Un nez rouge, le regard humide, la bouche grimaçante,… L’univers de la dessinatrice Soph’ a envahi depuis des années Internet et se retrouve même dans les papiers de Siné mensuel et du Canard enchaîné. Croquer l’actualité (brulante depuis ces dernières années!) n’est pas de tout repos. Et pourtant Soph’ trouve toujours le ton juste, le trait le plus fin, la phrase la plus mordante. Entre feuilles blanches et inspiration débordante, nous avons rencontré Soph’.
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Déjà professeure de français au collège, vous mettez en ligne en 2004 un blog humoristique. Était-ce avant tout une évasion ?
 
 
 
Suite au baccalauréat, j’ai fait une prépa aux beaux-arts de Cambrai mais n’ayant pas assez confiance en moi, j’ai abandonné et je suis allée en fac de lettres. Pendant des3 années, j’ai arrêté de dessiner. C’est revenu lorsque je suis devenue enseignante et c’est à ce moment que j’ai repris le dessin. Lorsque j’ai obtenu le CAPES, j’ai acheté un ordinateur et un scanner. Je me suis amusée à faire des histoires drôles. 
 
J’avais découvert peu de temps auparavant le blog de Frantico qui publiait une note humoristique chaque jour. C’était à la fois simple et drôle. J’ai voulu faire la même chose sur Overblog pensant que cela n’allait pas me prendre beaucoup de temps. Ce fut finalement l’inverse.
Dès le collège, j’avais l’habitude de dessiner. Sur Overblog, il y avait une rubrique humour. Avec le dessinateur Frédéric Deligne, on se bataillait gentiment les premières places du podium de la catégorie « humour » et j’ai pu avoir une belle visibilité. J’ai même obtenu un prix au festival d’Angoulême dans la rubrique « révélation blog BD ». Puis après un post sur Ségolène Royal, Rue 89 m’a contactée. Ils cherchaient un dessinateur pour leur site.
 
 
 
Emilie a-t-elle été un moteur ?
 
 
 
Je venais d’arriver dans un collège accueillant des élèves en difficultés. Cette jeune Émilie était dans ma classe et sortait de telles énormités que je me suis inspiré d’elle pour mes histoires. C’était une mascotte plus qu’un moteur.
 
 
 
Enseignante c’est toujours The plus beau métier ?
 
 
 
Cela est de plus en plus compliqué compte tenu des conditions difficiles et des faibles rémunérations.
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Regard livide, gros nez rouge, grande bouche, grandes dents,… Comment vos personnages ont évolué ?
 
 
 
Au fil des années, mon trait a gagné en maturité. Le nez rouge ne fait pas référence à l’alcool mais au clown. Grande lectrice ado de Fluide glacial, certains de ses56 dessinateurs m’ont influencée ( Binet, Edika, Gotlib …). Plus tard, ce furent Trondheim, Libon et d’autres. J’ai mélangé tout cela. J’ai adapté mon style avec ce que je ne savais pas faire. Je ne peux pas scénariser sans dessiner et je ne peux faire de dessin sans texte.
 
Il m’arrive de passer des heures et des heures à trouver le trait juste pour une personnalité. Ce fut le cas pour Éric Zemmour ou François de Rugy. Emmanuel Macron , Marine Le Pen, Olivier Véran ou Jean Castex m’ont demandé moins de recherches.
 
 
 
Vos personnages ressemblent à des canards sauvages. Nous avons envie de les plaindre. Sont-ils le reflet de notre époque ?
 
 
 
Ce rire désabusé reflète finalement ma vision du monde. Mes personnages sont de vrais losers. J’ai une affection particulière pour Didier.
 
 
 
Vous travaillez pour Siné mensuel et Le Canard enchaîné. Deux salles deux ambiances ?
 
 
 
Siné est plus dans l’irrévérence et l’insolence. Je ne propose donc pas forcément les mêmes choses selon le média. De plus, Siné est un mensuel donc il faut trouver le dessin qui traite d’un sujet qui sera valable tout le mois.
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Depuis plusieurs années, être caricaturiste est devenu dangereux. A-t-on conscience d’être menacé ?
 
 
 
Même si ce n’est pas courageux, j’évite la provocation gratuite. Il m’est même arrivé de m’auto-censurer notamment sur des dessins relatifs à l’islamisme.
Les réseaux sociaux ont partagé certains dessins des centaines des milliers de fois Parfois, un dessin peut être mal compris et une polémique se déclenche rapidement.
 
 
 
La pandémie a-t-elle été une véritable source d’inspiration ou est-ce un gag qui a duré trop longtemps ?
 
 
 
Ce moment de non-vie sociale est pesant pour tout le monde. J’ai pu faire de bons gags sur le sujet mais en effet vivement que tout cela s’arrête.
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Quel est votre rythme en tant que dessinatrice?
 
 
 
En plus d’être professeure, je dessine. Donc chaque samedi, je me lève tôt pour éplucher l’actu et trouver la bonne idée de gag. Je continue le dimanche. Parfois, je me dis que l’inspiration n’arrivera pas puis finalement je trouve. C’est un vrai boulot. Il faut toujours être connecté à l’actualité. Je lis même les discussions sur les forums. Rien n’est anecdotique. Je travaille en plus pour Mazette, magazine de BD numérique. Du coup, je n’arrête jamais vraiment.
 
 
 
Quels sont vos projets ?
 
 
 
Partir en vélo, aller à la piscine et j’espère que ma route en tant que dessinatrice sera la plus longue possible.
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