Plus que jamais, notre relation avec la nature est questionnée. Les forêts, les océans ou encore les pôles arctiques sont profondément détériorés par l’activité humaine. La faune n’est pas non plus épargnée par les bouleversements et bon nombre d’espèces restent aujourd’hui menacées d’extinction. Pour que les jeunes générations soient sensibilisées à ces grandes problématiques, la littérature jeunesse se mobilise depuis longtemps. Toupoil en est le parfait exemple. À chacune de ses aventures, ce gentil chien-sauveur rencontre un nouvel animal pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. 

Serge Monfort, auteur de la bande dessinée Toupoil, nous éclaire sur ce héros canin.

 

 

Comment êtes-vous arrivé au dessin ?

 

 

J’ai aimé dessiner dès l’école primaire. Chez mes parents, il y avait  trois albums de bandes dessinées, c’était des aventures de Tintin : « Tintin au Congo », « L’étoile mystérieuse » et « Les bijoux de la Castafiore ». Je les ai lus et relus. Puis, étant bon élève, j’ai obtenu un premier prix qui était l’album « Tintin et le lotus bleu » puis un second prix : « Le nid des TOUPOIL 0marsupilamis ». Cette dernière bande dessinée m’a beaucoup marqué et demeure ma BD préférée. J’ai mis cela de côté jusqu’à mes 12 ans où, par le biais de la Bibliothèque pour Tous de Guingamp, j’ai obtenu un abonnement gratuit. Pendant un an, j’ai dévoré toutes les sortes de bandes dessinées du moment, essentiellement franco-belges. À l’adolescence, j’ai découvert le magazine Spirou. J’ai relu des histoires de Franquin et j’ai trouvé cet auteur fabuleux. Cela m’a fait  tilt ! Les fanzines étant très populaires, j’en ai moi-même crée un avec mes camarades de lycée pour publier nos dessins. Je suis toujours resté dans la bande dessinée pour enfants où il y a du rêve, du merveilleux et où tout finit bien. Dans la BD pour ado-adultes, on retrouve les problèmes et les fantasmes des adultes et bien souvent, cela finit mal. Je reste enfant dans la tête !

Après un Bac D, j’ai décidé de me servir de mon crayon pour trouver du travail. Je suis entré dans une agence de pub pour faire du dessin. Avec toujours cette idée de faire de la BD…

 

 

Comment Toupoil est-il né ?

 

 

J’ai tenté plusieurs choses pour les enfants. Certaines ont été publiées dans le magazine Tintin en 1982. Je voulais m’orienter vers le fantastique, l’heroic fantasy mais à l’époque, ce n’était pas à la mode comme aujourd’hui. Personne ne voulait ce genre de projet. J’ai TOUTOUproposé autre chose chez différents éditeurs, sans succès. Et comme je dessinais de temps en temps dans des médias bretons, un éditeur régional a repéré mes dessins en 1985. Il traduisait les albums de Yakari en breton et était intéressé pour me publier. J’ai tout de même posé des conditions : je voulais faire des bandes dessinées en français car je voulais être lu par tout le monde. Nous nous sommes entendus pour une BD à la fois en langue bretonne et en langue française. J’ai alors réfléchi au sujet : qu’est-ce qui allait intéresser les enfants aujourd’hui, comme hier ou demain ? J’ai pensé au genre animalier. Les enfants aimeront toujours les animaux et cela marche dans tous les styles (romans, albums illustrés, BD, dessins animés,…). Mais je ne voulais pas reproduire du Disney, du Macherot ou du Calvo, même si j’ai beaucoup d’admiration pour leur travail. J’ai toujours été sensible à la cause animale. J’ai donc crée un chien (Toupoil) pour l’aborder. Pendant longtemps, j’ai eu comme animal de compagnie un chien. Je lui racontais mes histoires. Il partait dans la campagne durant la journée et il revenait pour me raconter ses histoires à lui (rires). La première aventure est parue en décembre 1992, et elle a beaucoup plu. J’ai continué. L’éditeur en question ne s’est pas tellement battu pour cela, le diffuseur (régional aussi) non plus. J’ai arrêté au tome 3, en 2000, pour chercher un autre éditeur. Peine perdue. Avec ma compagne, nous avons crée Crayon Vert en 2010, pour reprendre Toupoil, avec une diffusion nationale cette fois.

 

 

En termes de dessin, quelles sont vos inspirations ?

 
Clairement Franquin, puis il y a aussi Derib qui a un univers incroyable avec notamment Yakari ou Buddy Longway. C’est aussi le premier dessinateur franco-belge qui réalise la première BD enfant-adulte qui dénonce (Buddy Longway). « Buddy » n’est pas une BD gratuite. Je voulais également faire passer des messages avec mes dessins. Je voulais une BD d’aventures qui permette la réflexion des enfants-lecteurs.

 

 

Toupoil est finalement un messager pour les humains ? 

