« Ma mère, un jour, a voulu se balancer par la fenêtre ». Dès la première ligne, «Fragile des Bronches» (éditions Seghers), le nouveau roman de Bertrand Blier, donne le ton. Le lecteur va suivre de près les histoires de Jean-Michel âgé d’à peine 15 ans.

Récit qui « tire vers l’autobiographie, prudemment », « Fragile des Bronches » nous plonge dans l’intime. Bertrand Blier, conteur de talent, parle de lui, de son père vedette de cinéma, et de sa mère. Ce portrait de famille a des allures d’un nouveau film de Blier car, qu’on ne s’y trompe pas, ce réalisateur a un style unique. Les films « Les Valseuses », « Buffet froid », « Tenue de Soirée » ou encore plus récemment « Convoi exceptionnel » sont de véritables épopées. « Fragile des Bronches » attend son tour.

Entretien avec Bertrand Blier – artiste exceptionnel.

 

 

« Fragile des Bronches », « Les Valseuses », « Les Côtelettes », « Existe en Blanc »,… Trouver le bon titre pour un livre ou un film – c’est une véritable réflexion ?

 

 

J’ai beaucoup de titres en stock. Je les écris sur des cahiers et je les ressors de temps en temps. « Fragile des Bronches » est le titre adéquat pour le livre car dans ma jeunesse je toussais en permanence. Cela s’est finalement calmé avec la puberté.

 

 

Vous avez écrit votre premier roman « Les Valseuses » en 1972 suite à une colère. Dans quel état d’esprit étiez- vous lorsque vous commencez à rédiger « Fragile des Bronches » ?

 

 

Je me suis retrouvé assis devant une table avec une feuille blanche le premier jour du confinement [17 mars 2020]. Que ce soit le théâtre ou le cinéma, tout était stoppé. Il restait juste à écrire. J’ai noté alors : « Ma mère, un jour, a voulu se balancer par la fenêtre » puis j’ai continué l’histoire.

 

 

Dans « Fragile des Bronches », on s’engueule, on crie, on se court après,… 70 ans après les faits, est-ce une histoire qui ne s’apaise pas ?

 

 

L’histoire se déroule lorsque je quitte l’enfance pour entrer dans le monde des adultes. Ce ne fut pas en effet un passage facile.

 

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Qu’est-ce qui différencie Jean-Michel de Bertrand ?

 

 

Le moment fut délicat de savoir s’il s’agissait d’une autobiographie ou d’un roman autobiographique. Dans ce livre, il y a du vrai et de la fiction – voilà pourquoi j’ai décidé de donner un autre prénom à mon personnage.

Je laisse beaucoup de liberté aux lecteurs pour démêler le vrai du faux.

 

 

Jean-Michel est âgé de 15 ans mais a-t-il une maturité avancée ?

 

 

Il est en avance. C’est un garçon révolté – je l’étais mais en plus calme.

 

 

A nouveau dans « Fragile des Bronches », votre père, Bernard Blier, est présent (sous le nom de Raymond Céleste). Est-ce une figure qui restera toujours à vos côtés ?

 

 

bernardOui bien entendu. Il est très présent en tant que père mais aussi en tant qu’acteur. Je mélange même les 2. Il fut à la fois un très bon acteur et un bon père. Dans « Fragile des Bronches », je ne l’épargne pas mais par pudeur je ne raconte pas tout. Ma mère est également très présente. C’est un personnage qui ne dit rien mais qui tient tout de même le bâtiment en l’état.

 

 

Le nom Blier a-t-il été un nom parfois lourd à porter avec la popularité de votre père ?

 

 

J’en ai un peu souffert lorsque j’ai commencé à travailler dans le cinéma à l’âge 18 ans. Certains pensaient que j’étais un fils à papa. Ce qui était faux. J’ai progressivement trouvé ma place et les remarques ont alors disparu.

 

 

Vous mentionnez brièvement votre peur des ascenseurs – une phobie que votre père vous a transmise. La peur est-elle constante dans toutes vos œuvres ?

 

 

La peur dirige beaucoup de choses dans nos vies. Nous vivons d’ailleurs en ce moment une période politique difficile. Certaines images peuvent même faire horreur.

Que ce soit dans mes films et mes livres, les personnages ne sont jamais satisfaits de leur situation car ils sont un peu compliqués.

 

 

Vous êtes une véritable référence cinématographique. Y’a-t-il tout de même des réalisateurs et des écrivains qui continuent de vous inspirer ?

 

 

Lorsque j’écris, je ne me dis pas qu’est-ce qu’untel ferait, même, si mon cinéma est considéré comme très français, je n’ai pas de réelles références ici. Mon inspiration vient de la langue française mais aussi d’ailleurs – plutôt issue du cinéma américain et italien. L’exercice est moins facile car de nos jours, on admire moins.

Concernant la littérature, j’ai vécu dans les livres dès mon enfance. D’une manière ou d’une autre, ce bagage ressort. Alors j’écris des livres.

 

 

Est-ce vrai que vous regrettiez d’avoir choisi Gérard Depardieu pour jouer Jean-Claude ?

 

 

J’ai dû dire ça pour l’énerver. Mon père aimait beaucoup Gérard. Il ne comprenait pas que je puisse organiser un casting pour le rôle de Jean-Claude – Depardieu était libre il fallait l’engager. Certes il avait raison – Depardieu était le bon acteur.  Je voulais être libre de mes choix mais mon père a voulu s’imposer.

 

 

Dans « Fragile des Bronches », il y a Gisèle, la mère, et Nicole, la fiancée. Les personnages féminins sont forts et libres. Les hommes de votre univers cinématographique et littéraire sont omniprésents mais au bout du compte, comprennent-ils les femmes ?

 

 

Les hommes dans mes œuvres sont mous, maladroits et pas très intelligents. Dès « Les Valseuses », ils ne comprennent clairement pas les femmes. Je pense que dans mon travail, les femmes prennent le pouvoir et le gardent. Mes personnages se sont laissés progressivement envahir par les femmes. Elles ont pris le dessus ce qui est normal.

Dans « Fragile des Bronches », la mère est le personnage principal.

 

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Attentats, crise sanitaire, guerre en Europe,… Le monde d’aujourd’hui et ses malheurs vous inspirent ?

 

 

Pas du tout. On ne peut pas être inspiré. On veut juste fuir. La guerre en Ukraine n’est tout de même pas très lointaine. Je regarde beaucoup la télévision. Les images sont épouvantables.

 

 

Plusieurs de vos romans ont été adaptés au cinéma. « Fragile des Bronches » sera-t-il lui aussi adapté ?

 

 

Oui c’est prévu pour l’année prochaine. J’espère le tourner. Cela prendra du temps de trouver le gamin idéal pour jouer Jean-Michel.

Lorsque j’ai écrit « Les Valseuses », ce fut une surprise pour moi car l’exercice n’était pas facile mais je me suis rendu compte que ce que j’avais imaginé était finalement du cinéma. J’ai pu alors décider de réaliser le film.

 

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