Alors que sera commémoré le 70ème anniversaire du déclenchement de la Guerre de Corée le 25 Juin 2020, il n’existe toujours pas de déclaration de paix entre les deux Corées toujours divisées par la zone démilitarisée qui longe le 38ème parallèle.

De 1950 à 1953, la péninsule coréenne s’est embrasée et le conflit de la Guerre froide a entraîné la première crise majeure de la jeune Organisation des Nations Unies. Alors que l’URSS et la Chine de Mao soutiennent les Nord-Coréens, les Sud-Coréens ont l’appui des Américains et d’un  grand nombre de pays membres de l’ONU dont la France. Episode peu connu, les Français ont pourtant bien participé à la Guerre de Corée tout en étant engagés dans la Guerre d’Indochine.

Un bataillon d’infanterie formé d’à peu près 1 000 militaires volontaires de l’armée française et de l’Union française issus de toutes les armes fut envoyé pour représenter la France.

Entretien avec Pierre Le Guerrannic, 85 ans, ancien volontaire pour la Corée.

 

 

 

 

Pour quelles raisons vous avez été volontaire pour le Bataillon français de l’ONU ?

 

 

 

Je me suis engagé à mes 18 ans pour servir dans les troupes coloniales et par goût pour l’aventure. J’ai été désigné pour aller en Indochine. Nous sommes partis en 1952 à Fréjus pour le stage de brousse afin de nous préparer au combat. C’est à cet endroit qu’on nous a demandés si nous voulions partir en renfort en Corée. La paie allait être en dollars américains et nous serions équipés avec du matériel américain bien meilleur que celui des Français. De plus, les rations américaines étaient meilleures. Nous étions une dizaine de jeunes de Nantes et nous nous sommes portés volontaires pour un an.

Pendant deux semaines à Fréjus, nous avons étudié notre nouvel équipement et l’armement. Des soldats français (des caporaux et un officier) qui avaient déjà combattu en Corée nous encadraient.

Puis nous avons pris le bateau à Marseille et il y a eu une escale à Saïgon où ont été déposés ceux de notre détachement qui devaient faire la Guerre d’Indochine. Nous avons pu profiter pour rester cette nuit-là dans la ville, manger au restaurant, voir les filles… Puis, nous avons repris le bateau pour la Corée. Je suis arrivé enfin à Busan.

 

 

 

Quelle était la situation militaire lors de votre arrivée à Busan ?

 

 

 

La situation militaire était bonne. Tout le matériel français a été pris et nos uniformes ont été brûlés par les Américains alors qu’à notre départ de France, on nous en avait donnés des neufs. Nous faisions à présent partie d’une autre armée.  Les armes américaines ont également été distribuées.

Nous avons pris le train pour aller à une base arrière et ensuite nous sommes allés au front, le long du 38ème parallèle.  C’était le début de l’hiver. Notre détachement, le Détachement de Renfort  n°12, était en déjà en position sur les pitons les plus élevés pour dominer la vallée. En arrivant, nous avons relevé un bataillon anglais. J’ai connu ma première attaque sur cette position. Les troupes chinoises essayaient de nous déloger. Chaque jour, les Chinois restaient enterrés dans leurs positions. Malgré les tirs d’artillerie américains, ils étaient à l’abri et chaque nuit, ils venaient nous attaquer. C’était une vraie guerre de positions.

Nous sortions nous-mêmes la nuit avec les patrouilles dans le no man’s land et c’est là que nous avions des accrochages avec les Chinois. Après les combats, nous avions l’habitude de nous reposer dans un blockhaus aménagé avec le génie américain. Nous n’avions plus vraiment la notion du temps. Les jours et les nuits se ressemblaient.

 

 

Qu’avez-vous appris des méthodes de l’ennemi ?

 

 

 

Nous savions très peu des méthodes de l’ennemi. Les Chinois étaient de vrais guerriers. Ils attaquaient en masse. Avec eux, il y avait des Mongols qui, en essayant d’infiltrer nos positions, se déshabillaient pour que leurs vêtements ne puissent pas s’accrocher à nos fils de fer de barbelés.

Dès que l’ennemi nous  repérait, il n’hésitait pas à nous attaquer et nous faisions la même. Un soir, avec des canons 57 sans recul, nous nous sommes approchés d’une position chinoise et nous avons ensuite tiré. Le lendemain, J’ai pu observer un détachement qui sortait de la position.

La 1ère compagnie a pris des prisonniers et nos soldats ont trouvé dans leurs affaires de l’alcool de riz. Cela leur permettait d’affronter la peur du combat.

 

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Y’avait-il une peur d’être vous-même fait prisonnier ?

 

 

Lorsque nous montions la garde, on écoutait tous les bruits. Malgré la fatigue, nous n’avions aucune envie de dormir.

 

 

Il y avait un autre ennemi, c’était le froid. Comment l’affrontiez-vous ?

 

 

Nous étions bien équipés avec des chaussures spéciales, les pantalons d’hiver doublés, des moufles. En Hiver, on essayait de ne pas trop manipuler nos armes à mains nues car avec le froid, elles auraient pu rester coller.

Au point de vue vêtements, des duvets et de la nourriture, il n’y avait rien à dire.

 

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Comment étaient les relations avec les Américains ?

 

 

Tout allait bien. La France était bien vue puisque notre bataillon avait antérieurement eu de belles victoires. Les Américains ont reconnu le courage des Français.

 

 

 

Vous aviez des permissions, des liens avec les civils coréens et d’autres soldats ?

 

 

Oui nous sommes allés à Séoul. Nous avions très peu de contacts avec les cikoreanvils coréens. C’était la misère. Au repos, nous nous préparions à revenir au front à tout moment car nous ne savions jamais quand nous devions repartir. Nous n’avions que quelques jours mais c’est arrivé de nous balader dans les villages des alentours. Il n’y avait plus que des femmes et des vieillards. Les hommes étaient mobilisés. Nous gardions le pain américain et on le donnait aux enfants.

Nous avons pu rencontrer d’autres soldats qui venaient de Hollande, de Grèce ou de Turquie.

 

 

Comment furent les derniers mois de combat ?

 

 

L’objectif était surveiller l’ennemi et de garder nos positions.

J’ai été blessé par balles à l’épaule et au dos en mai 1953 deux mois avant le cessez-le-feu. J’ai été hospitalisé un mois et demi à Tokyo. J’étais avec des Américains, un Belge et un Hollandais. Les Français étaient bien vus au Japon. On nous appelait « Napoléon ».

 

 

L’Indochine a été une guerre très différente de celle de la Corée. Quelles étaient les grandes différences ?

 

 

 

L’armistice signé, j’ai rejoint le bataillon. Les soldats des 1ère, 2ème, 3ème et 4ème compagnies se préparaient à partir. Mais comme nous, les Nantais et quelques Parisiens, étions engagés dans les troupes coloniales pour trois ans, on nous a envoyés en Indochine. Avec les soldats restants, ils ont formé une nouvelle compagnie. Nous avons formé le Groupement mobile n° 100 (GM100). Nous circulions beaucoup.

En Corée, c’était une guerre de positions. En Indochine, c’était la guérilla. Nous marchions dans la campagne toute la journée sans rien voir. Puis au moment de monter dans le camion, nous étions moins sur le qui-vive et c’était là que les Viets nous attaquaient.

 

Pour en savoir plus :

http://france-coree.assoc.pagespro-orange.fr/histoire/2ID_BF.html

 

Photo de couverture : © Brieuc CUDENNEC

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