Le 11 septembre 2001 est une date qui résonne encore dans nos mémoires. 20 ans plus tard, un grand nombre d’entre nous se souvient en effet de l’instant précis où nous avons appris que les Etats-Unis étaient attaqués sur leur propre sol.
20 ans plus tard, la lutte contre le terrorisme islamiste continue dans le monde entier. L’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie mais également à Madrid, à Londres ou encore à Paris, la violence n’a pas connu de frontières.
20 ans plus tard, il est temps de se pencher sur ce terrible conflit du XXIe siècle.
Le 11 septembre 2001, le World Trade Center et le Pentagone sont la cible d’attaques terroristes. Il s’agit des attentats les plus meurtriers de l’histoire. En quoi, à partir de cette époque, al-Qaida a-t-il été perçu comme “un ennemi vital” ?
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Les attentats du 11 septembre 2001 ont fait près de 3000 morts et constituent effectivement l’acte de terrorisme le plus meurtrier de l’histoire. Il s’agit d’un saut quantitatif mais aussi qualitatif : jusqu’alors, on n’imaginait pas qu’un acteur non-étatique puisse commettre des dégâts de cette ampleur, habituellement réservés à des acteurs étatiques disposant de moyens militaires. Al-Qaïda a su innover en transformant des avions de ligne en missiles de croisière.
En outre, ces attentats ont constitué une surprise stratégique et ont ouvert le champ des possibles. A partir du 11-Septembre, aucun scénario n’était plus impossible. On s’est mis à imaginer et à anticiper la possible occurrence d’attaques encore plus léthales, par exemple contre des centrales nucléaires. Bref, dès lors, le terrorisme a été perçu comme une menace existentielle.
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Les premiers mois de la guerre d’Afghanistan et la chute des Talibans marquent-ils une défaite des combattants djihadistes ?
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Avant de mentionner la guerre en Afghanistan qui a débuté en 2001, il faut évoquer le djihad qui a eu lieu dans le même pays dans les années 1980 après son invasion par l’Union soviétique en 1979. Des milliers de combattants – dont Oussama Ben Laden – affluèrent du monde arabe pour soutenir les moudjahidines afghans qui réussirent à infliger des pertes importantes à l’armée rouge. Cette dernière se retira en 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Ben Laden était persuadé que les djihadistes avaient joué un grand rôle dans l’effondrement du bloc communiste. Et il pensait, une décennie plus tard, être capable de précipiter l’Empire américain à sa perte. Les premiers mois de la guerre en Afghanistan, à partir d’octobre 2001, lui ont infligé un démenti cinglant. Le régime des Talibans a été balayé en quelques semaines et les camps d’entraînement d’al-Qaïda ont été détruits. L’organisation djihadiste a perdu son sanctuaire et ses principaux chefs ont dû vivre, par la suite, dans la clandestinité avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
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Quelle a été la place des femmes dans le djihadisme depuis le début des années 2000 ?
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Dans la première décennie des années 2000, quelques figures féminines se sont fait connaître dans la mouvance djihadiste, comme Malika el-Aroud. Cette dernière a acquis sa notoriété à un double titre : d’une part comme épouse de djihadistes célèbres (Abdessatar Dahmane – un des assassins du commandant Massoud –, puis Moez Garsallaoui qui a contribué à la formation de Mohamed Merah) et, d’autre part, comme propagandiste d’al-Qaïda sur Internet. Une autre femme qui a défrayé la chronique au milieu des années 2000 est Muriel Degauque, une Belge convertie à l’islam qui s’est fait exploser en Irak. Avec l’émergence de Daech, le djihadisme féminin a pris une tout autre ampleur. L’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi comptait sur les femmes pour participer à son projet de constitution d’un Etat islamique. Leur rôle était essentiellement de faire des enfants et d’assurer les tâches ménagères pour les hommes. Certaines d’entre elles participaient aussi à la propagande sur Internet et à la police des mœurs. Ce n’est que tardivement, alors que le territoire de Daech se réduisait fortement sous les coups de boutoirs de ses adversaires, que les femmes ont été autorisées à prendre part aux combats.
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Saoudiens, Tchétchènes, Égyptiens, Européens voire Américains. Quels sont les profils des combattants au service des groupes terroristes ?
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Plus de 40 000 étrangers ont rejoint des groupes djihadistes en zone syro-irakienne au cours de la décennie écoulée. Cela en fait de loin le djihad le plus important de l’époque contemporaine. Les pays les plus représentés sont la Tunisie, l’Arabie saoudite, la Jordanie mais aussi la Russie (Caucase). 5 à 6000 Européens se sont rendus cette zone. Parmi eux, les Français constituent le contingent le plus important en valeur absolue et les Belges en valeur relative (par rapport à la population du pays).
En 2018, j’avais publié une étude sur le profil des personnes condamnées pour des faits de terrorisme en France. Quelques tendances se dégageaient : niveau d’éducation faible, mauvaise intégration sur le marché de l’emploi, passé délinquant, etc.
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En quoi la guerre en Irak débutée en 2003 a-t-elle permis de renforcer les différents groupes terroristes djihadistes ?
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La guerre de 2003 a été déclenchée par l’administration Bush pour des motifs fallacieux : la prétendue existence d’armes de destruction massive en Irak et de supposés liens entre le régime de Saddam Hussein et al-Qaïda. Après le renversement du régime, les Etats-Unis ont pris la décision de « débaasifier » l’Irak et de démanteler son appareil sécuritaire. Le résultat a été catastrophique : d’anciens membres des forces de sécurité ont rejoint l’insurrection et des djihadistes du monde entier ont afflué pour lutter contre les Américains. La première « filiale » d’al-Qaïda a été créée en Irak en 2004. Son émir, Abou Moussab al-Zarqaoui s’est attaqué non seulement aux Occidentaux mais aussi aux chiites. Le pays a sombré dans la guerre civile.
