Il y a 150 ans, la Commune de Paris s’achevait dans le sang. Cet événement historique du XIXème siècle n’a pourtant toujours pas fini de susciter études, débats et autres revendications politiques. Les mouvements sociaux font en effet encore référence aux soulèvements de 1870-1871 avec le souhait de “faire commune” à nouveau.
Entretien avec Quentin Deluermoz, Maître de conférence à l’Université Paris 13 et auteur du livre “Commune(s) 1870-1871 : Une traversée des mondes au XIXème siècle”.

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Votre titre interpelle avec l’ajout d’un S à Commune. En quoi cet événement est-il multiple ?

 

 

Le « S » est plus exactement entre parenthèses, afin de faire ressentir une tension. Car l’événement d’une part, est multiple : à l’intérieur il y a plusieurs projets communards dans la Commune elle-même ; à l’extérieur il y a eu des Communes en Province. Sans oublier la résonance de l’événement, exceptionnelle, dans toute l’Europe et même aux États-Unis et en Amérique latine, qui recomposent aussi plusieurs idées de « Commune ».

L’argument du livre c’est que cette multiplicité permet, ensuite, de comprendre la particularité de l’expérience communale à Paris et le fait qu’elle a créé un véritable « moment Commune », au singulier, qui fait sens jusqu’à aujourd’hui.

 

 

Le 18 mars 1871, suite à la défaite française, au terrible siège de Paris et la tentative de la prise des canons de la Butte Montmartre, l’insurrection parisienne se déclenche. Les insurgés proclament alors la République universelle. La Commune ne pouvait-elle être que de gauche ?

 

 

L’insurrection républicaine et socialiste de mars 1871 s’oppose à une chambre monarchiste et conservatrice. Le clivage oppose donc bien la droite et la gauche.

Ceci dit, il faut bien rappeler que dans l’événement lui-même, on observe une grande pluralité de positions.PP3 Vive la Commune Son caractère également patriotique explique qu’il ait pu y avoir par la suite, comme l’a montré E. Fournier, une appropriation nationaliste de la Commune : un nationalisme républicain avec le boulangisme durant la IIIème République. Et plus récemment un ultra-nationalisme contemporain. Ce dernier est davantage de l’ordre de la provocation que d’un héritage clairement assumé.

Mais la Commune, avec sa volonté d’émancipation, d’égalité sociale et d’affranchissement des servitudes, est bien un événement avant tout ancré à gauche et réapproprié par une mémoire de « gauche » fut-elle plurielle (marxiste, anarchiste, socialiste, fédéraliste, républicaine etc.).

 

 

Dès les premières semaines, les mesures progressistes sont mises en place : Séparation de l’Église et de l’État, école laïque gratuite et obligatoire, suppression du travail de nuit pour les boulangers, dans les rues de Paris, on s’interpelle en tant que citoyen-citoyenne, le calendrier républicain est même rétabli,… La Commune a-t-elle le but de rétablir l’essence même de la Révolution française ou va-t-elle plus loin ?

 

 

Le XIXème siècle est le siècle du progrès. Dès la Révolution française, le rapport au temps change (les historiens parlent de « régime d’historicité »). Le lien entre le passé, le présent et le futur se dissocie : les contemporains ont l’impression que l’avenir s’ouvre en grand, vers un avenir de progrès, ce qui génère aussi des inquiétudes. Nous vivons de nos jours une inflexion significative de ce régime d’historicité.

La Commune est donc progressiste car elle propose une forme de progrès alternative à celle représentée à Versailles. Chacun des deux groupes s’accuse d’ailleurs mutuellement d’anachronisme. Pour les communards, Versailles représente un groupe de monarchistes, de Catholiques et de conservateurs élus par le monde rural. Alors que la Commune incarnerait l’avenir, la République, l’émancipation, l’éducation, les Lumières, la fin de la misère et la justice sociale. Versailles de son côté se voit elle aussi du côté du Progrès, un progrès d’ordre, de mesure, de régularité opposée à ce qui est présenté comme l’anarchie communarde. La Commune provoque ainsi une réelle opposition entre deux visions du Progrès. On parle de « discordance des temps. »

Pour en venir au deuxième élément de votre question, les révolutions sont en effet liées aussi entre elles. Toutes les révolutions du XIXème siècle s’inscrivent dans la mémoire vive de la Révolution française. Et la Commune se dit héritière de toutes les révolutions précédentes : La Révolution française en particulier la période 1792-93, celle de juillet 1830, celle de 1848. Chaque révolution a ainsi pour ambition d’une part de se replacer dans les futurs non advenus (promesses non tenues) des révolutions précédentes, ce qui leur donne un élan particulier, et d’autre part de faire mieux, de l’actualiser. En 1848, la peine de mort en matière politique est par exemple abolie afin d’empêcher une nouvelle Terreur. La Commune elle a en plus le souhait d’une révolution sociale, centrée sur l’organisation du travail.

