Les dessins animés des années 80-90 ont bercé notre enfance. Nous nous en souvenons avec une certaine nostalgie tout en ignorant parfois que beaucoup étaient une production française. Les dessinateurs ont contribué à rendre les histoires inoubliables. « Prince Vaillant », « Moi, Renart », « Molierissmo » ou encore « Clémentine » sont des séries animés dans lesquelles Philippe Mignon a participé en tant que dessinateur model sheet. Nous avions réalisé un entretien auprès de l’artiste sur son actualité artistique (le beau livre pop-up ‘Le jardin secret du dernier comte de Bountry‘). Nous souhaitons cette fois-ci en savoir plus sur son expérience dans l’animation.

Entretien.

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Le dessin animé est-il avant tout un travail de groupe ou y’a-t-il tout de même des moments où le dessinateur est seul devant sa table de travail ?

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Le dessin animé est un travail de groupe, c’est certain, mais je travaillais le plus souvent seul chez moi, à partir des croquis des personnages principaux qui m’étaient fournis qu’il me fallait “cleaner“ et représenter de face, de dos, de profil et de ¾ avec parfois quelques dessins plus en mouvement. Je faisais ensuite une version en pied avec éventuellement les différents costumes (à nouveau de face, de dos, de profil et de ¾). L’important était qu’ils soient suffisamment architecturés pour que les animateurs puissent s’en servir. Quelque fois et de plus en plus souvent, je créais de toutes pièces les personnages secondaires.

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Comment se sont passés vos débuts dans l’animation ?

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J’ai commencé très vite, la demande de nouveaux personnages étant pressante et le rythme de réalisation des épisodes très rapide.
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En quoi consiste principalement le model sheet ?

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Il faut avant tout bien définir les caractères et la construction des personnages pour simplifier le travail des animateurs. Il est important que chacun ait des caractéristiques immédiatement identifiables et qui les différencient des autres.

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Malgré le rythme effréné, le dessinateur peut-il apporter un aspect personnel dans le dessin animé ?

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Ce que l’on peut apporter de personnel est souvent gommé par la suite, les animateurs pris par le temps ayant souvent tendance à simplifier le trait. Pour « Prince Vaillant », on m’a demandé d’aller aux Etats-Unis afin d’apporter la touche française. Pour cela, j’avais apporté avec moi beaucoup de documentation sur l’architecture médiévale, les armes et les costumes. Je voulais bien différencier les personnages. Cependant, j’ai très vite compris que les Américains voulaient des canons de beauté typiques du cinéma hollywoodien ; Le personnage principal devait ressembler à Tom Cruise et les femmes devaient être blondes avec un petit nez.

C’est la loi du genre et il ne faut pas s’attendre à retrouver sa “patte“ dans le résultat final – toujours un peu décevant. Je parle uniquement des séries télévisées qui sont produites à la chaîne.

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Quels sont vos souvenirs sur la série animée « Moi Renart » (1986) ?

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Les souvenirs sont bien lointain à présent. Je me souviens d’avoir dessiné quantité de personnages à un rythme soutenu, tout en travaillant sur des projets totalement différents. Sur une encyclopédie des Compagnons du Devoir et du Tour de France ou sur des classiques de la littérature chez Gallimard ou encore sur des Livres dont vous êtes le Héros (également chez Gallimard). Pour « Moi Renart », j’ai le souvenir d’avoir beaucoup regardé les illustrations de Samivel. On m’avait d’ailleurs commandé au même moment un projet d’illustration du livre « Le Renard de Morlange » d’Alain Surget. L’action se déroulait au Moyen Age. Le livre a été récompensé par le prix de la Feuille d’or de Nancy et connaît toujours de nos jours autant de succès.

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Quels sont vos souvenirs sur la série animée « Clémentine » où l’histoire se déroulait dans de nombreuses époques et mondes ?

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Pour « Clémentine », quand la production ne m’en fournissait pas, j’empruntais de la documentation en bibliothèque sur les pays où se situait l’action. Cela ne me changeait pas de ma manière de travailler pour l’édition. Même si je restais assis devant ma table de travail, j’avais l’impression de beaucoup voyager.

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Aviez-vous une préférence pour des personnages ?

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J’ai une préférence pour des personnages qui ne soient pas trop “lisses“, mais plus typés ou caricaturaux.

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Travailler sur des illustrations pour le magazine imaginaire The Parisianer demandait-il une toute autre réflexion artistique ?

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Travailler pour Le Parisianer est évidemment beaucoup plus proche du style de dessin que j’aime. Je tiens absolument dans ce cadre à garder une technique très classique à la plume et à l’aquarelle avec beaucoup de détails, très proche des dessins que j’aime faire pour moi hors commande. De ce fait, mes illustrations sont très différentes de celles de beaucoup d’autres illustrateurs et illustratrices qui ont recours à l’ordinateur.

Pour le dessin sur le street art, je me suis inspiré d’une rue du quartier des Hauts de Belleville dans le 20ème arrondissement de Paris.

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Souhaiteriez-vous retenter l’expérience animée ou vous préférez finalement l’illustration pure ?

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J’aimerais bien retravailler dans l’animation, mais à partir de mes propres dessins et projets et avec une technique et un rendu complètement différents. Des films très courts dans un esprit plutôt loufoque ou absurde. J’avais commencé à travailler un projet de série mais il a été abandonné faute de producteur…

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