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Face au djihadisme, la contre-insurrection a-t-elle porté ses fruits ?
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Au milieu des années 2000, pour tenter de stabiliser l’Irak, l’armée américaine a adopté une nouvelle doctrine de contre-insurrection, portée notamment par le général Petraeus. Cette stratégie consiste à protéger les populations pour les séparer des insurgés, leur permettre de reprendre une vie normale et, ainsi, « gagner les cœurs et les esprits ». Elle suppose un déploiement massif de troupes au sol pour atteindre un ratio d’environ 20 « contre-insurgés » pour 1000 habitants. Un tel dispositif coûte cher. En outre, les troupes sont exposées aux attaques surprises des insurgés, ce qui se traduit, dans un premier temps, par une hausse des pertes. En Irak, la stratégie de contre-insurrection a plutôt bien fonctionné – grâce aussi au retournement de certaines tribus sunnites alliées à al-Qaïda. Mais elle a demandé un effort considérable aux Etats-Unis et Barack Obama a décidé de retirer les troupes américaines en 2011.
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La mort d’Oussama Ben Laden en 2011 a-t-elle été un coup dur pour al-Qaïda ou s’agissait-il d’un « émir » en retrait ?
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Oussama Ben Laden était l’ennemi public numéro 1 des Etats-Unis. Sa traque a duré 10 ans et son élimination a été un succès majeur du contre-terrorisme. Cela étant, al-Qaïda en 2011 n’avait plus grand-chose à voir avec al-Qaïda en 2001. Après la perte de son sanctuaire afghan, l’organisation a misé sur une stratégie de décentralisation pour survivre puis remonter en puissance. Cette décentralisation a pris deux formes : l’ouverture de filiales dans différentes régions du monde et l’investissement dans la propagande sur Internet pour susciter du « terrorisme d’inspiration ». Autrement dit, l’organisation a perdu en verticalité et Oussama Ben Laden n’exerçait plus le même rôle opérationnel qu’une décennie plus tôt. Il se savait traqué et ne pouvait pas communiquer facilement. Certains experts estimaient alors que l’émir d’al-Qaïda n’avait plus qu’un rôle symbolique, mais les documents retrouvés dans sa cache d’Abbottabad ont montré qu’il conservait tout de même un pouvoir relatif.
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George W. Bush, Barack Obama, Donald Trump, aujourd’hui Joe Biden. Les présidents américains se sont succédé alors que la menace islamiste perdure. Ont-ils tout de même infligé de sérieuses défaites aux terroristes ?
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Le contre-terrorisme s’est révélé relativement efficace dans trois domaines. Le premier est la neutralisation de cadres, que ce soit par des arrestations ou des éliminations ciblées. Le deuxième est la destruction de sanctuaires d’où pourraient être planifiés des attentats à l’étranger. Le troisième est le déploiement de différents moyens d’entrave – pas uniquement militaires – qui ont permis de prévenir l’occurrence de nombreux attentats. Pourtant, en dépit des coups durs qu’ils subissent, les djihadistes font preuve d’une capacité d’adaptation remarquable et se montrent résilients. Un de leurs points forts réside dans leur capacité, dans certains pays en proie à la mauvaise gouvernance et à la polarisation sociale, à s’attirer la sympathie de populations réclamant davantage de justice et d’équité.
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Daech reste-il une menace d’envergure en zone syro-irakienne et ailleurs ?
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Dans un rapport publié début 2021, l’ONU estime que Daech conserve environ 10 000 « combattants actifs » en zone syro-irakienne qui opèrent de façon clandestine. Ce rapport précise que ces combattants se trouvent surtout en Irak mais que « les forces de sécurité de ce pays exercent sur eux une pression telle qu’ils ont plus de mal à y mener des opérations qu’en République arabe syrienne ». Cela n’empêche pas la survenue occasionnelle d’attaques très meurtrières en Irak, comme à la mi-juillet 2021, lorsqu’un attentat-suicide a provoqué la mort de près de quarante personnes à Sadr City. En outre, Daech dispose de ramifications dans d’autres pays. Aujourd’hui, le centre de gravité du djihadisme semble se déplacer vers l’Afrique.
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Le retrait américain en Afghanistan est-il selon vous une défaite ou un repli ?
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Lorsqu’ils se sont engagés en Afghanistan en 2001, les Américains avaient un double objectif : éliminer al-Qaïda, mais aussi renverser le régime des Talibans pour ouvrir la voie à une démocratisation du pays. Force est de constater que si les capacités d’al-Qaïda ont été dégradées, l’organisation existe toujours. Quant aux Talibans, ils contrôlent une grande partie de l’Afghanistan. De ce point de vue, l’échec des Etats-Unis et de leurs alliés est évident.
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Cette guerre de vingt ans peut-elle connaître un jour une fin ?
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Le livre que nous avons écrit avec Elie Tenenbaum s’appelle La Guerre de vingt ans parce que nous pensons que le cycle stratégique de la guerre globale contre le terrorisme – qui s’est ouvert avec les attentats du 11-Septembre – est en passe de prendre fin. Le retrait des troupes américaines d’Afghanistan illustre la volonté de tourner la page de la global war on terror pour se concentrer sur d’autres défis comme la montée en puissance de la Chine. Toutefois, la menace est toujours présente. La nécessité de poursuivre la lutte est claire, mais il ne sera plus question de déployer des contingents importants comme en 2001 en Afghanistan ou en 2003 en Irak. L’accent sera mis sur une approche plus légère avec du renseignement, des drones et des forces spéciales. Deux décennies après l’effondrement des tours du World Trade Center, le combat continue…
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