« Je jure devant Dieu obéissance inconditionnelle à Adolf Hitler, Guide du Reich et du peuple allemands, commandant en chef des Forces armées, et que je serai toujours prêt, comme un soldat courageux, à donner ma vie pour respecter ce serment. » Tel est le serment des membres de la Wehrmacht crée en 1934 afin d’en faire de véritables soldats d’Hitler.

Boches, chleus, jerries pour les Britanniques ou encore фашист pour les Soviétiques, le soldat allemand, à travers les multiples champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale, a su se faire connaître. Occupant impitoyable et combattant chevronné mais coupable de nombreux crimes de guerre, der soldat a avant tout attisé le dégoût parmi ses adversaires et les populations mais aussi parfois une certaine admiration pour ses techniques de combat et sa pugnacité sur la ligne de front. Force est de constater que SS et Wehrmacht ont été avant tout des armées nazies.

Entretien avec Benoît Rondeau, historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et auteur du livre « Etre soldat d’Hitler » (2019).

 

 

Que sait-on du soldat-type du début de la Wehrmacht (1935) ?

 

 

Il est difficile de faire un portrait-type du Landser de 1935. Avec la conscription qui vient de s’instaurer, disons que c’est un soldat jeune, sensible au fait d’appartenir à une armée qui à la faveur du régime, un régime pour lequel beaucoup partagent bien des conceptions et qui redonne sa fierté au peuple allemand (à condition de fermer les yeux sur bien des excès), sans en faire tous des va-t-‘en-guerre pour autant. Le serment prêté au Führer le lie à Hitler, qui en fascine plus d’un. Ce jeune soldat fait souvent sienne l’idéologie nazie, ou en partie du moins, et il subit un endoctrinement permanent, ayant grandi dans une Allemagne humiliée, revancharde et peu convaincue des vertus de la démocratie.

 

1935

 

Y’avait-il chez Hitler de la méfiance envers sa propre armée ?

 

 

Le Führer éprouve de la méfiance envers une certaine caste d’officiers, les Prussiens, les officiers d’état-major, ceux du haut-commandement. Leur pusillanimité à l’occasion le révulse. Son sentiment d’infaillibilité et les erreurs de jugements de ses grands subordonnés ont pu développer un sentiment de méfiance chez lui. Mais il est aussi capable d’accorder la plus grande confiance à des individus comme Rommel, Model, Kesselring ou Dönitz.

 

 

Comment était perçue la SS au sein de la Wehrmacht ?

 

 

La SS est une rivale pour tout ce qui a trait au personnel et au matériel. En soldiersdébut de guerre, les Waffen SS sont considérés comme des amateurs, ce qui n’est pas un jugement erroné. Mais ils sont aussi des camarades, des camarades motivés qu’on apprécie d’avoir à ses côtés, surtout les quelques Panzer-Divisionnen de la SS. Par ailleurs, nombre de ses cadres sont issus de la Wehrmacht, parmi les plus prestigieux comme Paul Hausser. Sur le plan idéologique, les deux armées sont nazies.

 

 

La Luftwaffe a-t-elle connu une réputation prestigieuse rapidement ?

 

 

Le prestige marche de pair avec le succès et l’aspect moderne et novateur. C’est exactement la situation qui prévaut en 1939-41 avec les Fallschirmjäger (paras), le Stuka, le Messerschmitt 109…

 

 

La Kriegsmarine était-elle réputée exigeante dans son recrutement notamment pour les U-boots ?

 

 

La Kriegsmarine a besoin de techniciens, de spécialistes, d’hommes aptes à réaliser des tâches plus complexes qu’un simple conducteur de camion ou un fantassin, d’où une certaine exigence. Ceci étant, les volontaires n’ont pas fait défaut pour les U-boote, ce qui a permis à la marine d’être très exigeante sur le plan de recrutement.

 

Kriegsmarine

 

 

Peut-on dire que la Wehrmacht est une armée supérieure aux autres puissances étrangères en 1939 ?

 

 

Oui, mais cela est déjà moins au printemps 1940, et encore moins en 1941 avec l’Opération Barbarossa. Ses atouts sont sa doctrine et ses tactiques, ainsi que l’entraînement et l’esprit d’initiative. Pour ce qui est du matériel, de la logistique et de la stratégie, c’est moins évident. A cette date, la Heer compte plus de radios et l’excellente MG 34, mais pas encore de puissants Panzer ou de Pak efficaces.

