Depuis la performance de Sean Connery à celle de Daniel Craig, le personnage de James Bond fait partie intégrante de notre culture. Mais avant d’être un héros de cinéma, l’agent 007 a été un grand personnage de littérature. En écrivant en 1953, « Casino Royale », la première aventure de James Bond, l’écrivain britannique Ian Fleming (1908-1964) bouleverse profondément le genre de l’espionnage. Le succès littéraire est énorme à tel point que l’intellectuel italien Umberto Eco analysera de plus près les aventures du plus célèbre espion au service de Sa majesté. Analyse de l’œuvre de Ian Fleming avec Peter Crush.
« Casino Royale » (1953) est-il le roman le plus réaliste de Ian Fleming ?
Il ne fait aucun doute que « Casino Royale » a un certain « esprit de terrain ». Comme Fleming le dit : « Tout ce que j’écris provient de quelque chose qui est vraiment arrivé ». A certains égards, il le fallait. Il s’agit du premier livre et il s’agit également de l’introduction au monde de James Bond – Par conséquent cela devait être réaliste. Il ne fallait pas que ce soit trop fantaisiste ni trop cru ni trop captivant mais en même temps l’intrigue ne reflète pas le contexte de l’après-guerre au Royaume-Uni. D’une certaine manière, l’environnement de l’histoire est très décadente. Le monde décrit dans le livre est hors de portée pour beaucoup de ceux qui vivaient à l’époque. On peut relever en effet les mentions des plus belles marques de vêtements et d’une cuisine de haute gastronomie (La Grande-Bretagne ne sort de ses années de rationnement que l’année suivant la parution de « Casino Royale). Il y a aussi la voiture de Bond – sa chère Bentley, qui répond parfaitement à la hauteur de ses goûts. C’était un monde presque perdu dans lequel Fleming voulait que Bond existe, mais le livre s’attarde également sur des choses bien plus banales – comme la façon dont 007 apprécie les petits plaisirs …
D’un autre côté, Fleming a réussi à transmettre un sentiment général de réalisme brut – L’histoire traite d’un homme armé juste d’une arme à feu (un Berretta et non un PPK) et cela suffit. Le personnage est dépeint comme quelqu’un qui a été déshumanisé par la guerre. Le monde de James Bond est comme, écrit Fleming, «sale». Dès la célèbre première ligne du livre [« L’odeur d’un casino, mélange de fumée et de sueur, devient nauséabond à trois heures du matin »], les exploits de Bond au casino se font dans un climat « nauséabond ». Le passage de la tentative d’assassinat sur la personne de James Bond par des Bulgares renforce ce sentiment de saleté. L’attentat tourne mal et tue les deux tueurs. Le dialogue est tout aussi lapidaire – l’explosion est si terrible qu’elle «projette Bond sur le trottoir. Le souffle d’air lui laboura la peau des joues et de l’estomac comme si ce n’était que du papier». La phrase la plus affreuse de toutes est celle-ci : « Quand, étourdi et à demi inconscient, [James Bond] se releva sur un genou, une affreuse pluie de morceaux de chair et de lambeaux de vêtements souillés de sang se mit à tomber sur lui et autour de lui, mêlée à des branches et du gravier. ». Ce passage montre également comment la chance (ou le hasard) joue un rôle important dans la survie de Bond. Ce n’est pas du tout un personnage faillible. Nous pouvons également le remarquer dans le roman « Moonraker » (1955) où de nombreuses pages traitent des « corvées » de Bond – principalement dans un bureau où il paraphe des rapports de renseignement et sur la formation aux armes à feu. Bond veut être sur le terrain, mais en même temps c’est un agent qui ne tue pas pour le plaisir. S’il tue c’est uniquement pour atteindre un but. « Casino Royale » n’est pas une histoire pleine de gadgets, mais contient de vraies questions : Qu’est-ce qu’un homme peut faire à un autre pour rester en vie ? comment peut-il faire pour survivre ?… Bond semble être l’archétype d’une époque de l’Histoire où les problèmes étaient résolus de manière élémentaire.
Bien qu’il n’aime pas tuer, 007 est un tueur impitoyable. Est-ce aussi cet aspect qui a rendu les romans si populaires ?
