Trolls, Sillage, Nävis, Spirou & Fantasio, Madeleine résistante,… l’univers BD de Jean-David Morvan est indiscutablement riche. Il y a du style, du travail et une imagination débordante. Dans la conception d’une bande dessinée, il y a bien entendu le dessinateur mais aussi le scénariste (!). La fonction est toute aussi passionnante… Rencontre avec JD Morvan, conteur d’images.

 

 

Scénariste d’une multitude d’albums, de nombreux tomes et d’adaptations, seriez-vous un peu boulimique de travail en bandes dessinées ?

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Je suis boulimique de tout en fait. Heureusement que pendant mon adolescence, je n’ai pas commencé à boire et à fumer d’ailleurs. Si je commence quelque chose, je vais jusqu’au bout. J’écris pour transmettre aux lecteurs et à mon dessinateur . L’écriture n’est pas mon plus grand plaisir. Ce que je veux c’est inventer.

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Vous commencez votre carrière par traiter des personnages mythiques comme le Dark Knight ou Wolverine. N’y avait -il déjà pas de limites dans la création ?

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Il n’y avait aucune ambition de faire mieux que d’autres. Je n’ai jamais voulu suivre le chemin des autres. A 16 ans, j’avais juste avec mon ami dessinateur Lorris l’envie de réaliser un projet ensemble. Nos œuvres n’étaient pas faites pour être publiées mais pour apprendre à faire de la bande dessinée. Le plaisir a été de réaliser un cross over entre un vieux Wolverine et un autre vieux super héros Batman. Il y a eu 120 pages et ce ne sera jamais publié. Lorris a décidé de tout brûler…

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Comment travaille-t-on avec un dessinateur ? Y’a-t-il débat entre vous pour la conception de l’histoire et du visuel ?

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Tout dépend des personnalités. Il n’y a pas de règle car chacun est différent. Il faut donnermomo la chance au dessinateur de dessiner ce qu’il a envie de dessiner ou le convaincre de dessiner autrement. A partir de là, nous ne pouvons que réaliser un beau projet.

Je cherche à être surpris par le dessinateur. Je travaille actuellement avec Citron qui a 25 ans. Il apporte de nouvelles idées et c’était très agréable de travailler ainsi. Lorsque je commence à regarder le story board, je ne relis pas mon scénario. Je me laisse en général emporter en devenant lecteur. J’ai notamment travaillé avec des dessinateurs qui n’avaient pas du tout l’habitude de faire de la bande dessinée franco-belge. Il a fallu que je leur apprenne les bases et eux ont gardé leur propre style.

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Vous avez travaillé notamment avec Joann Sfar. Est-il plus aisé de travailler avec quelqu’un qui a lui aussi l’habitude d’écrire ?

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Lors de notre rencontre à Saint-Malo, j’avais déjà publié 3 bandes dessinées. Joann venait d’en sortir une en petit format. Il avait prévu de rentrer à Paris avec d’autres qui faisaient des jeux de rôles. Ces derniers sont partis sans lui. Joann devait pourtant rentrer car sa petite amie était malade. Nous, Philippe Buchet et moi-même, avons pris la décision de passer par Paris pour le déposer. Lors du voyage, nous nous sommes mis à inventer des projets de bandes dessinées. Nous avons ensuite fait la série « Trolls » ensemble. Il n’y avait aucun projet d’écriture mais juste l’envie de nous amuser.

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troll

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L’adaptation (Les trois mousquetaires, Tom Sawyer, L’Ecume des jours,…) ou encore le biopic (Madeleine, Henri Cartier Bresson,…) peuvent être des exercices périlleux. Est-ce un défi d’apporter une nouvelle vision ?

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A une certaine époque, l’adaptation était assez mal vue dans le milieu de la bande dessinée. L’imagination n’est pourtant pas du tout exclue de l’exercice. Adapter c’est un vrai travail. La majorité des scénarios réalisés pour le cinéma sont d’ailleurs des adaptations.

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Vous voyagez pour découvrir les lieux de l’intrigue. C’est important de sortir du bureau pour mieux comprendre ?

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Voyager est un plaisir pour moi. Vous partez quelque part pour vous inspirer. Jamais je n’aurais pu imaginer certaines histoires sans voyager. Je fais des rencontres avec des dessinateurs notamment d’Argentine. De plus, je fais de la photographie et donc je tente de capturer des ambiances. Si je réalise un projet bande dessinée sur la Chine, je ne pense pas que je pourrais le faire sans un artiste chinois. Lorsque j’ai réalisé le projet d’adaptation « Au bord de l’eau », le dessinateur enrichissait l’histoire car il était du pays et connaissait parfaitement les coutumes. L’ambiance a par conséquent été vraiment chinoise.

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Au bord de l'eau.
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Adapter Boris Vian a été périlleux ?

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Mon père avait fait la Guerre d’Algérie. La chanson « Le déserteur » (1966) avait été interdite, par conséquent tous les soldats se sont intéressés à Boris Vian. Il y a toujours eu chez moi ses livres et depuis l’enfance j’aime ses écrits. Adapter « L’arrache cœur » fut notamment un vrai plaisir.

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La série « Sillage » est composé de 20 albums plus les chroniques et les hors séries. Est-ce difficile de faire durer un tel univers ?