 

 

Oui. Toupoil ne veut qu’une seule chose : c’est être tranquille dans son coin et qu’on n’embête pas non plus ses copains. D’une certaine manière, Toupoil c’est moi (rires). Pour Toupoil, c’est normal de chasser dans la nature (ne serait-ce que pour se nourrir) mais la chasse de loisirs – celle qui existe dans nos pays, celle qui tue ses copains pour le plaisir – cela il ne comprend pas. Moi non plus. Je ne comprends pas la chasse pratiquée par l’homme sauf elle devient vitale comme, par exemple, dans certains pays d’Afrique où les plus pauvres n’ont pas d’autre choix que de chasser même des espèces rares et protégées. Ce qui est condamnable, c’est le système qui exploite les pauvres et les pousse à chasser pour se nourrir parce que mal payés, voire pas du tout.  C’est ce système là qu’il faut chasser, pas la faune ! Mais là, on quitte la BD…

 

 

TOUPOIL8

 

 

À chaque album, il y a un portrait scientifique de l’animal-thème. Qu’est-ce qui vous plaît dans ces études ?

 

 

Dans la première aventure de Toupoil (1992), je découvrais au fur et à mesure mon personnage et son univers. Toupoil est confronté à un chasseur. À cette époque, la loutre était quasiment en voie de disparition (due à la chasse). Les premières mesures de protection animale en France datent seulement de 1972. En tant que guingampais, j’ai connu une foire aux sauvagines avant Pâques où des trappeurs proposaient des peaux de loutres jusque dans les années 70. Au fur et à mesure des aventures, j’ai apTOUPOIL 3 couv 300 dpipris beaucoup de choses sur la nature et les animaux. Pour la partie documentaire de fin d’album, je suis en contact avec des scientifiques, des naturalistes. Dans les premières éditions, il n’y avait que deux pages. Il était difficile à l’époque de trouver des informations sur la loutre. Sur l’ours, il y a des textes alors que pour le lynx en 2013, ce fut plus difficile. Aujourd’hui, il y a davantage de sources avec Internet. Le film animalier explose de nos jours. Depuis les éditions Crayon Vert, les albums ont un véritable documentaire de cinq pages. Il s’agit surtout d’une synthèse de l’animal-thème que Toupoil a rencontré. Cette partie permet à l’enfant de sortir de la fiction et de s’intéresser au côté naturaliste, au pourquoi de la disparition des espèces… Ce n’est pas non plus un redit de la bande dessinée, c’est un plus qui la complète.

 

 

Vous faites également de l’animation dans les écoles. L’inspiration vient-elle aussi de la rencontre avec les enfants ?

 

 

Oui. Beaucoup d’enfants demandent une aventure avec le hérisson. Parce qu’ils le voient malheureusement écrasé sur les routes. Mais par rapport à Toupoil, c’est un animal trop petit. Pour l’instant, les bandes dessinées traitent d’animaux qui ont à peu près la TOUPOIL CLASSEmême taille que Toupoil.

Les albums fonctionnent aussi dans les classes afin d’étudier l’environnement, les espèces, les rapports entre les animaux…

J’anime des ateliers des écoles élémentaires ou encore dans les médiathèques. Je montre aux enfants comment je réalise une histoire, comment on peut dessiner un animal, un humain… Étant auto-éditeur, je connais aussi toutes les étapes de la page blanche à l’impression. Je fais une intervention d’une heure pour que les enfants puissent bien suivre. Je montre souvent les dessins originaux puis ils posent des questions. Le temps imparti est bien souvent trop court !

 

 

Vous dessinez depuis trente ans. Avez-vous des lecteurs qui continuent de suivre les aventures de Toupoil depuis leur enfance ?

 

 

Oui, et très souvent, ils continuent la série pour leurs propres enfants. Ce sont surtout mes anciennes lectrices qui sont émues de me rencontrer dans les salons. C’est une surprise de rencontre l’auteur d’aventures qu’elles lisaient durant leur enfance. De plus, Toupoil est un défenseur des petites familles. Il protège les femelles qui élèvent seules la portée. La fille est naturellement plus protectrice, plus sensible, que le garçon… Je pense que j’ai plus de lectrices que de lecteurs.

 

 

Quelles sont les prochaines aventures de Toupoil ?

 

 

Il y aura le blaireau et le renard. Avec Toupoil, j’alterne des animaux connus avec des animaux inconnus. J’aimerais travailler sur la genette qui est un animal magnifique très méconnu du grand public même si on la trouve dans le Massif central, entre autres.

J’aimerais aussi exporter Toupoil dans d’autres pays, d’autres langues. Il ne faut pas qu’il se limite à la langue française. La disparition des espèces est planétaire malheureusement…

 

TOUPOIL 5, pl. 8

 

Pour en savoir plus :

Le site de Toupoil : http://www.toupoil.com/

La page Facebook de Toupoil : https://www.facebook.com/toupoil/

 

 

 

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