Il y a incontestablement des comédiens qui marquent les esprits par leur jeu et leur présence sur scène ou à l’écran. Richard Sammel en fait partie et s’est montré remarquable dans Le hussard sur le toit, dans Inglorious Basterds ou encore dans des séries telles que The strain ou Un village français.

Circulant dans toute l’Europe et aux Etats-Unis, Richard Sammel a à présent le projet de revenir au théâtre. Il a pris du temps pour discuter avec Le Paratonnerre de sa carrière d’acteur.


Vous tournez des films américains mais aussi français, portugais, allemand, italien et il y a peu macédonien et albanais. Vous sentez-vous avant tout comme un acteur européen?

 

Absolument. J’ai un itinéraire professionnel atypique qui m’a amené très tôt dans ma carrière théâtrale d’abord à travers presque toute l’Europe. Chaque pays a l’époque avait un genre théâtral bien distinct. Je faisais partie de compagnies avec des comédiens de partout sous la direction de Georgio Barberio Corsetti par exemple, avec les pionniers d’une existence culturelle européenne.

 

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Je continue dans ce sens aujourd’hui.

 

Louis de Funès disait qu’il n’aurait pas aimer être ceux qu’il incarnait au théâtre et au cinéma. Est-ce aussi le cas pour vous pour certains de vos personnages?

 

Absolument (rires). Je crois que j’ai plus de raisons de ne pas aimer certains de mes personnages que Louis de Funès.

Le hasard m’a amené à faire une carrière cinématographique où j’incarne des monstres, des personnes avec une psychologie tordue, particulière. Rien dans ma carrière théâtrale ne me prédestinait à cela. Je viens surtout de la comédie.

Cela vient peut être du fait que j’ai continué ma carrière ailleurs qu’en Allemagne. Je suis parti en Italie. A l’étranger, on vous donne une chance et on vous emploie pour ce que vous êtes: c’est-à-dire un Allemand. Au début, c’est un tremplin puis cela peut devenir une cage.

Le “méchant allemand” fait aussi partie de l’inconscient collectif mondial. Le cinéma s’empare des événements historiques marquants et le plus marquant du 20ème siècle c’est la Seconde Guerre mondiale et le nazisme. Au cinéma, il y a de nombreux clichés dont celui du méchant allemand. L’holocauste a défini le mal incarné dans la personne des Allemands.

Regardez les films de James Bond où les ennemis ont souvent été russes ou allemands. Ce sont des repères pour le public. Ce qui est intéressant dans ces personnages quelque peu standardisés, c’est qu’ils mystifient la peur de “l’autre”. Un comédien peut expérimenter ces caractéristiques tout en humanisant le personnage. C’est vaste! Mais c’est sûr que certains personnages que j’ai incarné, je n’aurais pas aimé les rencontrer…

 

Qu’est-ce que les films français disent sur les Français selon vous?

 

Il y a un côté nombriliste existentialiste (rires). Dans mon milieu d’acteurs étrangers (allemands, américains, italiens), nous plaisantons parfois sur les clichés de films de différentes nationalités Nous décrivons la scène d’un film, par exemple: Une fille fume une cigarette assise sur une terrasse de café. Son fiancé arrive s’assoit mais ils ne se parlent pas. Quelle est la nationalité de ce film? Et les gens répondent tout de suite: « c’est un film français! »

Avant 2000, chaque tournage de film, était plus distinct selon la nationalité, mais avec l’ouverture de l’Europe cela a tendance a se rapprocher. Sur un tournage européen, on retrouve plus de nationalités donc l’organisation s’égalise.

Le cinéma français a toujours très bien existé et il continue avec la préservation de son identité. Il y a de grands réalisateurs et acteurs. Le cinéma français reste de très grande qualité avec un excellent mode de fonctionnement, de financement. Savez-vous qu’on produit trois fois plus de films ici qu’en Allemagne? Le théâtre est par contre beaucoup plus subventionné en Allemagne qu’en France.

 

Y’a-t-il une plus grande liberté de travail sur les rôles lorsqu’on joue dans une série?

 

Le plus précieux pour un comédien c’est le temps. Ainsi, on peut développer la personnalité du rôle, grandir avec!  C’est un vrai luxe. Au cinéma, on raconte une histoire en 2 heures. C’est un autre exercice. Le temps y est géré complètement différemment. Dans une série sont écrites au départ soit uniquement le premier épisode, soit la première saison, c’est tout. Votre personnage va évoluer avec le temps, selon votre prestation, le retour du public, le rapport avec les producteurs, auteurs, etc. Les scénaristes s’appuient sur l’acteur. Il faut qu’il les inspirent.  Ils ne savent pas toujours comment leurs histoires, leurs personnages vont se terminer. Dans une série, vous faites partie du processus de création.

Un village français est un très bon exemple. Les auteurs n’imaginaient pas que mon

un village francaispersonnage puisse durer aussi longtemps. J’ai eu de la chance. Nous avons eu de bons échanges entre nous, les téléspectateurs étaient au rendez-vous. Donc vous pouvez développer plus. Mon personnage était un vrai salaud mais avec le temps j’ai eu l’occasion de l’humaniser. J’ai pu expliquer sa personnalité, ses failles. Dans le monde, tout n’est pas blanc, tout n’est pas noir. Il y a une lutte à l’intérieur de chacun et nous vivons essentiellement dans un mélange toujours changeant de blanc et de noir.

Dans Un village français, plusieurs acteurs et actrices sont revenus et les rôles se sont alors étoffés.