Un thème récurrent dans les livres est la réticence de Bond à supprimer une vie. Il ne tue que si c’est indispensable. Dans « Goldfinger », Fleming explore cela en détail, quand après qu’il ait bu «deux doubles bourbons», Bond se met à réfléchir sur «la vie et la mort». Ce qui est frappant dans ce moment de réflexion, c’est qu’il semble au départ assumer ses actes (car le regret n’est pas quelque chose de professionnel) pour finalement devenir plus dubitatif. En règle générale, Bond se montre froid à propos du meurtre: Fleming dit que «tuer des gens faisait partie de sa profession; qu’il n’avait jamais aimé le faire mais que quand il devait tuer, il le faisait bien et puis passait à autre chose. Mais à la mort d’un terrifiant mexicain, Bond se met à être fasciné par la vie et par la facilité avec laquelle elle peut être enlevée. Fleming dit que son agent secret est «trop tendu, trop introspectif», mais on peut constater une évolution du personnage : «Vous avez vu trop de morts», comme l’écrit Fleming lui-même. Bien sûr Bond tue pour survire, mais le passage révèle une certaine fatigue d’être un tueur. Au fur et à mesure que les livres progressent, il y des passages où on rappelle que les agents double-O ont une espérance de vie bien courte. James Bond cherche finalement à prendre sa retraite dès que possible. Mais en même temps, Fleming révèle que ce sont les missions sur le terrain qui émoustillent Bond. 007 est clairement un personnage complexe. Il ne supporte pas de tuer, mais il n’aime pas non plus s’asseoir derrière un bureau. La fascination de Bond pour le meurtre est également bien présente dans les romans. Il est même écrit que 007 est celui qui a les meilleures méthodes pour tuer. Je pense que cette dualité peut être comprise par le lecteur. Si notre vie est en danger, nous sommes capables du pire. Nous craignons tous de vivre une telle situation. Bond, lui, a connu ce dilemme à plusieurs reprises.
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M, Directeur du Secret Intelligence Service, est une figure paternelle pour James Bond ?
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C’est indubitablement vrai d’affirmer que M est quasiment un père pour James Bond. On en peut être certain avec la parution de « On ne vit que deux fois » (1964). La nécrologie fictive de Bond décrit les années de formation du personnage de Fleming. Bond est devenu orphelin à l’âge de 11 ans puis a été recruté dans la Royal Navy (et à partir de là, nous présumons, par le MI6). Il est clair que dès le début des romans que M est une figure paternelle. Il est à la fois sévère, mais aussi compatissant à sa manière, et cela suscite le respect de Bond. Comme l’a récemment dit un journaliste: «Son patron, M, est incontestablement admiré par Bond. C’est une figure paternelle avisée. Lui-même avait fait ses classes dans la Royal Navy. M est quelqu’un de difficile à satisfaire et refuse toute sentimentalité. Mais Bond attend toujours son appel afin d’échapper au train-train quotidien. Et même si parfois 007 peut se révéler rebelle et plein de rancœur, il fait tout ce que M lui demande de faire. Dans « Les diamants sont éternels » (1956), Fleming s’écarte un peu de son récit – écrivant que Bond est quasiment marié à M [«Je devrais divorcer avec lui avant d’essayer d’épouser une femme», écrit-il]. Finalement, M est l’homme le plus à même de superviser Bond. L’agent secret est en effet servile envers son patron.
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James Bond est un héros parfois réticent voire qui conteste les missions qu’on lui donne. Est-ce un point commun avec Ian Fleming ?
