Stylisme, géopolitique, mannequinat, création d’entreprise, la palette des compétences de Somalia Barro, originaire de Martinique, est plus que large. Sans aucun doute, il s’agit en fait du CV d’une passionnée et ça, au Paratonnerre, on suit de très près. Rencontre.
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Occuper des fonctions aussi différentes n’est pas trop déroutant?

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Hello Brieuc, merci de me recevoir sur le Paratonnerre.

Je crois que ce qui est plus déroutant c’est de ne faire qu’une seule chose de sa vie, surtout sur le plan professionnel. D’ailleurs, personne ne fait ça. Je pense que chacun à des passions, des hobbies, des loisirs, pour ma part j’ai choisi d’en faire deux métiers.

J’en suis très satisfaite car je puise dans chacun de mes domaines de prédilection (la mode et la politique) pour me nourrir intellectuellement, et faire des rencontres variées. C’est important de ne pas se brider et c’est l’un des plus gros défauts des Français : devoir être hyperspécialisés tout en faisant valoir une immense culture générale mais toujours être très peu valorisé pour ses compétences multiples.

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Travailler avec sa sœur jumelle dans la mode, bonne ou mauvaise expérience?

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Excellente ! C’est toujours un plaisir de se retrouver et de mettre à profit notre synergie pour habiller des 17012528_10212317268063797_1094807668_nprojets. La difficulté réside parfois dans le fait d’harmoniser nos tempéraments qui sont très différents car les clients recherchent souvent chez les jumeaux des doubles plus que des alter-egos. Jusque-là nous avons été modèles ensemble, j’aimerais pouvoir explorer les aspects plus techniques de la mode tels que le stylisme ou la direction artistique.

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La mode est-elle un monde inaccessible pour beaucoup selon toi? des discriminations?

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D’une manière générale, oui. La mode est un univers de luxe extrêmement codifié et hiérarchisé. La discrimination ? Sur les podiums c’est certain, la Mode est finalement ethnocentrée et exotise ses modèles à sa convenance. En Occident, on remarquera que les peaux noires sont souvent métisses par exemple, les filles arabes ou d’origine asiatique se font très rares également. L’industrie de la mode se confronte cependant à ses propres contraintes, on le voit depuis quelques années avec le rajeunissement des collections, des designers mais aussi de l’audience de la mode : les bloggers, les influenceurs etc. Les réseaux sociaux ont fait volé en éclat l’accès à la Haute Couture et ont révélé une forte appétence pour les cultures urbaines et mixtes. Les maisons de Couture se plient désormais à ce public, une posture devenue décisive pour leur survie.

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Etre une femme noire diplômée c’est aussi être possible victime de discriminations?

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Je suis née en Martinique où la majorité de la population est noire ou en tous cas non-blanche, c’est donc à Paris que j’ai appris à que j’étais Noire. Je ne le vis pas forcément comme tel mais il est vrai qu’en vivant 17015087_10212317248343304_838764727_oici, j’ai dû apprendre à mieux partager ma culture antillaise et gabonaise, attirer l’attention sur des comportements discriminants. Je me suis rendue compte que les Noirs représentaient des minorités complexes et riches de cultures. Il est de notoriété publique que la discrimination pèse lourdement sur le monde de l’entreprise en France, et j’ai pu m’y confronter. J’ai eu la chance d’être élevée avec une grande confiance en moi et j’ai dû très tôt intégrer la réalité des luttes sociales. Mes parents et ma grand-mère paternelle surtout, m’ont éduquée pour aller de l’avant et surmonter les obstacles en donnant le meilleur de moi-même. Alors, au lieu de me rebuter, la discrimination m’a poussée à redéfinir mes priorités en m’entourant de partenaires, entreprises ou professionnels qui ne se posent pas la question de la « tolérance ». C’est également comme cela que j’ai compris qu’il fallait que je crée mon entreprise (www.lesbeauxcerveaux.com), que je m’associe avec des talents qui tout comme moi sont très confiants et positifs. Je sais que beaucoup de jeunes (surtout) se sentent exclus du marché de l’emploi et sont victimes de discrimination. C’est très dommageable pour notre pays car il se prive d’un potentiel culturel énorme, qui lui permettrait pourtant d’être terriblement efficace et compétitif sur les marchés internationaux !

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La Martinique peut-elle être aussi un paradis pour start-ups?

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C’est ce que je souhaite profondément ! Nous avons un écosystème d’affaires cloisonné, dominé par de grandes familles économiques, l’entreprenariat est une solution certaine face à un taux de chômage prohibitif chez les jeunes notamment. Les jeunes de l’Outre-Mer sont très diplômés, frôlent des taux d’excellence rares, et je suis persuadée qu’ils méritent d’être encouragés par des politiques de flexibilité économique plus proches de leurs besoins. Peux-tu imaginer le bonheur que de créer sa start-up depuis Paris et de la développer dans le cocon verdoyant de la Martinique ou la Guadeloupe ? 

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Tu as rencontré des militants pendant la 2ème campagne présidentielle de Barrack Obama. Que retiens-tu de cette expérience américaine?

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Ce fût une expérience riche qui m’a permis de mettre en perspective les méthodes Françaises de campagne, notamment dans le cadre de mon Master. La première chose qui m’a frappée est le rapport très personnel des électeurs au candidat Obama Le système bi-partisan des États-Unis m’a cependant semblé limité d’un point de vue démocratique, car il condamne de fait des groupes politiques moins puissants. 

Cette seconde campagne a permis de confirmer ce mode d’organisation comme valide et essentiel pour fédérer les citoyens. Il a d’ailleurs été réutilisé avec Clinton qui a gagné plus de 2 millions de voix citoyennes d’avance sur son opposant. 

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Un avis sur la mode hipster? La Martinique est-elle touchée par le phénomène?

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Je remercie la mode hipster d’avoir permis aux femmes de porter des sneakers plutôt que des talons aiguilles ! Bien que je sois moins conquise par son aspect poli et plat qui durant ces dernières années a donné lieu à une hégémonie des styles vestimentaires du quotidien, la mode hipster a eu le mérite d’équilibrer l’aspect social de la mode. Cette mode plus accessible a fait entrer dans le corps des modeux des tendances jusque-là exclues : le streetwear, les influences rap, hip-hop et même les excentricités des sapeurs, nos nouveaux dandys. J’ai vécu cette mode comme une fascinante plongée dans les mondes urbains Français, tellement culturels, engagés, artistes et passionnés !

En Martinique, la tendance prend de l’ampleur mais il faut noter que les modes martiniquaises sont conditionnées par les choix d’importation de vêtements. Et, le « Hipsterisme » est une mouvance urbaine qui n’est pas nécessairement compatible avec la culture insulaire. La mode hispter fait tout de même une belle percée et se décline alors dans un style plus caribéen ou estival par le biais du e-commerce qui rend les achats plus faciles, mais toujours coûteux. La rareté de ces produits fait de l’achat hipster une prise de position, les personnes qui sont dans cette tendance osent de nouvelles choses en Martinique, et je trouve cela toujours positif !

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Instagram de Somalia Barro : https://www.instagram.com/madamesomalia/

Petite communauté de freelance: http://www.lesbeauxcerveaux.com

Crédit photo de couverture & 1ère photo: Fee-Gloria Groenmeyer.

Derniere photo : Crédit: Vincent Macher.

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