Toutes ces révolutions ont ainsi un air de famille tout en étant différentes.

 

 

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Le Communard est-il un nouveau Sans-culotte ?

 

 

Les Communards ont pu se revendiquer comme étant des Sans-culottes. Le Sans-culotte de la Révolution française, comme l’a montré Albert Soboul, peut être défini comme un républicain, révolutionnaire farouche, un artisan qualifié ou un maître d’atelier qui incarne une forme d’autonomie financière tout en défendant sa dignité de citoyen. Dans les années 1860, Paris est une ville industrielle mais il s’agit surtout de petites industries. La distinction entre ouvriers et patrons n’est pas toujours évidente. Sous la Commune, les ouvriers les plus impliqués sont les ouvriers qualifiés qui se caractérisent par un fort savoir-faire et sont marqués par le socialisme du XIXème siècle (cordonniers, relieurs, imprimeurs). Il y a également plus d’employés qu’en 1848 du fait de l’évolution sociale de la capitale.

Ceci dit, lorsqu’on parle d’engagement au cours d’une révolution, le seul critère socio-professionnel ne suffit pas, pour le sans-culotte comme pour le Communard. Le lieu de résidence joue. Le rôle du voisinage, l’identité de quartier peuvent être essentiel. On devient Communard aussi en tant que Parisien, en tant que père de famille, en tant que citoyen ou en fonction des rencontres et son histoire personnelle. Les historiens accordent aujourd’hui beaucoup d’importance à cette notion de « devenir révolutionnaire ».

 

 

Les Parisiens surnomment avec mépris les parlementaires « les ruraux ». La Commune est-elle une cassure entre Paris et la campagne ?

 

 

Alors que 1848 est une révolution à la fois urbaine et rurale, la Commune de 1871 est en effet plus cLEOitadine. Même s’il existe quelques Communes rurales, et qu’un « appel aux campagnes » a été publié par André Léo, l’événement ravive les tensions entre Paris et la Province, la ville et la campagne, des deux côtés. Dans les années 1860, le monde rural connaît un âge d’or qui se traduit par un afflux des populations de la campagne vers les villes. La distinction entre ville et campagne s’affermit : le mépris des républicains des grandes villes pour les ruraux s’accroît.

Ceci dit il existe depuis 1848 des communes rurales rouges, notamment dans la Nièvre. Elles ont pu voter pour des républicains radicaux lors des dernières élections et ont parfois montré leur soutien à la Commune de Paris en plantant un drapeau rouge.

 

 

Karl Marx, en tant que journaliste, observe les événements de la Commune. Quelle est son opinion ?

 

 

A Londres, Karl Marx, qui se trouve à la tête du comité central de l’Association Internationale des Travailleurs observe les événements à distance. Il lit la presse et le courrier que lui envoient les correspondants à Paris. Il reste prudent dans un premier temps par rapport aux informations qui luimarx parviennent. Les syndicalistes anglais, au sein des Trade Unions, sont en outre très méfiants vis-à-vis de la Commune (ils sont plus favorables à des négociations musclées qu’à une dynamique révolutionnaire). Ceci dit, s’il perçoit dans la Commune un caractère brouillon qu’il associe aux révolutionnaires français, il la soutient tôt et voit en elle la forme de gouvernement ouvrier enfin trouvée pour réaliser « l’émancipation économique du travail ». C’est pour lui un événement d’une importance historique.

Karl Marx va même en apparence à l’encontre de ses propres perspectives plutôt favorables à une position centralisatrice. Il loue dans son livre « La guerre civile en France » (1871) la « forme positive de la république sociale », où les fonctionnaires ne s’élèvent plus au dessus de la « société réelle ». Par la suite, Engels puis Lénine vont faire une relecture de « La guerre civile en France » (la lecture marxiste-léniniste), plus figée et centrée sur la lutte des classes et la dictature du prolétariat.