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Il y a des références très claires à des moments où les missions confiées à Bond sont jugées particulièrement fastidieuses, où il se demande finalement pourquoi elles lui ont été confiées. Dans « On ne vit que deux fois », toute sa mission est une punition pour lui – une affaire diplomatique – initialement au départ – plutôt qu’une affaire avec des ennemis. Ce n’est que plus tard que Bond réalise que le personnage principal, Shatterhand, est en fait Ernst Stavro Blofeld. Dans le livre suivant [« L’homme au pistolet d’or], Bond doit «faire ses preuves» à nouveau – et se voit confier la mission apparemment impossible de tuer Francisco «Pistols» Scaramanga, un assassin cubain qui aurait tué plusieurs agents secrets britanniques. Le fait que Bond soit mécontent de ses missions est un aspect chez Fleming qui est intéressant. Ces dernières deviennent des enjeux plus excitants et plus intéressants lorsque James Bond les termine au péril de sa vie. Mais avec certaines d’entre elles, tout le monde peut constater le peu d’intérêt des enjeux – Les quelques chapitres d’ouverture de « Moonraker » ne relatent pas grand chose, mais c’est une façon de prouver que la plupart du temps la vie de Bond est faite de mondanité. Il ne fait que consulter des rapports et les coche pour prouver qu’il les a lus. Bond n’aspire qu’à une chose : passer à l’action, être «sur le terrain» plutôt qu’au bureau. C’est une vraie histoire amour-haine puisque 007 déteste le travail de bureau, mais une fois sur le terrain, il est également conscient que ce n’est pas non plus une vie facile. Comme nous le dit la première ligne de « Vivre et laisser mourir » (1954) : « Il y a de bons moments dans la vie d’un agent secret. Des moments de vrai luxe, par exemple quand on lui demande de jouer le rôle d’un homme très riche. Il y a aussi des occasions où il se réfugie dans la belle pour effacer le souvenir du danger et l’ombre de la mort. » En d’autres termes, c’est un métier difficile, mais parfois agréable également. C’est peut-être pour cela que James Bond «s’éprend» de femmes avec un empressement certain. Il les utilise comme des objets jetables : il doit en profiter tant qu’il le peut car le jour suivant, 007 peut mourir. Je pense que Fleming rend Bond plus humain en révélant qu’il n’apprécie pas le «sport» qu’il pratique. Dans « James Bond contre Dr No » (1958), Bond vomit après avoir évité de justesse la mort – ce n’est pas le comportement d’un homme invincible. Bond est un homme terni, qui «s’en sort» – souvent plus par chance que par compétence et je pense qu’il en est bien conscient.
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Le docteur No est germano-chinois, Rosa Klebb est une colonel soviétique lesbienne et cruelle, Pussy Galore, ayant été violée enfant, est à la tête d’une organisation uniquement composée de lesbiennes,… James Bond est-il finalement une figure de l’hétérosexualité et de l’identité britannique ?
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Il n’y a certainement aucune raison légitime pour que Bond soit un homme au sang si chaud, et un aussi grand homme à femmes (Il y a un passage devenu gênant dans « Motel 007 » [« L’espion qui m’a aimé »] (1962), où Fleming écrit que « toutes les femmes aiment le semi-viol. Elles aiment être prises ». Dans « Casino Royale », il parle même de la« douce saveur du viol » (!). Cela reflète en grande partie l’intérêt personnel de Fleming pour le masochisme. Beaucoup de livres sous-entendent fortement au lecteur que les ennemis de Bond sont «gays». Dans « L’homme au pistolet d’or » (1965), Ian Fleming a écrit une théorie selon laquelle un homme qui ne peut pas siffler a des tendances homosexuelles. Dans « Au service secret de Sa Majesté » (1963), Bond estime que les homosexuels ne sont « qu’un troupeau de marginaux sexuels frustrés et stériles. Les femmes ne désirant que de dominer et ces hommes d’être cocoonés ». Fleming ajoute même qu' »il en est désolé mais qu’il n’a pas le temps pour de s’intéresser à eux. » Le cas semble assez indiscutable ! Après tout, il est bien écrit que Fleming était lui-même connu pour mépriser les signes de l’homosexualité. La grande ironie, bien sûr, c’est que Fleming avait beaucoup d’amis gays. Parmi ceux-ci figuraient surtout l’écrivain Noël Coward et son éditeur, William Plomer. Plomer lui-même aurait déclaré que les livres de Fleming étaient « écrits pour des hétérosexuels à sang chaud ». Nous ne pouvons pas ignorer le contexte où ils ont été écrits : L’homosexualité à l’époque était illégale et clandestine, et il était donc peut-être convenable que les ennemis de Bond – également des personnes obscures et clandestines, partagent de tels traits.
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Ernst Stavro Blofed, le principal rival de James Bond, est né le 28 mai 1908 (le même jour que Ian Fleming…). Y’a-t-il une relation amour-haine entre l’auteur et son personnage ?
