Le titre du Tome 56 dit tout – Alors ça y est ? c’est la fin des aventures du groom rouquin ? La couverture ne rassure pas non plus… Après 75 ans de péripéties, le célèbre Spirou, imaginé par Jean Dupuis et Rob-Vel, semble promis à un destin tragique. Cependant, il y a de l’espoir dans cet album imaginé par Benjamin Abitan et Sophie Guerrive : La Mort peut également être synonyme de Renaissance.

Pour son centenaire, les éditions Dupuis surprennent. A tel point que certains lecteurs prétendent sur Internet que, bien qu’acheté, ils n’osent ouvrir leur album. Spirou ne peut dire son dernier mot. Dessiné sous le trait de dessinateurs tels que Jijé, Franquin, Fournier, Janry, Munuera, Bravo, l’aventurier de bande dessinée a toujours su rebondir.

« La Mort de Spirou » est un album qui traite de nombreux d’aspects où les clins d’œil au passé et l’innovation se côtoient. Fantasio, Spip, Seccotine ou encore le Comte de Champignac sont présents (même Gaston Lagaffe est mentionné!).

Olivier Schwartz, déjà habitué à faire voyager Spirou dans le temps, est le dessinateur de ce nouvel opus (funèbre?). Entretien.

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En tant que lecteur et dessinateur, quelle est votre relation avec le personnage Spirou ?

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C’est toujours un plaisir. Reprendre les aventures de Spirou est quelque chose de spécial avec ses propres règles. Nous sommes de nombreux dessinateurs et dessinatrices à avoir réalisé l’exercice mais tout le monde ne souhaite pas redessiner des personnages inventés par d’autres ou même s’attaquer à des personnages aussi iconiques…

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Au-delà de l’influence de la ligne claire (avec notamment Hergé et Yves Chaland), votre Spirou a-t-il également un côté Comic Book ?

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Je suis ravi que vous ayez pu voir cela car lorsqu’on me cite Chaland, Hergé ou Franquin comme mes influences principales, on oublie mes premières amours. Jeune, mon dessinateur préféré était l’Américain Jack Kirby. J’ai même une lettre de demande d’emploi aux éditions Lug!  Je n’ai pu« rencontrer » Hergé ou Franquin qu’à l’âge de 10 ans. Les albums étaient trop chers . Les comics étaient bien plus abordables!

L’influence des BD américaines reste pour moi très importante dans mon travail.

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Après avoir travaillé avec le scénariste Yann, vous avez réalisé ce nouvel album avec Benjamin Abitan et Sophie Guerrive. Quelles furent les différences de travail ?

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Mon travail avec Yann était très classique. Il écrivait son scénario et moi je le dessinais. Parfois en amont j’apportais mes envies, quelques idées générales mais les taches étaient bien définies.

Avec Sophie et Benjamin, c’est différent. Je ne sais pas comment ils travaillent ensemble exactement. Après la rédaction du scénario, dans ses lignes générales, je sais juste qu’ils se répartissaient les planches pour les découper. Je suis moi-même intervenu car certaines propositions n’étaient pas évidentes à dessiner. Je voulais également apporter de la vivacité et de l’action dans le récit. J’ai même apporté des dialogues. J’ai mis beaucoup de moi dans « La Mort de Spirou ».

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Pour les 100 ans des éditions Dupuis et les 75 ans de Spirou, vous frappez fort avec le titre et cet uniforme de groom abandonné au fond de la mer. Comment est venue une telle accroche ?

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Étant un passionné de comic books, Stéphane Beaujean, le directeur éditorial de Dupuis, voulait du renouveau pour Spirou comme ce fut le cas avec « La Mort de Superman » (1992-1993). Notre album est un clin d’œil à DC Comics.

Je me alors souvenu de la couverture de « La Mort de Superman ». La cape déchirée du super héros y flottait au vent dans un décor de ruines urbaines. Cette fois le costume déchiré de Spirou flotte entre deux eaux profondes.

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Avez-vous voulu casser le jouet-icône Spirou ?

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Au début de la bande-dessinée, le directeur de Dupuis s’énerve et casse une petite sculpture de Spirou. Le dessin des mille morceaux au sol correspondait parfaitement au titre de l’album. Une façon de montrer ce qu’on pense aussi des marchands du temple…

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Après des aventures dans le passé (pendant la Seconde Guerre mondiale et au Congo belge), Spirou et Fantasio sont à présent dans un univers rétro avec ses vieilles voitures « futuristes ».

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Je ne suis pas d’accord. Dans ce Spirou, je dessine des modèles d’aujourd’hui.  C’est mon trait qui fait ancien, il épure et simplifie les formes.

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Quelles furent les références pour créer la cité sous-marine de Korallion ? Avez-vous voulu aller plus loin que ce que Franquin avait décrit dans « Spirou et les hommes bulles » (1964) ?

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Dans cet album, Franquin avait dessiné des demi-sphères transparentes sans aucune structure. Je me voyais mal reprendre de telles illustrations, elles étaient peu décrites et peu pratiques. J’ai juste gardé le côté bulle tout en apportant des architectures qu’on aurait pu voir chez Edgar P. Jacobs.

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En plus des jeunes Spirou et Fantasio, vous dessinez également un comte de Champignac en forme. Est-ce une façon de mieux s’approprier les personnages ?

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En tout cas, je veux les garder comme ils sont. De tels personnages ne peuvent vieillir. Même l’écureuil Spip, né en 1938, n’aurait pas même vivre jusqu’à l’album du « Repère de la Murène » (1957). Les multiples dessinateurs de Spirou et Fantasio ont triché sur l’espérance de vie. J’ai par conséquent décidé de tricher également. Qui souhaiterait voir le comte de Champignac dans un EPHAD ?

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Votre histoire avec Spirou est-elle vraiment terminée ?

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Il y aura un second album. Ensuite nous verrons.

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