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Avec le dessinateur Philippe Buchet, nous nous sommes dit qu’il fallait réaliser 30 albums donc nous allons continuer. J’aime imaginer cette jeune Nävis colérique, seule humaine dans un monde étrange et prête à aider les autres. En rencontrant Madeleine Riffaud, je me suis dit que je venais de rencontrer mon héroïne. Nävis et Madeleine sont les mêmes personnes. Cela m’aide beaucoup puisque je sais maintenant comment Nävis va vieillir.

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Nävis

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Ecrire les nouvelles aventures de Spirou c’était un rêve d’enfant ?

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Même si j’ai toujours aimé Spirou, j’ai une grande préférence pour Johan et Pirlouit. Enfant, j’étais surtout lecteur de bandes dessinées américaines comme les X-men ou Daredevil puis le manga. Je n’étais pas habitué à la ligne claire. Mes bandes dessinées sont un mélange de tous ces genres.

Mon album de Spirou préféré reste « La mauvaise tête » de Franquin (1957). Lorsque j’ai eu la chance avec José Luis Munuera d’inventer une nouvelle aventure, j’ai répondu présent.
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Avec « La ferme de l’enfant loup » (2021), vous mêlez événements historiques (la bataille du Vercors en 1944) et le mysticisme. Y’a-t-il eu des difficultés ?
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J’ai redécouvert le Vercors il y a 2 ans en allant à une séance de dédicaces à Grenoble avec le dessinateur David Evrard pour la bande dessinée « Irena ». Nous devions être au Mans lelolo lendemain. Nous avons déjà fait plusieurs étapes dans le Centre de la France lors du voyage en voiture. Nous voulions surtout voir Saint Hilaire du Touvet où il y avait le sanatorium où Madeleine Riffaud avait été soigné pendant la guerre et le Vercors.
C’est un lieu connu de tous mais finalement peu de personnes savent comment la bataille s’est déroulée et comment elle s’est terminée. Au mémorial, j’ai acheté des livres sur le sujet et cela m’a passionné. Je cherchais de toute façon à réaliser un nouvel album avec le dessinateur Facundo Percio après notre adaptation des « Croix de bois » de Dorgelès. Nous sommes retournés dans le Vercors  juste après le premier confinement de 2020. Le thème de l’enfant sauvage revient beaucoup dans mes histoires.
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Avec « La ferme de l’enfant loup », « Madeleine résistante » et votre projet avec l’ancienne déportée Ginette Kolinka, pourquoi traitez-vous autant le sujet de la Seconde Guerre mondiale?
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Je vais également réaliser une bande dessinée sur la regrettée Simone Lagrange [résistante et témoin-clé du procès Barbie] et une sur Jean Doisy, rédacteur en chef du magazine Spirou pendant la guerre.
Lorsque j’ouvre une porte, ma curiosité me pousse à en ouvrir une autre. Je souhaite raconter des histoires qui donnent l’envie aux lecteurs d’en savoir plus sur un sujet.
Madeleine Riffaud m’a même parlé de son arrière-arrière grand-père Liron qui a connu les Trois glorieuses de 1830 et le coup d’état du prince Napoléon et j’ai voulu adapter son histoire en bande dessinée.
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Comment est née la collaboration avec Madeleine Riffaud?
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J’ai vu un reportage sur elle à la télévision. Je l’avais trouvée fantastique. Naïvement, j’ai demandé son numéro de téléphone à un ami journaliste. Au bout de 15 jours, il me l’a envoyé. Lorsque j’ai téléphoné à Madeleine, elle s’est interrogée sur comment j’avais trouvé son numéro. Je lui ai raconté et Madeleine a rétorqué qu’elle était dans l’annuaire…
Au départ, mon projet bande dessinée ne lui plaisait pas plus que cela. Puis son amiCahiers-Madeleine réalisateur Jorge Amat l’a finalement convaincue. N’ayant pas pris mon numéro de téléphone, Madeleine a attendu que je la rappelle. Comme j’avais été un peu bousculé au premier appel, j’ai mis 15 jours à rappeler. Nous nous sommes ensuite mis d’accord pour nous rencontrer. Très vite, Madeleine est devenue une très bonne amie. C’est de plus, une formidable conteuse. Lorsqu’elle raconte ses souvenirs d’enfance, Madeleine redevient une petite fille. Au fil de nos conversations, ses souvenirs sont revenus à la surface. Certains étaient joyeux d’autres non. De plus, je voulais obtenir le plus de détails possibles pour que le dessinateur Dominique Bertail puisse retranscrire au mieux les évènements. Nous avons ainsi fait de très belles découvertes sur la vie de Madeleine.
J’ai toujours voulu faire parler mes héros et mes héroïnes à la première personne par conséquent c’était très agréable de l’écouter raconter ses histoires.
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Après la sortie du premier album « Madeleine résistante : La rose dégoupillée », qu’elles seront les suites?
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Nous allons réaliser en tout 3 albums sur Madeleine en tant que résistante mais nous n’allons pas nous arrêter à cela. La vie de Madeleine Riffaud est passionnante et mérite d’être racontée en bande dessinée. Nous aimerions publier 7 albums et nous nous arrêterons probablement avec la discussion entre elle et Raymond Aubrac.
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Quels sont vos projets?
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J’ai un tas de projets mais mes priorités c’est de raconter en bande dessinée l’histoire de Liron, l’ancêtre de Madeleine Riffaud, et celle de Nusch, la deuxième épouse du Paul Éluard, que Madeleine a bien connue. Madeleine et moi c’est clairement pour la vie (!).
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