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Il est très probable que ceux que Fleming détestait ont donné leurs noms aux principaux protagonistes de ses romans. Dans « Goldfinger » (1959), il est dit que Fleming avait basé son personnage sur l’architecte Ernő Goldfinger – dont il déplorait le travail, tandis que Scaramanga, l’ennemi de « L’homme au pistolet d’or » serait inspiré d’un camarade du même nom de famille avec lequel Fleming avait l’habitude de se battre lorsqu’il était à Eton. Quant à Blofeld, Fleming est également allé à l’école préparatoire de Sunningdale avec un certain John Blofeld. Ce dernier aurait intimidé Fleming de telle sorte qu’il a utilisé son nom pour désigner l’ennemi juré de Bond. En donnant à Blofeld la même date d’anniversaire, Fleming a peut-être voulu signifier que les deux écoliers n’était en fait qu’un seul et même enfant; qu’il avait eu le dernier mot en créant un agent secret pour le venger. Fleming aurait probablement été incapable de se défendre lorsqu’il était à l’école. Par contre, je ne suis pas sûr que Fleming détestait sa création – comme il avait pas non plus de «back-history» avec les ennemis dans ses livres. Avec Blofeld, nous pouvons constater la haine de Bond pour le snobisme (« Au service secret de Sa Majesté » traite de l’envie de Blofeld d’être accepté comme noble) – Le snobisme était un vice que Fleming considérait comme un des sept péchés capitaux de son époque. Les autres étant la lâcheté morale, l’hypocrisie, la cruauté, l’autosatisfaction, l’avarice et la méchanceté. Fleming détestait-il Bond ? Il est possible que 007 était tout ce que Fleming voulait être, mais en était incapable – Bond avait une certaine boussole morale à laquelle Fleming lui-même adhérait (c’est-à-dire que Fleming aimait les aventures et le style de vie aristocratique). Peut-être que Fleming détestait le fait qu’on lui impose d’écrire un nouveau livre chaque année [réponse à la prochaine question]. Sa création littéraire a certainement contribué à l’amélioration de son style de vie. L’avarice était ce que Fleming détestait le plus. Il harcelait souvent Jonathan Cape pour des tirages plus élevés ce qui lui aurait permis de gagner plus d’argent.
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A la fin de « Bons baisers de Russie », James Bond est touché par une lame empoisonnée et s’écroule par terre. Fleming souhaitait-il en terminer avec son personnage ?
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Arthur Conan Doyle a tué Sherlock Holmes parce qu’il était fatigué de la pression qu’il subissait pour écrire de nouvelles histoires. Il a finalement été forcé de le ramener à la vie suite à la pression exercée par ses lecteurs. Il n’y a aucune preuve que Ian Fleming voulait tuer Bond – en tout cas pas de cette façon. Les livres commençaient tout juste à devenir populaires et Fleming était dans sa phase d’écriture la plus créative. Ce n’est que plus tard qu’on dit qu’il se sentait lassé et qu’il voulait de explorer de nouvelles façons d’écrire (comme le tristement célèbre « L’espion qui m’aimait » de 1962 où l’histoire est racontée à travers les yeux d’une femme. Bond n’apparaît qu’à la moitié du livre). Ce livre a été écrit suite d’une longue affaire juridique concernant la publication d' »opération tonnerre » (1961) l’année précédente. L’affaire impliquait le producteur de films Kevin McClory, avec qui il avait collaboré pour écrire l’histoire. Avec cette situation additionnée avec la pression du public qui en voulait toujours plus, Fleming commença à être fatigué de Bond. Écrire était devenu une contrainte. De plus, l’état de santé de Fleming commençait également à se détériorer. « L’espion qui m’aimait » n’était finalement pas une bonne réponse à toute cette pression. Un critique a même écrit « que [Fleming] aurait mieux fait de raconter les tristes mésaventures d’un clochard autrefois riche. » L’embarras fut telle que la version de poche de « L’espion qui m’aimait » n’a même pas été imprimée.
Je ne crois pas du tout à l’idée que Fleming ait voulu tuer Bond dans « Bons baisers de Russie ». Mais peut-être qu’une graine a été semée. Il est très probable que Fleming subissait une énorme pression pour son prochain livre, « James Bond contre Dr No ». La réception de ce dernier fut une première pour un livre de Bond : Il a connu de mauvaises critiques. Dans « Dr No », James Bond a été perçu comme sexiste, snob et ayant une tendance désagréable à la violence. Il se dit alors que Fleming envisageait sérieusement de tuer Bond dans ce qui aurait été le prochain livre (si Fleming n’était pas sa mort avant) après « L’homme au pistolet d’or » mais il est clair que ce n’était pas ce qu’il voulait au milieu des années 1950. Il faut rappeler que l’âge de la retraite obligatoire pour tous les doubles-O était de 45 ans. Dans « Moonraker », Bond dit qu’il lui reste encore huit ans. Comme la période de la série Bond se situe entre 1951 et 1964 – date à laquelle Bond aurait eu 42 ans, il est fort probable que Fleming ait prévu qu’il y ait encore deux, peut-être trois autres romans de Bond après « L’homme au pistolet d’or ».
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Quel est le principal héritage que Ian Fleming a laissé aux romans d’espionnage ?
