Eloïse Bouton est journaliste, autrice, passionnée de musique et féministe. Auparavant militante Femen connue pour avoir été condamnée pour « exhibition sexuelle » après son happening à l’église de la Madeleine, Eloïse Bouton lie ses passions avec son site http://www.madamerap.com/ qui prouve qu’on peut adorer le hip hop et être féministe. Nous l’avons rencontrée pour parler sexualité, égalité et musique.

Quelle est ta définition du féminisme ?

C’est l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Il y a en fait des féminismes. Une grande multitude même avec collectifs queer, LGBT, femmes voilées… La chanteuse Nicki Minaj se revendique elle-même féministe. C’est un état d’esprit mais variable selon la personnalité. Je suis plus proche des idées de Monique Wittig, Judith Butler ou d’Angel.

Un corps est-il forcément sexué ?

Je pense qu’on a tous un sexe mais on choisit de sexualiser son propre corps. La nudité n’est pas forcément sexuelle c’est la façon dont on utilise son corps qui le change. Quand les intermittents du spectacle manifestent nus, leur but est de faire passer un message politique et non de s’exhiber. La nudité des naturistes représente un certain bien-être et non une forme de sexualisation. J’ai manifesté seins nus pour passer un message politique et pourtant j’ai été condamnée par la justice pour exhibition sexuelle…

A-t-on plus conscience du sexisme aujourd’hui ?

Nous vivons toujours dans une société de privilèges. Il existe toujours des personnes plus aisées que d’autres, une population blanche moins discriminée que d’autres, des hommes avec un salaire plus important que des femmes occupant les mêmes fonctions. Même de nos jours, je continue à être harcelée dans la rue par toutes les catégories d’hommes.

Il est assez surprenant de relever qu’au Moyen-Âge, il y avait des mots pour les professions de femmes, qui ont disparu aujourd’hui : on parlait d’autrice, de troubadouresse … Mais aujourd’hui, quand on souhaite transformer le terme « droits de l’Homme » en « droits humains », l’Académie française nous traite de révisionnistes alors que dans d’autres langues, il n’y a pas cette exclusion.

– Qu’est-ce que les rappeuses ont apporté à la musique? Et pourquoi ont-elles pleinement leurs places dans ce genre musical?

queen-latif

Elles ont apporté un discours d’empowerment qui été absent auparavant. Queen Latifah, même si elle ne s’est revendiquée comme tel au début, est l’une des premières à avoir fait son coming out. Elle est devenue militante et un rôle modèle pour tous et pas seulement pour les Noires américaines. Queen Latifah a prouvé qu’il était possible de faire carrière en apportant une parole politique.

Tu es journaliste, chanteuse, traductrice, l’amour des mots est-il le moteur de ta carrière?

Complètement. Enfant, je voulais être écrivaine pour dire la vérité. Même si cela peut paraître un peu mégalo, écrire permettait pour moi de dire la vérité, de donner la parole à ceux qui n’étaient pas entendus. Aujourd’hui, je propose mes sujets d’aujourd’hui à 90% du temps. Avec l’écriture, je reste libre.

Penses-tu que la sexualité d’aujourd’hui est libérée ou reste emprisonnée par de nombreux tabous ? Qu’est-ce qui te surprend toujours ?

Pour mes articles, je parle avec des jeunes filles de 20 ans et je constate qu’il y a moins d’étiquettes, moins de cadres que lorsque j’avais leur âge. Elles expérimentent plus que ma génération mais se définissent moins en tant qu’hétéros, bisexuelles ou lesbiennes. D’autres jeunes filles sont en fait assez conservatrices, parfois anti-IVG.

Il y a également moins de prise de conscience.

Sur la vie de couple, les gens sont perdus, à la recherche d’un nouveau modèle, car le modèle classique s’effondre.train

Il y a également des violences qui restent taboues (violences gynécologues, conjugales, grossophobie….), aucun intérêt pour des pratiques sexuelles comme la pénétration mais on le fait selon les codes. Même si les femmes restent anonymes, elles ont un fort besoin de témoigner.

Y’a-t-il un féminisme masculin pour les hommes ?

Les hommes ne savent pas où se situer. Ils sont déboussolés concernant le plaisir, le consentement mutuel. Il y a une souffrance parce qu’ils n’arrivent pas toujours à se déconstruire tous seuls. De plus, le consentement masculin n’est jamais questionné.

As-tu des références littéraires féministes à conseiller ?

Violette Leduc (forever), Annie Ernaux, l’écrvaine féministe nigériane Chimamanda Ngozi Adichi. Virginie Despentes. Jeanette Winterson (Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?), Sylvia Plath, Maya Angelou, Toni Morrison…

Cinéma: Sciamma, Alice Guy (En 1900, les hommes sont à la place des femmes dans ses films).

Que retenir de ton expérience Femen ?

C’était une très bonne expérience. Ca m’a permis de réaliser que je n’étais plus faite pour le féminisme collectif et que j’étais plus efficace seule. Professionnellement, le militantisme peut vous suicider. Beaucoup de portes se sont fermées à moi car se dire féministe reste stigmatisant.

Alors que les seins nus étaient un outil militant, ils sont devenus pour moi un combat en soi. Je revois les Femen aux procès.

Je reste de toute façon féministe et collabore ponctuellement avec différentes associations.

mrapTwitter d’Eloïse Bouton

Twitter de Madame Rap

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