 

 

Les soldats allemands ont-ils eu de bonnes relations avec les autres puissances de l’Axe (Italie, Japon, Roumanie, Finlande,…)?

 

 

Ils n’ont pas eu le loisir de côtoyer les Japonais. Les autres étant racialement considérés comme inférieurs sur le plan nazi, ainsi que des médiocres combattants dans l’ensemble; jugement qui épargnent les Finlandais. Certaines unités italiennes font bonne figure, telles que les Bersaglieri, les parachutistes de la Folgore, les Alpini ou encore la division blindée Ariete. Si, au quotidien, les simples soldats peuvent s’entendre avec leurs alliés, c’est souvent plus délicat lorsqu’on monte la hérarchie, sans qu’il faille généraliser (notamment en ce qui concerne le haut-commandement allemand en Italie).

 

 

L’arrivée d’étrangers au sein de la Wehrmacht et de la SS (Français, belges, slaves, indiens,…) a-t-il déstabilisé les soldats allemands ?

 

 

On ne peut pas dire qu’ils les apprécient spécialement et on leur confie souvent des tâches secondaires (sauf pour les Espagnols de la Division Azul). Pour les généraux, ces unités sont souvent une « farce », ainsi des Ostruppen soviétiques et de la légion indienne déployés à l’Ouest en 1944.

 

ostruppen

 

 

Les liens que les soldats allemands ont unis avec les civils des territoires occupés(notamment avec les femmes) étaient-ils condamnés par les états-majors ?

 

 

Cela pouvait certes être mal vu, notamment à l’Est, avec celles qui étaient considérées comme des « sous-hommes », mais les officiers savaient bien qu’il s’agissait aussi d’un « mal nécessaire », d’autant que bien des idylles devaient être discrètes. Une certaine retenue et de la discrétion étaient de rigueur.

 

 

Pourquoi les crimes de la Wehrmacht sont souvent minimisés ?

 

 

les crimes

C’est un des legs de la Guerre froide : L’ennemi était devenu le Soviétique. L’Allemand redevenant un allié. Les mémoires et les travaux des anciens généraux de la Wehrmacht ont fait le reste, se dédouanant des errements de Hitler et faisant porter la responsabilité des crimes sur les seuls SS. C’est le mythe de la Wehrmacht « propre » et correcte, uniquement professionnelle et apolitique, ce dernier point étant un non-sens.

 

 

Le recrutement de nombreux anciens combattants au sein de la Légion étrangère après la guerre a-t-il fait polémique en France ?

 

 

Je ne saurais être formel. J’imagine que oui pour ceux qui en ont souffert pendant le conflit. Quant aux combattants et responsables de la Légion, j’imagine qu’ils ont apprécié de pouvoir compter sur de tels professionnels (c’est ce que m’a apporté un ancien légionnaire qui a fait l’Indochine à côté d’un très grand nombre d’anciens du front de l’Est).

 

 

Le lourd passé de l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale a-t-il entaché la Wehrmacht (RDA/RFA/Allemagne unie) pendant des dizaines d’années ?

 

 

Pas exactement. Si d’un certain point de vue elle a été condamnée, assez précocement à l’Est, la Wehrmacht et ses chefs ont été une référence pour toutes les armées du monde, en particulier occidentales, ainsi que pour les amateurs d’histoire militaire. L’oubli de ses crimes et de la cause qu’elle servait a longtemps constitué la norme. Elle fascine et continue de fasciner. Les travaux les plus récents permettent enfin d’avoir une image plus nuancée et plus juste de cette armée qui fut le bras armé, complice et fidèle d’un régime criminel. Mais elle reste l’un des meilleurs outils de combat qu’il eu sur Terre.

 

RDA

 

Pour en savoir plus :

« Etre soldat de Hitler » Editions Perrin 2019 https://www.amazon.fr/Etre-soldat-Hitler-Beno%C3%AEt-RONDEAU/dp/2262075964

Sur le site de M. Benoît Rondeau : http://www.benoitrondeau.com/portfolio/etre-soldat-de-hitler/

 

 

 

 

 

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