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Vaste question. Je crois que Fleming a établi le modèle selon lequel toute écriture d’espionnage doit soit suivre ou au contraire ne pas suivre le cliché du personnage mégalomane, souvent physiquement déformé, qui a un repaire quelque part, et des légions d’acolytes qui lui obéissent totalement. Même si ce méchant « gros cerveau » n’ait pas été créé par Fleming, le romancier l’a perfectionné. Les romans d’espionnage s’en sont même inspirés. Les défauts du personnage – l’homme légèrement psychotique qui a perdu le contact avec la réalité est une véritable construction chez Fleming. Bien sûr, aujourd’hui, certains pourraient dire que cela est devenu un cliché, mais au final cette recette fonctionne toujours. L’intrigue doit également avoir une femme à sauver, un terrible danger, un complot extravagant et enfin un châtiment. La « touche Fleming » c’est également le fait que les événements se déroulent en temps réel. Cet aspect a d’ailleurs été beaucoup étudié. Il n’y a pas vraiment de flashbacks – tout est très linéaire. Certains peuvent dire c’est un style basique, mais c’est en fait une stratégie gagnante. En 1963, Ian Fleming a écrit un essai sur quelles sont les recettes pour écrire un bon thriller. Il dit très simplement qu’il faut « donner envie au lecteur de tourner la page». Il ajoute: «Rien ne doit s’interférer avec cette dynamique essentielle du thriller… Il ne doit y avoir aucune complication dans les noms, les relations, les voyages ou les lieux géographiques. En somme, il ne faut pas gêner ou irriter le lecteur. Il ne doit jamais se demander «Où suis-je? Qui est cette personne? Qu’est-ce qu’ils font tous? Et surtout, il ne doit jamais y avoir ces récapitulatifs exaspérants où le héros se plaint de son sort, passe en revue dans son esprit une liste de suspects, ou reflète ce qu’il aurait pu faire ou ce qu’il propose de faire ensuite. Bien sûr, vous pouvez planter le décor ou énumérer les mensurations de l’héroïne avec autant d’amour que vous le souhaitez, mais ce faisant, chaque mot doit raconter et intéresser voire titiller le lecteur avant que l’action ne commence. » C’est, je pense, le défi qu’il lance aux autres écrivains et un exemple parfait de ses propres «règles». Fait intéressant cependant, Fleming admet que la fiction d’espionnage n’est pas de la littérature avec un L majuscule. Par conséquent il affirme que son travail ne doit pas être traité comme tel. Fleming répond ainsi à ceux qui disaient à l’époque que ses intrigues n’étaient pas crédibles. Mais comme il l’a dit lui-même: «Mes intrigues font partie du monde de la fiction même elles sont souvent basées sur des faits réels. Mes histoires vont au-delà du probable mais pas, je pense, au-delà du possible. . . . »
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Le site internet de Peter Crush (en anglais) : http://www.jamesbondfirsteditions.co.uk/
From the performance of Sean Connery to that of Daniel Craig, the character of James Bond has been an integral part of our culture. But before being a movie hero, 007 was first a great character in literature. By writing in 1953, ‘Casino Royale’, the first adventure of James Bond, British novelist Ian Fleming (1908-1964) profoundly changed the genre of espionage. The literary success is huge to such an extent that the Italian intellectual Umberto Eco will analyze more closely the adventures of the most famous spy on her Majesty’s secret service. Analysis of Ian Fleming’s work with Peter Crush.
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Is ‘Casino Royale’ the most realistic Ian Fleming’s novel ?