 

Jouer le rôle d’un vampire (The strain) c’était un rêve caché?

 

J’ai trois rêves comme beaucoup de comédiens: j’adorerais jouer dans un western, dans un film de science-fiction et incarner un vampire.

Je ne pouvais pas refuser The strain. C’était comme dans un rêve. Mon téléphone a sonné et Guillermo Del Toro me proposait un rôle. C’est une occasion qui arrive rarement dans la vie. C’était incroyable.

 

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Comment avez-vous préparé votre rôle dans Casino royale (2006) ?

 

L’idée du film était de moderniser James Bond, le rendre plus brutal, sexy, ‘bad boy”. Daniel Craig comme choix était culotté. On pourrait même le confondre avec un méchant. C’était très courageux de la part des producteurs Broccoli.

Avec Daniel Craig, le mythe s’est modernisé et il a contribué a vitaliser l’image du héros. Pour Casino royale, la production avait choisi plusieurs acteurs de différentes nationalités pour des essais pour un rôle: Le Chiffre. Le choix s’est porté rapidement sur Mads Mikkelsen. Pour moi la production a hésité entre le rôle de M. White et celui d’Adolph Gettler. J’ai obtenu le dernier.

Pour ma participation au film, il y a deux choses qui ont joué:

Premièrement, j’étais osseux, blond aux yeux bleus, proche de Daniel Craig donc j’ai eu un œil casino royalecaché et un grand chapeau. Et comme j’étais le dernier méchant, mon rôle a été réduit. Dans le scénario, l’histoire était plus importante. Certaines scènes ont même été coupées.

Les combats devaient continuer sous l’eau. Vesper est prisonnière dans l’ascenseur et Gettler tente de tuer James Bond sous l’eau devant ses yeux.

Je me suis préparé à nager et à utiliser un couteau sous l’eau. Etant plongeur, je ne paniquais pas et je m’entraînais en apnée avec des préparateurs militaires à plus de 20 mètres de profondeur. La production s’occupait de tout et sur le plateau, vous êtes très bien préparé.

 

Votre scène dans Inglorious Basterds (2009) a beaucoup marqué les esprits. Elle introduit réellement l’équipe d’Aldo Raine. Comment a été travaillée la scène?

 

Avec Quentin Tarantino c’est une histoire particulière. J’avais passer le casting pour jouer le rôle d’Hans Landa. et finalement je ne l’ai pas obtenu. Quentin m’a alors proposé le rôle du sergent Werner Rachtmann. J’ai pris ça comme une consolation et j’ai refusé. Je voulais juste oublier ce film. Quentin Tarantino m’a alors demandé combien de temps j’avais pour dépasser ma tristesse et j’ai répondu trois semaines. Trois semaines plus tard, il m’a rappelé et m’a convaincu de jouer dans le film. Pour lui la scène était très importante et que j’étais “le seul qui pouvait la faire”.

Il a tenu une promesse: « You don’t need a lead in a movie to make your way. You just need one unforgettable motherfucking scene. I will give this scene to you« .

Il a fallu 6 jours pour tourner cette scène. Avec Brad Pitt, j’ai compris que les plus grandes stars de cinéma sont aussi des êtres humains avec leurs faiblesses mais ont surtout une chose: un amour inconditionnel pour leur passion. Je crois que pour cette raison ce sont des stars. Vous ne pouvez pas être excellent dans un domaine que vous n’aimez pas.

La nuit, Brad Pitt jouait avec ses enfants et le jour, il tournait. L’une des premières choses qu’il m’a dit c’était qu’il fallait l’excuser d’être aussi épuisé.

richard_sammelIl y a eu beaucoup de répétitions et nous avons ainsi enrichi la scène. Les Inglorious basterds se conduisent assez mal et finalement c’est l’Allemand, face à eux, qui est plus digne, avec un certain code d’honneur. Le cliché du soldat allemand cruel et irrespectueux a été détourné.

Quentin Tarantino a demandé à toute l’équipe de partir et il ne restait plus sur le plateau que moi, Brad Pitt et Eli Roth. Ce n’est qu’ensemble et au bout de 20 minutes, nous avons trouvé comment enrichir la scène. J’avais notamment une croix de fer agrafée sur ma poitrine et nous l’avons utilisé pour renforcer la scène. Tout le monde est revenu.

On peut décrire Tarantino comme une tornade: de loin vous le voyez avec les paparazzi, il y a de l’agitation et de près c’est un vrai travailleur, concentré, passion et calme – et qui dialogue avec les acteurs. C’était comme au théâtre.

 

Est-ce qu’être comédien, c’est une remise en question permanente?

 

Cela peut être son contraire aussi. J’aime ce métier pour cela. Pendant toute ma carrière, j’ai dû trouver ma place et mon style. Avec l’expérience, vous comprenez ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il faut donner vie à un texte et ainsi risquer quelque chose.

Je n’apprends pas maintenant je désapprends. On apprend tellement de choses qu’il faut aussi trier. Il y a tellement différentes façons de jouer.

Certains jeunes acteurs ont déjà cette envie de risque et jouent parfaitement.

 

Un conseil pour les jeunes acteurs qui doivent jouer des rôles de soldats allemands?

 

Si vous ne voulez pas d’un rôle, ne le faites pas mais si vous l’acceptez, faites-le à fond.

Je m’interroge toujours sur comment jouer la scène pour que je puisse y croire moi-même. Si je vivais cette situation, comment je dirais cette phrase ?

 

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Le 2ème entretien :

Richard Sammel : La passion et la rigueur de l’acteur

 

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