalement peu de mes films. Par conséquent, j’ai finalement choisi d’être uniquement compositeur.

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Votre première bande originale est « Les Choses de la vie » (1970). Comment a à peine 20 ans avez-vous composé une telle musique ?

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J’ai été comme porté par le sujet. De plus, ce fut un vrai défi pour un jeune comme moi de devenir le compositeur de musique pour un réalisateur aussi célèbre que Claude Sautet.

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Comment avez-vous travaillé avec Romy Schneider pour La Chanson d’Hélène ?

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Je l’ai réalisée après avoir composé la musique du film. J’ai proposé à Jean-Loup Dabadie, le scénariste des « Choses de la Vie », de faire une chanson avec la mélodie. Romy était pour moi l’interprète évidente. Michel Piccoli, quant à lui, faisait la partie parlée.

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Lorsqu’on compose une musique, s’inspire-t-on également de sa propre vie ?

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Je ne le pense pas. Je me suis toujours inspiré des histoires que l’on me proposait. Ma vie n’intéresse que moi finalement. J’ai certes donné beaucoup de moi-même mais j’ai toujours respecté le climat des films.

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Avez-vous déjà composé une musique selon un acteur ou une actrice ?

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Oui. Lorsque j’ai su par exemple que Jean Gabin et Simone Signoret allaient jouer dans « Le Chat » (1967). Cela m’a donné beaucoup d’inspirations. Ils avaient auparavant été amants et leurs personnages ont une relation très conflictuelle. Tout cela m’a donné l’idée de composer une musique intérieure. Je voulais que ce soit la mélodie que ce couple entende à l’intérieur d’eux-mêmes. Malgré leurs violentes disputes, cet homme et cette femme s’aiment profondément mais sont incapables de le dire.

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Lorsque l’on travaille avec des réalisateurs comme Claude Sautet, Bertrand Tavernier ou Georges Lautner, sait on dès le départ comment composer la musique de leur prochain film ?

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Je m’adaptais toujours selon le caractère des réalisateurs. Mon coffret est d’ailleurs avant tout un hommage à tous ces réalisateurs qui m’ont fait confiance pendant 50 ans. Quand j’écoute chaque musique, j’ai toujours des frissons car j’ai travaillé avec chacun d’entre eux de façon étroite. Chaque réalisateur m’a fait entrer dans son propre univers. Les musiques retracent mes relations avec eux.

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Vous avez pu travailler avec des artistes comme Stan Getz ou encore Chet Baker pour des compositions. Était-ce une façon de réaliser vos rêves ?

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Dès l’enfance, je rêvais que de tels artistes puissent jouer pour moi. Cela a pu se réaliser. J’ai même eu l’immense honneur de diriger Chet Baker.  

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La composition du film « Tess » (1979) de Roman Polanski a-t-elle été un exercice complexe ?

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Le film est une épopée. La musique devait à la fois être lyrique et épique. L’actrice principale, Nastassja Kinski, m’a beaucoup inspiré.

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Vous avez également composé la musique inquiétante du « Locataire » (1976).

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Oui. C’est la musique d’un cauchemar. Je l’ai composée avant même de connaître la fin du film. J’ai dû utiliser mon imagination. Le côté angoissant de la musique s’est alors amplifié.

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Que retenez-vous de votre seule participation à un film américain, « Ghost Story » (1981) avec Fred Astaire ?

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J’ai en effet tenté l’aventure américaine. Ce fut certes une expérience formidable mais j’ai eu peur qu’Hollywood m’enferme dans une case et que je perde ainsi ma liberté artistique. J’aurais pu être condamné à composer toujours la même musique. J’ai alors fait un choix : je suis retourné en Europe et je ne le regrette pas.

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« La Grande Bouffe » (1973), « Les Galettes de Pont-Aven » (1975), « Buffet Froid » (1979),… Était-ce le reflet d’une époque ou les films scandaleux vous plaisaient ?

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C’était un plaisir incroyable de travailler avec des réalisateurs comme Marco Ferreri et Bertrand Blier. J’étais présent à la projection de « La Grande Bouffe » lors du Festival de Cannes. Certains spectateurs nous applaudissaient alors que d’autres nous ont littéralement secoués. Tout ce scandale m’a juste fait rire. Tout dans « La Grande Bouffe » m’a d’ailleurs amusé. Je ne voyais pas de mal dans le film. La personnalité de Marco Ferreri était si incroyable qu’elle dépassait le cadre du travail. J’ai adoré l’accompagner.

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« La Guerre du Feu » (1981) vous a-t-il demandé de devenir un préhistorien de la composition ?

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Merci pour le compliment mais à l’exception de la flûte de pan, qui rappelle un son primitif, la musique du film se compose d’un ensemble d’instruments de musique modernes et de chœur. Tout ce mélange de sons archaïques et de musique plus contemporaine a plu à Jean-Jacques Annaud.

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Votre musique est-elle avant tout présente pour faire rêver et faire voyager ?

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Tout à fait. J’aime emmener le spectateur autre part. Cela peut être un véritable voyage comme avec « Fort Saganne » (1984) ou « Pirates » (1986) mais cela peut être aussi un voyage psychologique comme avec « Les Choses de la Vie ».   

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Avez-vous eu des difficultés à sélectionner les musiques pour la sortie de votre coffret ?

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J’ai choisi les titres les plus emblématiques. Mon épouse, Clotilde, a été d’une grande aide pendant ces deux ans de travail. La pandémie a retardé la sortie mais nous avons tout de même réussi à terminer ce coffret qui est sorti chez BMG.

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Avez-vous une composition préférée ?

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J’ai une grande affection pour les compositions de films peu connus. La musique du « Sucre » (1978) est une de mes préférées. Ce fut un vrai plaisir de travailler avec le cinéaste Jacques Rouffio et des acteurs comme Jean Carmet et Gérard Depardieu.

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Photo de couverture : © Brieuc CUDENNEC

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