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There’s no doubting Casino Royale has a certain level of ‘grounding’. As Fleming himself noted, “everything I write has precedent in truth.” In some ways, it had to. Because it was the first book, it was also the first introduction we were given to the world of Bond – and so it had to be got right – not overly fanciful, gritty, enthralling but also building on the memories of post-war Britain. In some elements it is very decadent, and featured a world out of reach for many – through the liberal sprinkling of current desirable brands, and extravagant food menus (Britain had not yet ending rationing until year after this came out). There was also his car – his cherished Bentley, supped up to his tastes. This was a the rarified world Fleming wanted to create that Bond existed in, but the book also had long observations about this and that – often mundane things – like how he likes his….. As such, Fleming managed to convey an overall sense of raw realism – that he is a man armed with just a gun (a Berretta not PPK), and his wits and not much else. The character is portrayed as one de-humanised by the war, and his world, is, as he wrote, “a dirty one.” Even his introductory casino exploits – outwardly very aspiring – are described as “nauseating” in the famous opening line of the book. The passage about a the attempted assassination of Bond by Bulgarian assassins (which goes wrong and causes their own deaths) strengthens this sense of dirtiness. The dialogue is pithy too – the ear-splitting crack of a monstrous explosion; being ‘slammed down to the pavement by a bolt of hot air which dented his cheeks and stomach as if they had been made of paper’. Perhaps the grittiest line of all is: ‘When, dazed and half-conscious, he raised himself on one knee, a ghastly rain of pieces of flesh and shreds of blood-soaked clothing fell on him and around him, mingled with branches and gravel.’ While ‘real’ it also underlines how often luck (or happenstance) also plays a significant role in keeping Bond alive – ie he is not fallible at all. This is latter built on in Moonraker, where there a great swathes of pages devoted to the ‘drugery’ of his job – mainly being an office-based one, initialing intelligence reports that come across his desk, and firearms training. Bond wants to be in the field, but there is sense too that he doesn’t enjoy killing for the sake of it, rather than it is a means to justify an end. Casino Royale is not gadgets, but realities – what a man could do to another, what he had to do to survive. Bond seems to represent a time in history when problems were solved in basic ways.
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Although he doesn’t like to kill, 007 is a ruthless killer. Is this aspect also a part of the success of the novels?
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A recurring theme throughout the books is Bond’s reluctance to take a life, but to know when it is necessary to do it. Goldfinger explores this in great detail, when – with ‘two double bourbons inside him’ Bond reflects on ‘life and death’. Strikingly in this particular reminisce, the narrative turns from not being regretful (for this is unprofessional) to being more thoughtful. Typically, Bond is cold about killing: Fleming says ‘it was part of his profession to kill people. He had never liked doing it and when he had to kill he did it as well as he knew how and forgot about it.” But this particular death – of an evil Mexican – draws out a fascination about life, and how easily it can be taken away. Fleming says he was; “too tense, too introspective,” – but shows how the character is developing. “You’ve seen too much death,” as Fleming himself writes. Sure, it had been kill or get killed, but the passage reveals a tiredness with this particular skill. As the books progress, there is more than passing references to the short life expectancies of double-O agents, and the desire to retire while he can, but Fleming also reveals that it’s being given an assignment that excites him most. So he’s a complex figure – both disgusted by killing, but no-more liking of sitting behind a desk. The fact he has a fascination with killing is also there – as references to the book he is said to be writing on the best methods to kill attests. I think this dual personal does resonate with people because I suspect we have all wondered if we have the capacity to take a life if our lives are in danger. It taps into a question we all fear testing in reality, but which Bond has to repeatedly confront.
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Is M, Head of the Secret Intelligence Service, a father figure for James Bond ?
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It’s undoubtedly true that M fulfills the role of a quasi-father figure. Although it’s not till You Only Live Twice that Bond’s fictitious obituary offers the first real glimpse into Fleming’s character’s formative years – that Bond was orphaned at age 11, that he was recruited into the Royal Navy (and from there, we presume, into MI6) – it’s clear from the outset of the novels that M resembles an unwavering father. He is both stern, but also compassionate in his own way, and that garner’s Bond’s respect. As one journalist recently put it: “His boss, M, is the unquestioned object of Bond’s admiration, a shrewd father figure with a background in the navy…M is hard to please – and refuses sentimentality. But Bond is always waiting for his call to escape from the soft life. He obeys, sometimes cursing and resentful, but always does what he is asked.” In Diamonds are Forever, Fleming deviates a little from this narrative – suggesting instead that Bond is almost married to M [“I’d have to divorce him before I tried marrying a woman,” he writes], but ultimately M is the very much the man charged with overseeing Bond, and Bond is servile to his boss.
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James Bond is a reluctant and questioning hero who did not always enjoy the assignments he was given. Is it a common point with Ian Fleming?
