En Alsace, vous devez orienter votre regard vers le haut pour voir l’exception régionale : les cigognes. Depuis 2018, vous pouvez également observer ces fameux échassiers sur les murs de Strasbourg. Passionné du pixel art, Stork est devenu street artist avec l’ambition de coller ses cigognes partout où il passe. Elles ont même envahi Paris : Dans certains arrondissements, les Stork reliées entre elles forment sur la carte une grande cigogne. Les figures au long bec s’imposent pour notre plus grand plaisir.

Collées dans la rue, parfois accompagnées de personnages chers à la pop culture, les cigognes ont beaucoup à dire sur Stork, artiste anonyme.

Entretien.

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Entre vous et Strasbourg c’est une histoire d’amour (strasbourgeois adoptif- parisien d’origine) ?

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Je ne me suis pas lancé dans le street art parce que je vivais à Strasbourg mais évidemment la ville a influencé mon choix de la cigogne.

Je suis devenu street artist un peu par hasard en accompagnant mon neveu dans les rues pour trouver avec l’application Flashinvaders les space invaders. J’ai beaucoup aimé le style pixel et j’ai donc décidé de me lancer comme défi de réaliser une œuvre en calquant ce que faisait Invader. Evidemment, l’aspect copycat ne m’a pas plu et j’ai ensuite trouvé mon propre univers créatif. La ville de Strasbourg et l’Alsace ont bien entendu joué dans le processus. Si j’étais resté à Paris, j’aurais certainement choisi une autre figure que la cigogne.

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L’idée de la cigogne est-elle venue tout de suite ?

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Oui. J’ai d’abord pensé à une tête de cigogne puis je l’ai imaginée en train de voler. J’aime la première mais c’est cette deuxième figure qui représente davantage mon identité artistique.

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Invader est-il un « mentor » de votre street art ?

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Oui car il m’a inspiré. Invader a lancé une école du pixel art et j’aime sa créativité. D’autres artistes comme MiFamosa ou Zigom.art se sont également lancés et ont, eux aussi, trouvé leur propre style.

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En prenant le nom de Stork, avez-vous d’emblée voulu être un artiste international ?

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Pas du tout. Je trouvais que le mot de cigogne ne sonnait pas bien. J’aurais pu choisir le mot alsacien (Storich) mais j’ai préféré le mot anglais, Stork.

De plus, lorsque j’étais au collège, je dessinais des tags sur mes cahiers. Ma signature était TOK. En prenant comme nom d’artiste Stork, j’ai eu l’impression de revenir aux sources.

Je pensais au départ ne faire que 2 ou 3 figures. Aujourd’hui, j’en ai réalisé plus de 400 et j’ai fait des partenariats avec des écoles. Je ne m’attendais pas à ce que Stork ait autant d’avenir.

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Le street art est-il devenu une « drogue » ?

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Je continue à le faire car cela m’amuse. Je pense que si j’arrête subitement, cela va beaucoup me manquer. J’aime réfléchir aux futurs collages.
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Les premières figures sont simples. Une face blanche, des yeux noirs, un bec rouge. Quelle fut l’évolution ?

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J’ai commencé par des petits modèles et en tant que débutant, j’ai d’abord voulu comprendre comment on pouvait coller dans la rue. Mes premières créations ne sont pas bien collées, elles débordes souvent… Vous comprenez rapidement qu’il ne faut pas mettre trop de colle…

Avec l’expérience, vous avez envie de faire mieux et plus. J’ai alors réalisé des collages plus grands en pleine nuit. J’aime les défis et l’adrénaline.

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Vous avez installé la première cigogne durant la finale de la Coupe du monde de football (15 juillet 2018) et vous avez rendu hommage au Racing Club de Strasbourg Alsace et à Maradona. Etes-vous un passionné du ballon ?

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Je suis en effet un passionné de sports. J’ai également collé une cigogne avec une balle de tennis sur le bâtiment d’un club.

Concernant le jour de la finale : Comme je craignais d’être arrêté par la police, j’ai choisi ce moment où tout le monde était devant la télévision, pour coller tranquillement. J’ai fait le collage avec un ami.

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Y’a-t-il toujours la peur de coller et d’être arrêté par la police ? 

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Beaucoup moins qu’au début mais il y a toujours de la crainte. Je pose quasiment toujours tout seul. J’ai un métier différent et plus « sérieux ». Par conséquent, je n’ai pas l’archétype du street artist de base. Il m’arrive de coller avec mon père de plus de 70 ans. Nous passons assez inaperçus.