 

 

Retenu par Adolphe Thiers à la prison de Cahors, Auguste Blanqui ne peut rejoindre les Communards. Est-il celui qui a manqué le plus à l’insurrection parisienne ?

 

 

Les Blanquistes, partisans d’une révolution forte et énergique, sont bien présents à Paris et jouent un rôle important dans la Commune. Je pense notamment à Raoul Rigault qui s’empare de la Préfecture de Police et organise une véritable police politique. Il ne s’agit donc pas tant de se demander si Blanqui a manqué à la Commune, que de constater qu’il y a eu des Blanquistes parmi les insurgés, qui ont joué des rôles importants. C’est aussi rappeler la diversité et la conflictualité des positions au sein de la Commune car beaucoup d’autres communards ne sont pas d’accord avec eux.

 

 

La Commune a eu l’image d’être composée de combattants cosmopolites. Il y a notamment dans ses rangs des Italiens, des Belges, des Luxembourgeois, des Polonais, des Suisses,… Y’a-t-il eu une exagération de l’importance de ses communards étrangers ?

 

 

Leur rôle a d’abord été exagéré (par Versailles dénonçant une Commune cosmopolite) puis minimisé. Il y a bien eu des combattants internationaux à Paris. Beaucoup sont arrivés en France au moment de la guerre entre la France et la Prusse. Le 4 septembre 1870, la République est proclamée et face à la menace de l’Empire allemand, des volontaires du monde entier (d’Europe, mais aussi d’Amérique du Sud et du Nord)combatz sont venus combattre au nom de la « République universelle ». Le sarde Lucien Combatz en est un bel exemple puisqu’auparavant il s’est battu avec les Garibaldiens en Italie, puis au Tyrol, puis en Crète et en Aragon. En 1871, il est colonel de la VIème Légion de la Commune.

A cela s’ajoute qu’au XIXème siècle, Paris est la capitale des réfugiés politiques. Beaucoup de ceux qui ont fui leur pays après les insurrections ratées de Pologne ou d’Italie sont déjà sur place et se remobilisent au moment de la Commune. Ces réfugiés mettent en avant leur origine nationale alors qu’ils vivent depuis des années à Paris.

Pour en revenir aux volontaires internationaux, ces derniers se sont enfin souvent retrouvés parmi les cadres de la Communes parce qu’ils étaient aguerris aux combats : ils sont donc peu nombreux par rapport aux 300 000 hommes de la garde nationale mais ils sont très visibles. Et ils sont un symbole de cette « république universelle » qu’entend incarner la Commune.

 

 

La Commune a-t-elle connu des oppositions internes ?

 

 

La Commune est née d’un mouvement où les tensions et les contradictions sont constantes. Les Blanquistes, les Proudhoniens, les Jacobins, les Internationaux ne cachent pas leurs divergences. En pleine guerre, Paris n’échappe pas non plus à la désorganisation entre les municipalités, l « ex-Préfecture de Police » et l’Hôtel de ville. Les conflits sont importants.

D’un autre côté, le fonctionnement des clubs révolutionnaires, le retour des mémoires de 1789 et 1848, ou la transformation des rapports sociaux montrent qu’une dynamique révolutionnaire est en marche. Globalement, que ce soit au sein de l’hôtel de ville ou dans Paris, le principal dénominateur commun reste ce qu’on appelle la « République démocratique et sociale » : cette idée héritée de 1848 selon laquelle vous ne pouvez pas changer l’ordre politique sans modifier l’ordre économique et social.

 

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Y’a-t-il des modérés dans le camp des Versaillais ?

 

 

Beaucoup de républicains modérés qui représentent la gauche parlementaire comme Jules Favre, ministres des affaires étrangères s’opposent à la Commune de Paris. Des intellectuels progressistes comme George Sand, Emile Zola ou Gustave Flaubert vont eux aussi montrer leur opposition à l’insurrection parisienne. Pour les républicains modérés, la vraie république a été proclamée le 4 septembre 1870. La Commune risque par conséquent de menacer ce nouveau régime. Proches géographiquement mais éloignés de la Commune, influencés qui plus est par la presse versaillaise, les modérés perçoivent d’abord la Commune comme une terrible et dangereuse anarchie.