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There are very clear references to times when the assignments given to Bond are deemed to be particularly tiresome, where he wonders why they’ve been given to him. In You Only Live Twice, his whole mission is one of punishment – an – initially at first – diplomatic affair needing settling rather than an out and out villain-enemy one. It’s only later Bond realises the main character, Shatterhand, is, in fact Ernst Stavro Blofeld. In the next book, Bond also has to ‘prove’ himself again – and is given the seemingly impossible mission of killing Francisco « Pistols » Scaramanga, a Cuban assassin who is believed to have killed several British secret agents. The fact Bond is initially displeased by his missions is an interesting Fleming device – as invariably they always develop into much more exciting and death defying periods in his character’s life. In some of his missions, though, mediocrity is there for all to see – the whole opening few chapters of Moonraker do little else, but to instill the image that for the most part, Bond’s life is one of mundanity – of digesting reports, and ticking them to say he’s read them. Here, the picture being built is that he therefore yearns the ‘on-the ground’ action that office work prevents – so perhaps it’s a love-hate thing. He hates office work, but once out there, he is also self-aware to know that this is no easy life for him too. As the opening line of Live and Let Die tell us: « There are moments of great luxury in the life of a secret agent. There are assignments on which he is required to act the part of a very rich man; occasions when he takes refuge in good living to efface the memory of danger and the shadow of death.” In other words – it’s tough out there, but enjoyable too, in its moments! Maybe that’s why he ‘takes’ women with alacrity, as disposable items, because he must enjoy them while he can, before tomorrow, where he could be dead! I think Fleming makes Bond more human by him not enjoying the ‘sport’ he plays. In Dr No, Bond throws up after narrowly avoiding death – that’s not the behaviour of a man who is invincible. Bond is a tarnished man, who ‘gets by’ – often by luck as much as skill, and I think he realises this..
Dr. No is a reclusive Chinese-German, Soviet colonel Rosa Klebb is a cruel lesbian SMERSH supervisor whereas Pussy Galore (Goldfinger) was sexually abused as a child and now in charge of a all-lesbian organization… Is James Bond a key figure of straightness and britishness?
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There’s certainly no apology for Bond being a red-blooded male, and one who delights in ravishing women (this is a now uncomfortable passage in The Spy Who Loved Me, where Fleming writes that ‘all women love semi-rape. They love to be taken,’ while in Casino Royale, he writes: about the ‘sweet tang of rape’). This largely reflects Fleming’s own personal interest in masochism. A lot of the books also have an underlying distrust of, and suspicion that enemies show evidence of being ‘gay’. In The Man with the Golden Gun, Ian Fleming wrote about the theory that a man who can’t whistle has homosexual tendencies. In On Her Majesty’s Secret Service, Bond opines that homosexuals were « a herd of unhappy sexual misfits – barren and full of frustrations, the women wanting to dominate and the men to be nannied », adding that « he was sorry for them, but he had no time for them. » So…the case appears pretty conclusive! After all, it is well written that Fleming was himself known to have disdain for open expressions of homosexuality. The big irony of course, is that Fleming had lots of gay friends. Most prominently these included writer Noël Coward and his editor, William Plomer. Plomer himself is quoted as saying Fleming’s books were « written for warm-blooded heterosexuals ». We can’t ignore the times these were written in. Homosexuality at the time was illegal and clandestine, and so perhaps it fitted that Bond’s enemies – also shadowy, clandestine people, should share these traits.
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Ernst Stravo Blofeld, the main antagonist, was born on may 28 1908 (Ian Fleming’s birthday). Is there a love-hate between the author and his character, James Bond?
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It’s certainly the case that the names of people Fleming disliked would be non-subtly be inserted into the novels as the main enemy protagonists! In Goldfinger, it was said that Fleming based the character on architect Ernő Goldfinger – whose work he deplored, while Scaramanga, the enemy in The Man With the Golden Gun was reputedly based on a fellow student of the same surname that Fleming used to fight with when he was at Eton. As for Blofeld, Fleming also went to Sunningdale Preparatory school with John Blofeld, and the latter reportedly bullied Fleming such that he used the name as Bond’s arch nemesis. Giving Blofeld the same birthday as himself might have been Fleming’s attempt to infer that both school boys were essentially the same, but that he’d had the last laugh, creating a secret agent to exert the revenge he was probably unable/unwilling to do while at school. I’m not sure this means Fleming hated his creation – more that he had more ‘back-history’ with the enemies in his books. With Blofeld, we potentially see played out Bond’s hatred for snobbery (On Her Majesty’s Secret Service is all about Blofeld’s quest to become accepted nobility) – and snobbery was one vice that Fleming once wrote should be one of an updated list of ‘seven deadly sins’ (the others being moral cowardice, hypocrisy, cruelty, self-righteousness, avarice and malice). Does this mean too that Fleming hated Bond? Maybe Fleming Bond was everything Fleming wanted to be, but couldn’t – Bond had a certain morale compass that Fleming himself arguably could quite stick to (ie Fleming enjoyed flings, and the aristocratic-lifestyle). Maybe Fleming hated the annual demand to keep churning out a new book each year (see next question), but his creation arguably created his lifestyle. And while avarice was one of Fleming’s pet hates, he was often badgering Jonathan Cape for higher print runs, to give him more royalties.