Il m’est arrivé d’être arrêté par la police. Je ne panique jamais – je m’explique et cela marche.

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Hommages, clins d’œil aux noms de rues,… Les cigognes en font-elles qu’à leur tête ou y’a-t-il une envie de s’étonner soi-même ?

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C’est souvent de l’improvisation. J’ai tout de même voulu rendre hommage aux peintres. J’ai repris des œuvres qui m’ont marqué. Je suis également de la génération du Club Dorothée. Par conséquent, je m’amuse à rendre hommage aux dessins animés de mon enfance.

J’aime les références mais j’aime également rester dans le classique. Je m’amuse parfois avec le nom des rues.

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La cigogne est-elle devenue elle-même une figure qui monte dans le milieu du street art ?

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A l’échelle de Strasbourg, je commence à être connu. J’ai collé à peu près partout et le milieu des street artistes strasbourgeois est relativement petit. Paris est bien plus grand mais ce qui m’a amusé c’est que j’ai déjà été interviewé par France Bleu Paris et non par France Bleu Alsace.

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Voyez-vous les vraies cigognes de façon différente à présent ?

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Oui je les repère tout de suite. Je suis arrivé à Strasbourg en 2007. J’ai tout de suite voulu voir des cigognes. Il m’arrive de circuler en Alsace – entre Colmar et Mulhouse. Je vois les cigognes le long des routes.
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Vous dites ne pas faire de politique. Représenter une cigogne avec un drapeau ukrainien déchiré. Est-ce une exception ou un collage qui s’est réalisé à cause de l’émotion ?

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Il y a deux collages sur l’Ukraine. Le premier s’est fait avec l’émotion. Ce fut le jour de l’invasion russe [le 24 février 2022]. Il fallait que je le fasse. Le second, est plus dans l’espoir car il est sur l’avenue de la Paix, que l’on ne peut que souhaiter. Ce n’est vraiment pas de la politique – j’avais juste envie de le faire.

J’avais le même sentiment après l’attentat au Marché de Noël de Strasbourg [11 décembre 2018]. J’ai réalisé le collage en pleine journée à visage découvert. Il s’agissait d’une cigogne qui pleurait.

Cependant, je veux rester dans l’art enfantin, naïf. Les enfants sont d’ailleurs les premiers à repérer les cigognes dans les rues.

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Strasbourg est connu pour sa météo froide pendant l’hiver. Est-ce difficile de coller avec des températures négatives ?

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A part deux mois où le froid est assez persistant, je pose mes cigognes toute l’année à Strasbourg. J’ai réussi à coller par 5 degrés. La colle chimique tient bon. Mes cigognes ne sont pas grandes donc il n’y a pas de réels soucis.

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Les grandes cigognes à Paris – c’était un grand défi ?

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J’ai réalisé en effet 5 grandes figures que l’on pouvait repérer sur google map. Chaque point étant une cigogne collée dans la rue. Le projet s’est arrêté pendant la pandémie.
Etant originaire du 13ème arrondissement de Paris, j’ai tenu à coller de nombreuses cigognes là-bas. Durant ma jeunesse, le quartier n’était absolument pas le repère de street art qu’il est devenu.  

Lorsque je viens à présent à Paris, je fais des collages plus simples.

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Est-ce les cigognes qui vous suivent en voyage ou ce sont les cigognes (oiseaux migrateurs) qui vous font voyager ?

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Les cigognes me suivent. Lors de mon voyage professionnel en Azerbaïdjan, j’ai tenu à coller une cigogne là-bas. Je ne vous cache pas cependant que j’ai eu peur d’être arrêté. Finalement, j’ai apprécié cette nuit-là.

Je vais partir dans le Sud de la France cet été. Les cigognes vont me suivre.

Ce qui est amusant c’est lorsque des Alsaciens visitent une autre région et trouvent par hasard une de mes cigognes. J’ai reçu notamment des messages avec des photos de Clermont Ferrand ou de Montpellier.

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Quels sont vos projets ?

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J’organise actuellement des ateliers avec des jeunes en 3ème et en Segpa. J’ai profité pour faire davantage de collages à Colmar. J’aimerais d’ailleurs ajouter plus de cigognes dans l’Alsace profonde. Il faut juste du temps… J’ai également collé en Allemagne – à Trèves mais jamais à Kehl qui est pourtant à 5 kilomètres de Strasbourg.

J’aimerais également réaliser un concept de chasse aux trésors pour les enfants. Rechercher les cigognes pourrait être un excellent moyen de découvrir une ville.

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