On peut noter qu’à Paris se trouvent aussi des Républicains plus modérés qui ont soutenu la Commune. Ils sont notamment favorables au retour des franchises municipales : la possibilité pour la ville d’élire son propre maire, de s’occuper de sa propre police (la garde nationale) et de lever ses propres impôts etc. Ce soutien tend cependant à diminuer au fur et à mesure que la guerre avec Versailles s’intensifie.

 

 

Peu à peu, un sujet se diffuse au sein de la Commune (en particulier en mai 1871) c’est la mort. Le discours de sacrifice chez les Communards peut-il être comparé au martyre ?

 

 

Dès avril 1871, la guerre civile devient manifeste avec les attaques des troupes versaillaises. Entre les discours de transformation sociale ou d’avenir radieux et la situation militaire, le décalage devient important. En mai, les plus engagés vont développer un discours plus sacrificiel afin de donner du sens à leur investissement en faveur de la Commune. Beaucoup des grandes déclarations de la Commune de cette période parlent d’un combat à mort, d’un combat du passé contre l’avenir.

Le sacré est donc présent pendant la Commune. Mais il est dissocié de la question religieuse : n’oublions pas que l’installation des clubs dans les églises exprime une volonté de sécularisation de l’espace religieux. La Commune est très anticléricale et dans l’esprit des communards, la République doit être présente partout.

 

 

PARIS - LA COMMUNE - CADAVRES DE COMMUNARDS

 

 

La Martinique, Alger, Lyon, Thiers… Des Communes se sont organisées dans de nombreux territoires en France mais ce sont-ils les mêmes communards ?

 

 

La Martinique connaît un mouvement révolutionnaire et républicain marqué par un désir d’égalité sociale mais celui-ci se met en place dans le prolongement du 4 septembre 1870. Elle ne se déclare donc pas comme Commune.

Les Communes de Province répondent avant tout à leur propre dynamique. De plus, beaucoup émergent avant la Commune de Paris. La capitale a tout de même envoyé des émissaires dans ces différentes Communes provinciales. Et à leur tour, ces dernières, comme Alger, ont parfois envoyé des représentants à Paris. L’ensemble de ces mouvements peut être nommé « nébuleuses révolutionnaires » : Il n’y a pas de diffusion de Paris vers les autres villes, mais il existe des connexions entre des Communes qui ont leur propre trajectoire.

 

 

La semaine sanglante (21-28 mai 1871) a profondément marqué les esprits par sa violence et sa répression. Comment peut-on expliquer de tels actes de la part des Communards et des Versaillais ?

 

 

Les Communards exécutent les otages (environ 80) et incendient de nombreux bâtiments de la ville comme l’hôtel de ville ou le château des Tuileries. Les Versaillais procèdent à un massacre de plusieurs milliers de parisiens insurgés. Le rapport de force est très asymétrique.

Arrêtons-nous sur ce dernier. Les troupes gouvernementales constituent une armée moderne. Elle a mis du temps à se réorganiser, mais elle est mieux équipée et n’hésite pas à fusiller les prisonniers. Des unitéscas mobiles partent en avant des troupes dans les rues de Paris. Hommes, femmes, enfants, tous ceux qui sont capturés avec du noir sur les mains, indice d’un maniement de la poudre sont alors exécutés. Les fusillades entraînent une mort à distance, bien différentes de la découpe des corps des guerres de la Révolution, une mort plus facile et plus rapide. Des cours martiales sont ensuite improvisées dans les quartiers. D’autres plus officielles seront installées par exemple au Palais du Luxembourg. Dans toutes, on procède aux exécutions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Après la défaite face aux Prussiens, les soldats n’avaient pas de réelles motivations en mars 1871 pour combattre, qui plus est contre d’autres français. L’État major a donc réagi et ces soldats ont été soumis à une discipline sévère et une propagande ciblée présentant chaque jour les Communards sous les pires traits. Cet apprentissage de la haine s’est exprimé au moment de la Commune. Par ailleurs les tueries sont plus grandes lorsque les troupes sont commandées par des officiers conservateurs et monarchistes.

Les chiffres du nombre de morts insurgées sont encore débattus par les historiens (Entre 7 000 et 25 000 décès). Il est probable que les violences ont fait de 10 à 15 000 morts. Dans tous les cas, il s’agit d’un des pires massacres de civils de l’histoire européenne du XIXème siècle.