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At the end of ‘From Russia with love’, James Bond, hit by a poisoned blade, falls to the floor. Did Ian Fleming want to end with his character?
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Arthur Conan Doyle famously killed off Sherlock Holmes because he had grown tired of the pressure of creating new stories, but he was forced to bring him back to life after the public revolted. There is no suggestion Ian Fleming wanted to kill Bond off – not yet anyway. The books were just starting to get popular, and Fleming was in his most creative writing phase. Only later is it said that he felt constrained, and wanted to try new ways to explore the character (such as the 1962’s infamous The Spy Who Loved – told through the eyes of a female heroine, and which doesn’t even see Bond appear till halfway through the book). This particular book was written on the back of the protracted legal case surrounding the publication of the preceding year’s Thunderball – which involved film producer Kevin McClory, with whom he’d collaborated with to construct the story. The experience of this, plus the public’s demand for more, is said to have started a period of displeasure writing Bond. It’s when we see hints that the character Fleming had created, was now a bind. Fleming’s health was also starting to deteriorate, and the response to The Spy Who Loved Me was not good. One critic claimed “he has had to substitute for a fast-moving story the sorry misadventures of an upper-class tramp, told in dreary detail”. So embarrassed with Fleming that he asked for a paperback version not to be printed. So killing Bond in Russia With Love? Certainly not. But maybe a seed was sown. Although it is most likely he was storing up some pent up demand for his next book, Dr No, reception for this next book was certainly the first time a Bond book had received critical backlash. In Dr No the character was suddenly seen as sexist, snobbish, and having a distasteful tendency towards violence. It is said that Fleming was actively considering killing Bond off in what would have been his next book (if he’d lived) after The Man With The Golden Gun, but it’s clear this was not his frame of mind in the mid 1950s. It’s worth pointing out the mandatory retirement age for all double-O’s was stated as being 45. In Moonraker Bond says he’s eight years short of this, and so the timeline of the Bond series is estimated at being between 1951-64 – by which time Bond would have been 42. So it’s conceivable Fleming only intended for there to be a maximum of two, possibly three more Bond novels after The Man With The Golden Gun.
What is the main legacy of Ian Fleming in spy fiction?
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Gosh, big question. Fleming set the template I believe, that all spy writing either has to follow, or risk not following – ie the megalomaniac character, often with a physical deformity of some form, who has a lair somewhere, and legions of acolytes that do his bidding. While the enemy being the big-brained ‘mastermind’ may not have bee created by Fleming, it was certainly perfected by him, and has become the yardstick other books tend to follow. The character flaws – the slightly psychotic man who has lost touch with reality really is Fleming’s construct. Of course, today, some might say this has now veered into a cliché, but this recipe is still there. Which means there has to be a woman in need of rescuing too, there has to be mortal danger, an outlandish plot, and a come-uppance. The ‘Fleming flourish’ of events happening in real-time is another of his marks that writers often comment on. There’s no really many flashbacks, or jumps back or forth – it’s all very linear. Some might say basic, but it’s a winning formula. In 1963 Ian Fleming wrote an essay about the secrets to creating a good thriller, and said very simply that it is all about “You have to get the reader to turn over the page.” He adds: “Nothing must be allowed to interfere with this essential dynamic of the thriller….There must be no complications in names, relationships, journeys or geographical settings to confuse or irritate the reader. He must never ask himself “Where am I? Who is this person? What the hell are they all doing?” Above all there must never be those maddening recaps where the hero maunders about his unhappy fate, goes over in his mind a list of suspects, or reflects what he might have done or what he proposes to do next. By all means, set the scene or enumerate the heroine’s measurements as lovingly as you wish, but in doing so, each word must tell, and interest or titillate the reader before the action hurries on.” This is, I feel, the challenge he sets other writers, seemingly doing so as being the perfect exemplar of his ‘rules’. Interestingly though, he accepts that spy fiction is not ‘literature’ with a capital L, so he is also saying that he work must not be treated like this either. It perhaps signals a response to those were were arguing at the time that his storylines were no longer believable. But as he himself said: “My plots are fantastic, while being often based upon truth. They go wildly beyond the probable but not, I think, beyond the possible. . . .”
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Peter Crush’s website : http://www.jamesbondfirsteditions.co.uk/