 

 

Les Communards comme Louise Michel ou Gustave Courbet sont déportés ou exilés. Ces mesures ont-elles renforcé l’image d’une Commune victime plus que coupable ?

 

 

Que ce soit dans la presse nationale et internationale, l’image de la Commune est dans un premier temps négative : elle apparaît sous les traits de la barbarie agressant la civilisation. L’image plus positive émerge un peu après, là aussi dans le monde entier. La lecture de l’insurrection comme victime, martyre de la lutte des exploités intervient ici. La Commune n’a duré que 72 jours. Par conséquent, pour beaucoup, elle n’a pas eu le temps de se développer et s’avère avant tout riche de promesse. De plus la violence de la Semaine sanglante en fait un symbole fort de la répression inique des opprimés. Cela explique aussi pourquoi elle devient rapidement un étendard pour de multiples causes et luttes sociales ou politiques. Dès 1873, la Commune est par exemple une référence dans le mouvement cantonaliste espagnol.

A son retour de déportation en Nouvelle-Calédonie, Louise Michel va à nouveau incarner la continuité de la Commune dans le contexte très différent des années 1880-1900, tout en devenant une grande figure de l’anarchisme.

 

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L’Etat a toujours été méfiant envers la ville de Paris. Encore de nos jours, le maire ne peut être officier de police judiciaire. La Commune a-t-elle laissé des traces profondes entre les différentes entités ?

 

 

Une des raisons de l’affirmation de la Commune, comme « République de Paris » était on l’a vu le fait que Paris ne possédait pas de maire, ni de réel contrôle de ses forces de police. Sous le second empire, la commission municipale avait peu de pouvoir face à la Préfecture de la Seine et la Préfecture de Police et cette dernière était sous le contrôle direct du gouvernement (Lyon connaît une situation proche). La « République de Paris » de 1871 devait redonner ces pouvoirs aux Parisiens.

Juste après la Commune, un conseil municipal à Paris est élu au suffrage universel masculin dans le cadre de la nouvelle République. Républicain et classé à gauche, il va demander la suppression de la Préfecture de Police. Jusqu’en 1880, le conseil municipal, favorable à une police vraiment municipale, va affronter le ministère de l’Intérieur qui souhaite garder le contrôle de la police à Paris. L’opposition aboutit à un statut quo : La Préfecture de Police demeure et la Mairie de Paris pourra peser en intervenant sur le budget. La Préfecture, née en 1800 sous Napoléon Ier, n’a finalement jamais été abolie. Même les révolutions du XIXe siècle ont préféré la garder.

 

 

Lors de l’étude pour votre livre, qu’est-ce qui vous a surpris le plus sur les événements de la Commune ?

 

 

Durant mes recherches, débutées il y a environ 10 ans, on m’avait prévenu que je ne trouverai rien sur l’aspect international et global de la Commune. Elle aurait été un épisode historique avant tout parisien et peut-être surtout reconstruit par l’idéologie marxiste-léniniste postérieure. J’ai finalement trouvé beaucoup de choses à cette échelle, qui permettaient de revenir aussi sur les situations de terrain. D’autres travaux ont bien sûr fait avancer la connaissance de la Commune, mais grâce à cette enquête, j’ai finalement pu proposer une vraie relecture de la Commune.

Un autre point peut être noté : dans les années 2000, le sujet « Commune » était devenu plus consensuel puis entre le début de mon enquête et le moment de la publication du livre, les débats sur la Commune ont repris. Il est étonnant pour un historien de voir son sujet reprendre ainsi vigueur sous ses yeux. Avec les différents mouvements de contestation comme Occupy aux États-Unis, les Indignés en Espagne, les ZAD, Nuit debout et les Gilets jaunes en France, la Commune est devenue une référence de lutte sociale et politique dans le monde entier. Beaucoup de petites villes se sont aussi emparé de la mémoire de la Commune pour revendiquer une certaine dignité municipale. Dans les années 1950-1970, il aurait été question de lutte des classes ou de révolte urbaine, aujourd’hui toujours avec la même attente en termes de lutte contre les inégalités sociales, il est plus question de souveraineté populaire, de démocratie directe Cela nous dit beaucoup sur notre époque.

Un travail historique n’est ainsi jamais figé. L’historien est un passeur entre les temps. Les deux bords, passé et présent, sont toujours surprenants, car l’histoire est vivante.

 

 

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